Des organisations humanitaires et institutions internationales ont exprimé leur inquiétude et préoccupation quant à la situation humanitaire de milliers de migrants en Libye, pris au piège des combats à Tripoli suite à l'agression menée depuis trois semaines par les troupes de Khalifa Haftar pour s'emparer de la capitale libyenne où siège le Gouvernement d'union nationale (GNA). L'Organisation internationale de la migration (OIM) a recensé 5.933 retenus dans des "centres de détention" officiels, alors que d'autres centaines sont détenus par des groupes armés dans d'autres installations échappant à tout contrôle, ont indiqué des médias locaux. Dans un point sur la situation humanitaire dans le pays, l'adjointe à l'émissaire de l'ONU en Libye, Maria do Valle Ribeiro, avait fait état de sa "préoccupation" sur la situation des "migrants, demandeurs d'asile et réfugiés", dont "3.600 se trouvent dans des centres de détention dans des zones proches des lignes de front". Les centres situés dans la région de Tripoli et leurs détenus se sont retrouvés au cœur des combats suite à l'agression lancée depuis le 4 avril par les troupes de Khalifa Haftar, venues de l'est du pays, pour s'emparer de Tripoli, siège du GNA, reconnu par la communauté internationale. A Gasr ben Ghachir (au sud de Tripoli), un des plus importants centres de détention situé dans une zone touchée par les attaques des troupes de Khalifa Haftar, plusieurs migrants ont été grièvement blessés mardi soir. L'OIM a souligné que "des migrants sans défense ont été la cible de tirs aveugles" et que "plusieurs d'entre eux ont été sérieusement blessés". Le HCR a annoncé, de son côté, l'évacuation mercredi dernier de 325 personnes de ce centre. L'ONG française, Médecins sans frontières (MSF), a diffusé vendredi une vidéo montrant des migrants blessés par balles. Amnesty International a réclamé une enquête sur cette attaque, alors que l'intégralité des migrants restants, soit 650 personnes, a été évacuée jeudi soir vers Zawiya, à l'ouest de Tripoli, a annoncé le HCR. D'autres cas d'abus ont été recensés notamment par Human Rights Watch (HRW) affirmant avoir recueilli des témoignages de deux détenus d'un centre de détention à Tajoura (banlieue est de Tripoli) qui ont été forcés par des groupes armés à "réparer des véhicules militaires, charger, décharger et nettoyer des armes". Les ONG appellent les parties en conflit, les puissances étrangères et les institutions internationales à protéger les migrants, cibles vulnérables aux abus ou potentiels boucliers humains. Aucune donnée officielle n'est disponible sur le nombre de migrants, souvent clandestins, présents dans ce pays, carrefour des routes d'Afrique de l'est et d'Afrique subsaharienne menant vers l'Europe. Il est estimé à plusieurs centaines de milliers.
