Angela Merkel s'est de nouveau ouvertement prononcée contre Donald Trump, cette fois dans le cadre du litige autour de la compagnie Huawei. La chancelière allemande a promis que l'Allemagne continuerait de faire des affaires avec la société chinoise Huawei en dépit de l'interdiction des États-Unis, rappelle le quotidien Vzgliad. Les Chinois proposent de couvrir rapidement, professionnellement et à bas coût l'Allemagne en réseaux 5G, qui permettront l'apparition dans ce pays non seulement des "maisons intelligentes", mais aussi de "villes intelligentes" entières. "Nous ne devons pas être naïfs", a déclaré Merkel en évoquant l'accès des compagnies étrangères au marché des technologies 5G. Et de souligner que l'Allemagne n'avait pas l'intention de dresser des obstacles artificiels aux projets des compagnies étrangères. Répondant à une question concernant l'activité de la célèbre compagnie Huawei, Angela Merkel a déclaré qu'elle n'avait pas l'intention d'exclure un acteur économique simplement parce qu'il représentait un autre pays. La chancelière a rappelé les exigences des autorités allemandes vis-à-vis des compagnies désirant participer à la mise en place de réseaux 5G, déclarant que l'Allemagne agirait en conformité avec celles-ci. D'après la responsable allemande, Berlin n'a pas l'intention de renoncer aux équipements du fournisseur chinois Huawei, mais prendra tout de même des mesures de sécurité significatives. La méfiance des Européens par rapport à Huawei se fait sentir actuellement dans le débat sur la mise en place de la 5G. Depuis que les États-Unis ont accusé Huawei d'espionnage, sans pour autant apporter la moindre preuve, la compagnie est sous la menace de sanctions. Washington a exigé de tous ses alliés qu'ils cessent de coopérer avec la compagnie chinoise. En décembre, à la demande des USA, la directrice financière de Huawei Meng Wanzhou a été placée en détention au Canada, soupçonnée d'avoir enfreint les sanctions américaines contre l'Iran. Un autre collaborateur de Huawei, soupçonné d'espionnage, a été arrêté en Pologne en janvier. L'administration Trump compte nationaliser les réseaux 5G du pays pour un meilleur contrôle et se protéger contre l'influence étrangère, apprend-on dans le rapport d'un haut fonctionnaire américain qui a "fuité" dans la presse. D'après les experts, ce plan met en évidence la peur devant la Chine car il est évident que les USA ont commencé à perdre la guerre technologique face à Pékin. Le géant chinois Huawei est devenu le plus grand producteur mondial d'équipements de télécommunications. En ce qui concerne les géants d'internet américains, ils ont déjà échoué à tenir tous les délais de mise en place du réseau 5G aux USA et pourraient mettre bien plus de temps que Huawei et moyennant un coût bien plus élevé. Mais cela ne semble pas perturber Washington, qui continue de forcer tous ses alliés à renoncer aux services des Chinois et à collaborer uniquement avec les compagnies américaines. Le politologue allemand Alexander Rahr a qualifié le litige autour de Huawei de "nouvelle épreuve qui montre à quel point l'UE, et notamment l'Allemagne, peuvent défendre leurs intérêts commerciaux face aux États-Unis". "C'est un thème très sensible. Les Américains mènent une guerre commerciale contre les Chinois et ont déjà averti que si les Allemands continuaient de travailler avec Huawei, s'ils continuaient d'ouvrir l'accès aux marchés européens à la compagnie chinoise, les USA pourraient revoir la coopération entre les deux pays au niveau des services de renseignement", a déclaré Alexander Rahr. Selon ce dernier, la pression américaine sur l'Allemagne s'accroît actuellement à cause de l'activité de Huawei, mais également du projet Nord Stream 2. Mais il est peu probable que l'Allemagne cède car elle souhaite elle-même que ses entreprises participent à la modernisation de la Chine, ainsi qu'à d'autres projets communs. "Nous coopérerons avec la Chine, tout en surveillant que les sociétés chinoises ne s'ingèrent pas trop profondément dans nos dossiers techniques et opérationnels", a déclaré le ministre allemand de l'Économie. D'ailleurs, les mêmes arguments avaient été exprimés il y a 10 ans par