Angela Merkel, Vladimir Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelenski sont en visite ce lundi à Paris pour une nouvelle réunion au "format Normandie". Un sommet censé aider à la conception d'une sortie de crise dans l'est de l'Ukraine. Emmanuel Macron accueille ce lundi Angela Merkel, Volodymyr Zelenski, président ukrainien fraîchement élu, et Vladimir Poutine à Paris, dans le cadre d'une réunion au "format Normandie". L'expression, désormais consacrée, trouve sa genèse au 27 juin 2014 au sortir d'un Conseil européen. Ce jour-là, Rahma Sophia Rachdi, correspondante de l'agence USA Press Agency, s'inquiétait de savoir auprès de François Hollande si le "Normandy Model" allait perdurer. Adaptée en français, la locution devenait bientôt le "format Normandie" et désigne une réunion rassemblant les représentants de la France, de l'Allemagne, de l'Ukraine et de la Russie, cherchant une solution politique au conflit, né il y a cinq ans, qui enflamme le territoire ukrainien et empoisonne les relations entre Kiev et Moscou. En mars 2014, sur fond de tensions bilatérales après le tournant pro-européen de l'Ukraine, la Russie annexait la Crimée, tandis qu'en avril deux républiques autonomes étaient proclamées dans l'est du pays par des militants sécessionnistes proches du Kremlin: la République de Lougansk et la République de Donetsk. Si la guerre n'en a pas pour autant cessé, l'expression "format Normandie" a fait florès.
Anniversaire et accent Cette configuration diplomatique remonte au 6 juin 2014 lorsque, en marge des célébrations du soixante-dixième anniversaire du débarquement en Normandie, François Hollande, Angela Merkel, Vladimir Poutine et le président ukrainien de l'époque Petro Porochenko s'étaient retrouvés dans un salon du château de Bénouville, aux abords de Ouistreham. Il y a un an, Rahma Sophia Rachdi revenait sur sa trouvaille linguistique auprès de Ouest France: "J'ai utilisé cette expression car c'était un nouveau modèle diplomatique à quatre, assez inédit à mes yeux. François Hollande m'a répondu en reprenant cette expression. Je pense qu'en fin stratège, il s'est dit qu'il y avait quelque chose à réitérer." La toponymie des lieux, délicate pour un palais anglo-saxon, explique le reste, comme l'a souligné la reporter: "Avec mon accent, j'ai des difficultés à prononcer correctement le mot 'Ouistreham'. Pour aller plus vite, j'ai donc dit 'Normandy'."
Un maigre bilan Le "format Normandie" a donc connu une belle postérité dans les commentaires mais son bilan réel est plutôt modeste. Sa principale réussite? L'accord de Minsk II, signé par toutes les parties le 12 février 2015. Il prévoyait notamment, afin de s'assurer d'un cessez-le-feu, la reconnaissance par Kiev d'un statut autonome pour le Donbass. Or, aucune de ces deux dispositions n'a survécu aux suites du conflit. Le cessez-le-feu a été violé de manière répétée, bien que la perspective d'une nouvelle guerre ouverte semble s'être éloignée, et l'Ukraine dénonce désormais le statut spécial de ses provinces orientales perdues. Anne de Tinguy, historienne spécialiste de l'Ukraine et de la Russie, aprévenu ce lundi le Huffington Post: "Les enjeux de ce sommet sont donc très importants, même si paradoxalement, il ne faut pas en attendre énormément."
Vers un rendez-vous manqué? Volodymyr Zelenski joue gros. il s'est fait élire en mai dernier avec une feuille de route simple en apparence: faire la paix. Mais l'opinion publique exige cependant une paix honorable, et on imagine mal Vladimir Poutine lâcher du lest en même temps que ses alliés de l'est de l'Ukraine. Les deux hommes doivent d'ailleurs se rencontrer pour la première fois. Enfin, leurs interactions risquent d'être limitées comme le remarque ce lundi le site de France Culture qui a traduit cette citation d'un quotidien ukrainien: "L'agenda officiel de Zelensky ne fait état d'aucune rencontre bilatérale entre les deux chefs d'Etat, seulement d'une présence côte-à-côte à la conférence de presse à quatre. Vladimir Poutine veut s'entretenir seul à seul, il l'a dit, avec son homologue ukrainien, mais ce dernier se garde bien de confirmer la tenue de ce tête-à-tête". C'est donc la menace d'un rendez-vous manqué qui plane sur Paris.