En prévision du sommet pour la constitution de l'Union pour la Méditerranée, prévu pour le 13 juillet à Paris, les ministres de la Prospective de ce groupement régional tiendront une réunion le 9 juin à Marseille. Objectif : valider un document de prospective sur l'Union pour la Méditerranée. Ce document, qui sera présenté aux chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet, dessinera les grands axes des évolutions économiques et sociales. Il s'agit de dégager une vision de long terme, un peu comme les Pères fondateurs de l'Union européenne qui ont su comprendre que l'Europe ne pouvait se construire qu'en commun. Néanmoins, et pour que la visibilité d'une Union pour la Méditerranée (UPM) prenne une portée nouvelle afin d'orienter les relations internationales sur la base du droit, du co-développement et du dialogue interculturel, l'Union européenne doit, selon l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur et universitaire, le professeur Mustapha Chérif, relever trois challenges. Le premier est politique. Il s'agit de la nécessité d'œuvrer pour un règlement juste, équitable et définitif du conflit du Moyen-Orient qui demeure le problème politique majeur sur lequel la communauté euro-méditerranéenne ne peut se permettre de faire l'impasse, a précisé M. Mustapha Chérif, dans son intervention, programmée dans le cadre d'un forum “Réinventer la Méditerranée” et organisé par la revue “Passages”. Pour l'ancien ministre, le second challenge est économique, puisqu'il s'agit de “donner de l'intérêt à une identification claire et quantifiée des instruments financiers qui accompagneront les objectifs de la coopération économique entre les pays euro-méditerranéens”, alors que le troisième challenge est scientifique et culturel consistant à «mettre l'accent sur les transferts des connaissances et la formation au savoir et au savoir-faire, tout en favorisant l'interconnaissance». «La visibilité d'une UPM prendra à ces conditions une portée nouvelle, pour orienter les relations internationales sur la base du droit, du codéveloppement, du dialogue interculturel et participer ainsi de manière décisive à l'avenir” a-t-il ajouté. En revanche, Mustapha Chérif a appelé à un changement de la vision que porte l'Europe sur les pays de la rive sud de la Méditerranée. Dans le cadre du processus de Barcelone, tels qu'il a fonctionné, l'Europe proposait et disposait. Les instances européennes décidaient de presque tout. Elles choisissaient dans un cadre bureaucratique les projets, les niveaux et modes de financement et les contrôlaient à sens unique. «On a appréhendé la Méditerranée, non pas comme centralité, mais comme une périphérie de l'Europe», a-t-il précisé. Pour le conférencier, “l'Union doit être fondée sur l'égalité, la réciprocité, l'intérêt commun et la flexibilité”. Il a plaidé pour une vision commune de certaines questions. “L'Europe ne doit pas imposer aux pays du Sud sa politique d'immigration dite choisie ce qu'il faut c'est concevoir une politique d'immigration commune”, a-t-il indiqué tout en estimant que “si les pays du Nord prétendent qu'ils ne peuvent pas absorber un flux continu d'immigration, les peuples du Sud ne peuvent pas, non plus, accepter la fuite des cerveaux et l'exode de leur jeunesse”. Mustapha Chérif a également considéré que “la vision sécuritaire au sujet du développement doit être conçue en commun”. “Pour nous, elle signifie sécurité plurielle, diversité, multiplicité transméditerranéenne, sécurité alimentaire, environnementale, civile, humaine et économique. Une vision qui dépasse les conceptions à sens unique ou classique”. L'ancien ministre a appelé, en outre, à “une harmonie, une cohérence et un équilibre” dans les relations euroméditerranéennes. “L'Europe doit cesser de s'inventer de nouveaux ennemis, de fonder des politiques sur la peur, de faire des amalgames entre religion et violences aveugles, de pratiquer la politique des deux poids deux mesures”, a-t-il souligné, tout en considérant que “la décolonisation des esprits est une urgence”.