rapport à la Russie quand elle voulait participer à l'achat d'actions de compagnies allemandes, rappelle Alexander Rahr. "Difficile de dire qui gagnera dans ce conflit et si un compromis est possible. Washington exerce une pression sans appel sur l'Europe et ne veut entendre aucune objection", explique-t-il. "La lutte pour la 5G est une grande bataille pour tout le nouvel ordre technologique. Ce n'est pas simplement un nouveau débit internet - c'est une industrie complètement différente. C'est une bataille pour le potentiel industriel, pour la croissance technologique. Les Américains tentent de priver la Chine de cet avantage concurrentiel qui lui apporterait un accès à la 5G. C'est pourquoi ils forcent tous leurs partenaires à renoncer aux équipements de Huawei. Cette bataille sera très sérieuse et l'Europe sera le principal théâtre des opérations", déclare Dmitri Abzalov, président du Centre des communications stratégiques. "Cependant, dans ce domaine les Américains sont déjà en retard non seulement sur les Chinois, mais également sur les Coréens. Les Américains n'ont pas encore de solution clé en main: ils sont seulement en train de la développer. Deuxièmement, la "clé" américaine sera de toute façon plus coûteuse", poursuit l'expert. "En Chine, pratiquement toute l'infrastructure est prête. Les Chinois fabriquent eux-mêmes les équipements et développent l'infrastructure, ils ont la solution clé en main. Les Américains ont été pris de court. Ils ont compris que s'ils ne faisaient pas pression sur Huawei aujourd'hui, d'ici cinq ans toute l'Europe serait couverte par les réseaux 5G installés par les Chinois." Par conséquent, dès à présent les Américains perdent déjà la clé la plus importante: celle de l'accès à la propriété intellectuelle. "Pour l'Europe il est primordial d'utiliser les nouveaux réseaux dans l'industrie. Ce n'est pas simplement un matériel intelligent qui permet le développement du concept de "maison intelligente", de "ville intelligente", d'"État intelligent" et d'électroménager intelligent, mais il est également utile pour un usage industriel", explique l'expert. "Les Chinois se développent activement sur le marché européen après que le marché américain leur a été fermé. Ils ont passé un accord avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France. Selon les rumeurs, ces derniers temps les alliés de Washington commencent à s'opposer aux exigences américaines de boycotter Huawei. Les représentants britanniques ont déjà déclaré que même si Huawei était une société chinoise, ils ne jugeaient pas utile de renoncer complètement à ses équipements", poursuit Dmitri Abzalov. Le ton monte clairement ces derniers jours en Allemagne au sujet des USA. Mardi, le vice-président de la chambre basse du parlement allemand Wolfgang Kubicki a avancé une exigence sensationnelle: proclamer l'ambassadeur américain Richard Grenell persona non grata. Ce n'était pas lié aux technologies de l'information, mais à l'exigence de l'ambassadeur d'allouer 2% du PIB allemand à la défense. "Notre tolérance a également des limites", s'est indigné Wolfgang Kubicki. Selon lui, "quand on est diplomate américain, on ne peut pas se comporter comme un haut-commissaire sur les territoires occupés, il faut le savoir!" Wolfgang Kubicki représente au Bundestag le Parti démocratique libre (FDP), qui reflète les intérêts des grandes entreprises, a souvent fait partie du gouvernement, et a toujours été considéré comme plus pro-américain que les autres. Selon Alexander Rahr, le litige autour de Huawei prouve une fois de plus que les États-Unis cherchent à diviser l'Europe. "On dit que c'est la Russie qui divise l'Europe. Faux! C'est l'Amérique qui divise l'Europe par ses déclarations, et la Chine parce que de son côté Pékin travaille activement avec les pays d'Europe de l'Est… Certains de ces pays défendent ouvertement la Chine sur les plateformes de l'UE, parce qu'ils reçoivent beaucoup d'argent des Chinois. Par conséquent, il existe à présent en UE des pays qui coopèrent activement avec la Chine, et les pays baltes ou la Pologne qui refusent cette coopération", conclut Alexander Rahr. Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.