Alors que l'administratrice judiciaire avait estimé lundi que toutes les offres de reprise de tout ou partie d'Aigle Azur étaient irrecevables et à parfaire, Air France a décidé de ne modifier la sienne qu'à la marge. Mauvaise nouvelle pour les salariés d'Aigle Azur. Alors que les 14 candidats à la reprise de la compagnie en redressement judiciaire avaient jusqu'à hier soir pour déposer leur offre améliorée comme l'avait demandé lundi l'administratrice judiciaire qui les jugeaient toutes irrecevables en l'état, Air France, le candidat privilégié des nombreux syndicats d'Aigle Azur, n'a modifié son offre qu'à la marge. Selon nos informations, les conseils d'administration d'Air France et d'Air France-KLM se sont réunis mercredi 11 septembre et ont décidé de ne pas modifier leur offre, à ce stade.
Air France envisageait l'ouverture de 515 postes Pour rappel, la compagnie demandait le transfert de 100% des créneaux horaires d'Aigle Azur pour les utiliser avec des moyens propres sur les lignes reliant la France à l'Algérie, le Liban, et le Portugal. En termes d'emplois, la compagnie s'engageait à ouvrir "à l'ensemble des salariés d'Aigle Azur qui souhaiteraient postuler à Air France un processus de sélection dédié". Dans le cadre de ce processus, Air France envisageait d'ouvrir 515 postes sur les 1.150 salariés que compte la compagnie, dont 350 en Algérie. Un tel schéma, avec des propositions de reclassement sans garantie puisqu'il faut passer une sélection, n'est pas compatible avec les règles européennes sur les créneaux horaires de décollages, élément clé dans ce dossier. Comme l'a rappelé récemment le gestionnaire des créneaux horaires en France, Cohor, à l'administratrice judiciaire, les transferts de créneaux ne sont possibles en effet que s'ils accompagnent une reprise d'activité totale ou partielle, c'est-à-dire la reprise des moyens de production attachés à cette activité : avions, personnels avec leur contrats de travail Aigle Azur... En ne reprenant pas les salariés de manière automatique avec leur contrat de travail et en reprenant pas les contrats de location d'Aigle Azur, l'offre d'Air France ne tient pas compte de la notion de branche autonome d'activité, une notion clé dans le transport aérien pour les reprises d'entreprise en redressement judiciaire mais aussi en liquidation. Elle implique de reprendre tout ce qui permet à une activité de fonctionner. "On ne reprend pas ce que l'on veut. Il faut reprendre tout ce qui constitue une branche autonome d'activité", rappelle un expert. "Air France n'a pas fait une offre de reprise d'une entreprise mais une offre de reprise d'actifs. Or il n'y a pas d'actifs", explique un proche du dossier, rappelant que les créneaux horaires n'étaient pas cessibles et qu'ils constituaient des accessoires. "L'offre d'Air France est la pire offre au sens où Air France avait tous les moyens pour acquérir l'entreprise", déplore cette source. Un coup dur pour la reprise. "100% de l'avenir de la compagnie dépend d'Air France. Il n'y a qu'Air France qui est capable de reprendre la boîte dans le cadre d'une cession rapide", expliquait mercredi un bon connaisseur du dossier. Air France semble donc attendre la liquidation d'Aigle Azur où elle pourra faire une offre sous une autre forme.
Audience lundi au tribunal de commerce Sauf si un autre candidat (ou plusieurs) a déposé une offre jugée recevable, la liquidation semble inévitable. Une audience est prévue lundi 16 septembre au tribunal de commerce d'Evry. En cas de liquidation judiciaire, les créneaux horaires d'Aigle Azur seront sous le contrôle du Cohor, le gestionnaire des créneaux en France qui laissera un mois au liquidateur pour constituer " des branches d'activités à céder ", composée d'avions, de personnels... Si le processus échoue les 9.600 créneaux d'Aigle Azur seront ensuite distribués comme ce fut le cas en 2003 pour Air Lib, Aéris et Air Littoral.
Le groupe Dubreuil ne change pas son offre Le Groupe Dubreuil n'a modifié son offre de reprise pour l'activité long-courrier d'Aigle Azur qu'à la marge. Les deux repreneurs sur lesquels misaient plusieurs syndicats d'Aigle Azur pour sauver une grande partie des emplois de la compagnie n'ont pas changé leur offre. Comme Air France, le Groupe Dubreuil, propriétaire des compagnies Air Caraïbes et French Bee, a indiqué qu'il n'avait changé son offre qu'à la marge, alors que l'administratrice judiciaire, Maître Poli, avait fait savoir lundi qu'aucune des 14 offres déposées n'était recevable et que toutes étaient à parfaire. " Nous n'avons changé notre offre qu'à la marge, car nous estimons qu'elle est sérieuse ", a déclaré Jean-Paul Dubreuil, le président du groupe éponyme, lors de l'annonce du lancement en juin 2020 de la ligne Paris-Orly-New York par French Bee.
Création d'une nouvelle compagnie Le Groupe Dubreuil a proposé de reprendre les deux A330-200 d'Aigle Azur et 106 salariés qui intégreraient une nouvelle compagnie qui serait créée. L'objectif est de ne pas reprendre les contrats du personnel, jugés peu compétitifs. Le Groupe Dubreuil a proposé une enveloppe de 15 millions d'euros. Jean-Paul Dubreuil ne s'en cache pas. L'intérêt du groupe est d'obtenir des créneaux horaires aéroportuaires à l'aéroport d'Orly. Reste une inconnue concernant l'offre du Groupe Dubreuil. Il faut des mois pour créer une nouvelle compagnie aérienne et obtenir un certificat de transport aérien (CTA). Pendant tout ce temps, que feront les personnels repris? Où seront positionnés les avions? A quoi serviront les créneaux horaires sachant que s'ils ne sont pas utilisés à 80% ils devront être restitués à Cohor. Les candidats à la reprise de la compagnie en redressement judiciaire avaient jusqu'à mercredi minuit pour améliorer leur offre. L'administratrice les détaillera ce vendredi au comité de la compagnie. Une audience est prévue lundi 16 septembre au tribunal de commerce d'Evry.