"Belmadi président !": plongée dans un mouvement de contestation politique inédit depuis fin février, l'Algérie s'est trouvée vendredi un nouveau héros avec le sélectionneur des "Fennecs", artisan majeur du sacre inattendu de son équipe à la CAN-2019. En décrochant en Egypte la deuxième étoile africaine de l'histoire de la sélection, près de 30 ans après son unique titre continental, Djamel Belmadi restera, avec le buteur décisif Baghdad Bounedjah, comme les seuls "B" qui ont enthousiasmé l'Algérie dans un moment charnière pour l'avenir du pays. Et ce sous les yeux du président par intérim Abdelkader Bensalah, qui a fait le déplacement au Caire, l'un des "2B" restant de l'ère Bouteflika -- avec le Premier ministre Noureddine Bedoui --, à être poussés au départ par le "hirak" (mouvement). Dans un pays passionné par le sport-roi, qui vit depuis plusieurs mois au rythme de manifestations hebdomadaires truffées de métaphores footballistiques, comment aurait-il pu en être autrement ? "Le football est important pour nous. C'est le sport N.1, il est vecteur d'énormément de choses, cela nous réunit tous", s'était félicité Belmadi, pour commenter le soutien des millions de supporters algériens à travers le monde avant la demi-finale contre le Nigeria. Meneur d'hommes, tacticien "guardiolesque", communiquant avisé... Arrivé avec l'étiquette de choix par défaut pour remplacer la légende Rabah Madjer en août 2018, l'ancien international (20 sélections) a conquis les coeurs des fans et des observateurs depuis la renaissance inattendue des "Fennecs" en compétition internationale.
L'expérience du Qatar Et pour cause, depuis la folle aventure des hommes de Vahid Halilhodzic au Mondial-2014 (défaite en 8e de finale contre l'Allemagne) et le mandat inachevé de Christian Gourcuff (2014-2016), les Verts ont connu une longue descente aux enfers: cinq coaches en l'espace de deux ans, une élimination au 1er tour de la CAN-2017 et des éliminatoires catastrophiques pour le Mondial-2018. "L'une de mes ambitions lors de mon arrivée (en août 2018) était de placer l'Algérie dans le gotha des grandes équipes africaines", avait savouré Belmadi, après la victoire en quarts contre la Côte d'Ivoire (1-1, 4-3 t.a.b.). A ce moment-là, la CAN est déjà un succès D'où vient le secret de sa réussite ? Dans un effectif longtemps dominé par les binationaux, le natif de Champigny-sur-Marne (43 ans), lui-même Franco-Algérien, a d'abord intégré une nouvelle vague de talents "locaux", préférant par exemple Youcef Belaïli (ES Tunis) à la star Yacine Brahimi (Porto). Un choix fort. Belmadi est surtout arrivé en Algérie avec une solide expérience du haut niveau, après un début de carrière d'entraîneur prometteur au Qatar, où il a gagné plusieurs titres, en club avec Lekhwiya (2010-2012) et Al-Duhail (2015-2018) ou avec la sélection (2014-2015). "On apprend toujours avec lui, il est toujours là, derrière, pour nous pousser à nous surpasser. Il nous a fait progresser dans plusieurs domaines, sur le mental, la cohésion de groupe, ou l'hygiène de vie aussi au quotidien", témoigne le milieu Mehdi Abeid.
"Au service d'une nation" "Djamel est quelqu'un de discipliné, qui aime l'ordre et l'engagement chez ses joueurs. Il sait comment mener un match correctement, préparer son équipe sur le plan psychologique et piquer ses joueurs pour obtenir le meilleur d'eux-mêmes", renchérit Fareed Mahboub, membre de l'encadrement de la sélection qatarie sous Belmadi. De l'inspection de la pelouse à la veille d'une rencontre, aux déclarations ciselées devant les médias, sans oublier le revisionnage vidéo d'après-match, "Djamel accorde beaucoup d'attention aux détails", se rappelle son ancien collègue. Mieux, il a réussi à transmettre à ses joueurs un devoir d'exemplarité qui a longtemps fait défaut, à l'image de l'exclusion de Haris Belkebla, juste avant le début de la compétition. "On est au service d'une nation. Une nation avec une histoire forte, un passé glorieux, qui a même été pris comme exemple chez certains pays avec notre révolution et prise d'indépendance", avait-il confié à beIN Sports, le 10 juillet. "Ce n'est pas quelque chose qui est donné à tout le monde, qui est ancré en nous, des fois de manière même inconsciente. Après quand on rentre dans l'aspect du football, les idées du sacrifice, du goût de l'effort, de la solidarité, deviennent pour moi essentielles: il n'y a pas de résultat, de succès sans cela", avait-t-il complété. Prophétique.