"Le marché parallèle de change doit son existence à son utilité car il détermine les taux de change du dinar les plus proches de la réalité des performances économiques du pays. ". Dans un entretien accordé au quotidien national Liberté , l'économiste et expert financier et banquier d'affaire , Omar Berkouk a effectué une analyse en profondeur de la gestion par la Banque centrale d'Algérie du taux de change du dinar par rapport aux principales devises, l'euro et le dollar en l'occurrence. Il a porté une vision critique sur cette tolérance décrétée à l'existence d'un marché parallèle de devises et pense que tôt ou tard l'un des deux marchés devra disparaître. L'économiste Omar Berkouk a élucidé qu'en rappelant que le dinar n'est pas une monnaie librement convertible sur les marchés et qu'il existe en Algérie un contrôle des changes "strict". C'est donc la Banque centrale qui administre la valeur du dinar en se référant à un panier de devises étrangères (euro, USD, yen, GPB...) pour déterminer une valeur de change à la devise nationale. Elle "réajuste" cette valeur en fonction de différents paramètres macroéconomiques (soldes extérieurs, la croissance économique, l'inflation, déficit budgétaire…). Elle fait à la "main" ce que les marchés font pour les devises librement convertibles en confrontant offre et demande. Les marchés réagissent immédiatement et brutalement à tout évènement macroéconomique susceptible d'affecter la parité d'une devise. La Banque centrale a en revanche une gestion "politique" de ces taux de change. Elle en amortit les chocs au moins sur ses taux officiels mais elle laisse le marché parallèle (officieux) cristalliser la volatilité réelle du dinar. Cette gestion administrative de la devise est bien commode ; elle permet à la Banque centrale de "choisir" vis-à-vis de quelle devise du panier (euro ou USD) réajuster plus ou moins le dinar. L'Algérie exporte en dollars et importe principalement en euros. Ces deux principales devises composent son panier pratiquement à égalité. Elles échangent entre elles à 1 euro=1,10 USD et nous observons les évolutions suivantes de 2010 à 2019 : en 2010 : 1€= 100 dinars, en 2019 1€=133 dinars, soit une baisse de 25%. Taux officieux : €/dinar : 200. En 2010 : 1$=70 dinars, en 2019 1$=121 dinars, soit une baisse de 41%. Taux officieux : $/DZD : 188. Le relatif maintien du dinar par rapport à l'euro a dopé les importations. Les taux implicites euro/USD qui ressortent des 2 marchés officiel et officieux sont : 1€=1,09 USD et 1,06. Dans ce contexte, l'annonce d'un réajustement de la valeur du dinar de 121 à 133 par rapport au dollar à l'horizon 2022, soit 7% de baisse, n'a rien d'extraordinaire. Cette baisse s'inscrit dans la tendance de la devise nationale par rapport aux devises étrangères d'échange et de réserves. Elle ne reflètera que partiellement les mauvaises performances économiques du pays. Elle aura des conséquences du point de vue comptable sur les recettes fiscales pétrolières. Le gouvernement, en limitant à 1000 euros la détention sans justificatif de devises en banque, rend difficile une course des Algériens vers le change officieux. L'intérêt de détenir des devises obtenues "au marché noir" était de pouvoir les déposer en banque sans limite de montants et de les ressortir "blanchis" à coups de 7500€. Le phénomène que nous observerons sûrement c'est une nouvelle thésaurisation en devises qui va se rajouter à la thésaurisation en dinars dénoncée par le ministre des Finances et qui s'élève à 5000 milliards de dinars. Le double marché des changes est la solution que les autorités algériennes ont mise en place pour assouplir sans abandonner le contrôle du marché des changes. Cette "tolérance" est interdite par les organismes de commerce ou de finance multilatéraux auxquels l'Algérie est adhérente ou candidate. Ce marché parallèle illégal opère tous les jours au vu et au su de toutes les autorités (Banque centrale, police, justice…). Il doit son existence à son utilité. C'est de la souplesse dans la bureaucratie et la rigidité de l'économie nationale. Ce marché parallèle détermine les taux de change du dinar les plus proches de la réalité des performances économiques du pays. Ce ne sont pas les taux de ce marché qui sont aberrants mais ceux de la Banque centrale qui semblent attractifs mais pas accessibles librement aux opérateurs et aux citoyens ! Dans ce contexte de crise, l'un de ces deux marchés devra disparaître et il est difficile de dire lequel ! La disparition du marché parallèle par renforcement des contrôles et assèchement du volume de devises ou bien l'abandon du contrôle des changes avec instauration de la convertibilité du dinar qui s'accompagnerait d'une convergence des taux de change du marché officiel vers le marché officieux. Cela consacrerait une dévaluation de 50% du dinar par rapport à l'euro. C'est la seule dévaluation qui aurait du sens du point de vue macroéconomique mais ses conséquences sociales seraient dévastatrices (équivalentes à une intervention du FMI !!!!).