Un bombardement "totalement inacceptable" Les tirs de roquettes et d'obus de mortier sur les quartiers résidentiels de Tripoli "sont totalement inacceptables à tous égards", a déclaré vendredi un porte-parole de l'ONU. "Les Nations unies sont gravement préoccupées par les informations faisant état de bombardements aveugles de zones civiles à Tripoli", a dit Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, soulignant la nécessité de protéger les civils et d'accorder un accès immédiat et inconditionnel aux partenaires humanitaires, alors que la situation humanitaire continue de se dégrader et que de violents combats se poursuivent, notamment dans les zones peuplées, a-t-il ajouté. Les civils dans les zones touchées par le conflit connaissent des coupures d'électricité et des pénuries d'eau en raison d'infrastructures endommagées, et l'accès à la nourriture, aux médicaments et au carburant est sérieusement entravé, a-t-il ajouté. Près de 39 000 personnes ont été déplacées de leurs foyers. Par ailleurs, 655 réfugiés et migrants ont été évacués du centre de détention de Qasr Bin Ghashir. Médecins Sans Frontières (MSF) a annoncé jeudi dans un communiqué que des réfugiés et des migrants de Qasr Bin Ghashir avaient été blessés par balle après une éruption de violence dans le centre. "Plus de 700 hommes, femmes et enfants non armés ont été pris au piège dans le centre", a déclaré MSF, ajoutant que "Plusieurs rapports suggèrent plusieurs morts et au moins 12 personnes blessées". De nombreux témoignages de réfugiés et de migrants qui ont été témoins de l'événement ont affirmé avoir été attaqués brutalement et sans discrimination à l'aide d'armes à feu", a ajouté MSF. Dans le même temps, plus de 3 000 réfugiés et migrants, stoppés dans leurs tentatives de traverser la mer Méditerranée pour se rendre en Europe, sont toujours bloqués dans sept centres de détention autour de Tripoli, a déclaré M. Dujarric. Tripoli assiste à un conflit armé alors que l'armée basée dans l'Est, dirigée par Khalifa Haftar, mène depuis le début avril une campagne militaire pour arracher le contrôle de Tripoli au gouvernement soutenu par l'ONU. La mission de l'ONU en Libye reste en contact avec toutes les parties pour tenter de mettre un terme aux hostilités ou au moins d'obtenir une pause humanitaire, a déclaré le porte-parole.
La Maison Blanche a donné son feu vert à Haftar Le président Trump aurait donné son feu vert au général à la retraite Khalifa Haftar pour prendre Tripoli, marquant un tournant décisif dans la position des Etats-Unis à l'égard de la crise en Libye, confient des diplomates américains à Bloomberg. La Maison Blanche a annoncé vendredi dernier dans un communiqué que le président Trump et Khalifa Haftar ont discuté le 15 avril d'une "vision commune" pour la transition en Libye. La présidence américaine a loué le rôle de Haftar dans la lutte contre le terrorisme et la sécurisation des ressources pétrolières de la Libye. Un second entretien téléphonique avec le chef du National Security Council, John Bolton, a donné aussi l'impression à Haftar d'avoir reçu le feu vert de la Maison Blanche pour poursuivre son offensive militaire contre Tripoli, confient trois diplomates américains qui se sont exprimées à Bloomberg sous couvert de l'anonymat. Ces révélations vont au-delà de la déclaration publiée par la Maison Blanche vendredi. L'information, selon laquelle, le chef de la Maison Blanche a reconnu tacitement Haftar a brusquement miné le gouvernement d'Union National libyen (GNA) reconnu par la communauté internationale. Selon les mêmes sources, l'entretien téléphonique entre Trump et Haftar est intervenu six jours après la visite du président égyptien, Abdel fattah El-Sissi à Washington. Ce dernier a demandé à son homologue américain d'apporter le soutien des Etats-Unis à Khalifa Haftar. Trump s'est également entretenu jeudi dernier avec le prince héritier d'Abou Dhabi, également commandant suprême des forces armées des Emirats arabes unis, Mohammed Bin Zayed Al Nahyan, qui a plaidé la cause de Haftar auprès de la Maison Blanche, révèlent les mêmes sources. Par ce rapprochement du général à la retraite Khalifa Haftar, la Maison Blanche se démarque de la traditionnelle position américaine sur la crise en Libye, réitérée récemment par le secrétaire d'Etat, Mike Pompeo. Dans une déclaration, publiée le 7 avril, le chef de la diplomatie américaine s'est clairement opposé à l'offensive militaire menée par les troupes de Khalifa Haftar, exigeant l'arrêt immédiat de l'assaut sur Tripoli. Peter Bode, le chargé d'affaires américain en Libye, a mis en garde Haftar contre une telle aventure, en déclarant lors d'une réunion tenue en février à Abou Dhabi, que la capitale Tripoli était "une ligne rouge", affirment ces sources diplomatiques. Trump et Bolton sont à l'origine du changement de cap en Libye. Washington qui a initialement soutenu l'initiative britannique au Conseil de sécurité pour arrêter les combats a stoppé ensuite ses efforts, opposant une résistance à un projet de résolution réclamant un cessez-le-feu aux belligérants.