Le chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), le maréchal Khalifa Haftar, a dit "non" à l'appel des Présidents russe et turc à un cessez-le-feu en Libye. Un ex-eurodéputé français explique que ce sont les mauvais calculs de Recep Tayyip Erdogan qui ont mis le chef de l'ANL en position de force. Mercredi 8 janvier à Istanbul, les présidents Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan ont appelé à un cessez-le-feu le 12 janvier à minuit en Libye. Dans un communiqué lu devant la presse, Ahmad al-Mesmari, porte-parole du maréchal Khalifa Haftar, a annoncé le refus de l'appel lancé par les présidents russe et turc, affirmant la poursuite des combats jusqu'à la libération de Tripoli. Dans une tribune publiée sur le site d'information Opinion Internationale, l'ancien député français au Parlement européen Michel Scarbonchi a expliqué qu'il fallait s'attendre à la décision prise par le maréchal Haftar en raison d'une erreur de calcul commise par le Président Erdogan.
Pourquoi Haftar a rejeté l'appel au cessez-le-feu? Dans un communiqué, le maréchal Haftar a "salué [...] l'initiative du Président Vladimir Poutine". Cependant, il a annoncé en même temps la poursuite des combats par ses "forces armées […] contre les groupes terroristes" qui se sont emparés, selon lui, de la capitale Tripoli. "La stabilité ou la relance du processus politique" en Libye ne peuvent être réalisées avant l'"éradication des groupes terroristes" et "la dissolution et le désarmement des milices", indique le communiqué. "Ces groupes se sont emparés de la capitale et reçoivent le soutien de certains pays et gouvernements qui leur livrent des équipements militaires, des munitions [...] et des drones", selon M.Haftar. "Ces pays envoient aussi de nombreux terroristes de partout dans le monde pour [nous, ndlr] combattre", a-t-il ajouté, en allusion à la Turquie qu'il accuse d'envoyer des combattants syriens pro-turcs en Libye.
Erdogan a-t-il commis une erreur stratégique? Pour l'ex-eurodéputé Michel Scarbonchi, la décision du maréchal Haftar était tout à fait prévisible d'autant plus qu'il pourra compter sur l'adhésion de beaucoup de Libyens à sa cause. Et d'expliquer qu'"en signant un accord maritime et militaire entre la Turquie et le gouvernement d'union national (GNA), le Président Erdogan et Fayez el-Sarraj pensaient avoir sauvé le bastion des Frères musulmans qu'était devenue Tripoli depuis 2014 avec la prise de contrôle de la capitale par les milices islamistes". Une "erreur stratégique majeure", estime-t-il sur le site Opinion Internationale. Dans le même sens, l'ex-eurodéputé indique que "dans un pays déchiré depuis neuf années, l'annonce du débarquement éventuel de soldats turcs ne pouvait, dans un réflexe nationaliste, que souder la population libyenne autour de la figure emblématique du maréchal Haftar". "Ceux qui n'avaient pas encore pris parti dans l'affrontement entre Benghazi et Tripoli ne resteront plus neutres", ajoute-t-il, soulignant que "la meilleure réponse qui pouvait être donnée à la déclaration de guerre d'Erdogan à Haftar a été la prise de la ville de Syrte, le 7 janvier, par l'Armée nationale libyenne (ANL), sans combat… grâce au ralliement de la brigade 604 mêlant des kadhafistes et des salafistes". La position de Fayez el-Sarraj et du Président turc est devenue plus fragile, selon l'ex-eurodéputé, en raison de cette concordance des positions des pays du Maghreb et du Moyen-Orient qui s'opposent tous à l'intervention turque en Libye. Ceci, en plus du fait qu'un bon nombre de ces pays, tels que l'Égypte, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite soutiennent directement Khalifa Haftar, poursuit-il. "La réalité est que Haftar est le seul leader libyen crédible, capable d'unifier, de sécuriser son pays et de l'engager, avec l'Assemblée nationale, dans un processus démocratique", conclut Michel Scarbonchi. Dimanche 5 janvier, Recep Tayyip Erdogan a annoncé que des unités militaires turques étaient en route pour Tripoli à la demande de Fayez el-Sarraj, précisant qu'il s'agissait de l'envoi d'experts militaires et d'équipes techniques pour soutenir les autorités internationalement reconnues et menacées par l'Armée nationale libyenne du maréchal Khalifa Haftar. L'Union européenne, ainsi que notamment l'Italie, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne dénoncent le déploiement militaire turc en Libye et appellent Ankara à mettre un terme à son intervention.