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«Ce qui a disparu, l'est pour toujours»
l'anthropologue, Ali Sayad, au Midi Libre
Publié dans Le Midi Libre le 08 - 05 - 2010

Natif d'Ath-Yenni au village d'Aït-Larbaâ, Ali Sayad est anthropologue. Il enseigne actuellement à l'Université de Paris VIII. Doté d'une solide formation (linguistique, sociologie culturelle, anthropologie et littératures berbère et française, il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles. Il a réalisé, notamment, la bibliographie analytique de l'Afrique du Nord et Sahara dans la revue Libyca et une étude de référence : «Habitats traditionnels et structures familiales, Rites de naissances, Stratégie matrimoniale chez les Aït Yenni». Nous l'avons rencontré au musé du Bardo à Alger, en marge d'une conférence portant sur le mois du patrimoine.
Natif d'Ath-Yenni au village d'Aït-Larbaâ, Ali Sayad est anthropologue. Il enseigne actuellement à l'Université de Paris VIII. Doté d'une solide formation (linguistique, sociologie culturelle, anthropologie et littératures berbère et française, il est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles. Il a réalisé, notamment, la bibliographie analytique de l'Afrique du Nord et Sahara dans la revue Libyca et une étude de référence : «Habitats traditionnels et structures familiales, Rites de naissances, Stratégie matrimoniale chez les Aït Yenni». Nous l'avons rencontré au musé du Bardo à Alger, en marge d'une conférence portant sur le mois du patrimoine.
Pourquoi votre conférence a-t-elle pour thème «Algérie, raconte-moi tes cultures» et non pas «ta culture»?
Pourquoi nous appauvrir avec une seule culture ? Notre pays est vaste et fait 4 fois la France, il y a des cultures et non pas une seule. Suivant les paysages, il y a des cultures oasiennes, des cultures de montagne, des cultures de vallée. Il y a une culture pastorale comme il y a une culture citadine. Alger n'est pas Tlemcen, Ouargla n'est pas Batna, chaque ville a sa personnalité et sa culture. Mais je corrige quand même le titre, c'était «Algérie raconte-moi tes cultures» et maintenant «Algérie dessine-moi ton patrimoine.»
Vous faites allusion à l'un des personnages du «Petit prince» qui demanda à l'aviateur perdu dans le désert de lui dessiner un mouton. Que signifie donc cette allégorie ?
Cela signifie qu'au delà du verbe, «le Petit Prince» projetait par la formulation l'obtention d'un mouton, passant de l'idée abstraite, concept qui n'est pas concret, à la matérialisation palpable par le dessin, qui, ainsi, peut entrer dans son patrimoine. Dessiner, c'est faire ressortir de façon progressive une silhouette qui ne peut ni s'effacer ni s'estomper dans le flou d'un brouillard. On lui donne alors une tournure à l'aide de tracés graphiques. Dessiner, c'est se profiler et apparaître d'une façon plus nette.
A travers quel moyen, pouvons-nous découvrir notre patrimoine dont vous dites qu' «il sort de l'abstrait pour devenir palpable»?
C'est souvent par les portes ouvertes sur ce qui se trouve dans les musées, dans les mosquées, dans les palais médiévaux, là où l'on peut trouver une forme d'art et une forme d'expression.
C'est comme moi qui montre souvent mon collier. Le patrimoine matériel est en général préservé, restauré, sauvegardé et montré au public, soit de façon exceptionnelle à la faveur de journées du patrimoine, soit de façon régulière par le biais de musée, mosquée, cité antique, palais médiéval. On peut le faire gratuitement ou au contraire en moyennant un droit d'entrée. Lorsque j'ai fait ma conférence à Tamanrasset sur Tin Hinan, une jeune fille, étudiante en art, m'avait parlé en un arabe très classique que je ne comprenais pas. Je lui ai dit que je saisirais mieux ce qu'elle disait si elle s'adressait à moi en une langue plus locale. Les Touaregs, qui étaient présents, se mirent alors à parler leur langue. Ça a été une forme de récupération de leur expression. Une vieille femme m'a dit, toute contente : «je n'ai rien d'autre à vous offrir que ce collier que j'ai fabriqué moi-même». Depuis je le porte en souvenir.
Là, vous décrivez ce qui est matériel, visible à nos yeux;
il reste alors, comme disait le renard, au sujet de sa rose, au petit prince, d'Antoine de Saint Exupery,
«cet essentiel qu'on ne voit qu'avec le cœur et qui demeure invisible à nos yeux». Où pourrait-on le trouver ?
Jadis, c'étaient nos grands-mères qui nous transmettaient la culture. Quand j'allais chez ma mère, j'y trouvais ma meilleure prof d'anthropologie. Je ressentais la même chose auprès de mon oncle Saïd qui n'a jamais quitté sa commune. Il dessinait des schémas généalogiques sur le sable qui remettaient en cause tout le savoir que j'ai acquis à l'université.
A votre avis, avons-nous tout ramassé de la mémoire de nos grand-mères disparues ?
Non, on n'a pas tout préservé de notre culture, que ce soit en Kabylie ou aux Aurès. Je crois qu'il y a une déperdition immense. Il n'y a qu'à voir le déracinement des Touaregs, qui ont délaissé brutalement la civilisation de la tente pour être emmurés dans le béton. Ça rappelle «La traversée», de Mammeri, qui raconte l'histoire de ce personnage, habitué à l'immensité du désert qui se retrouve un jour sur le chemin de la fuite et pourchassé par un hélicoptère. Comme dans le roman on voit bien une civilisation de la tente qui se perd. Lorsqu'on voit ces populations des hauts plateaux que l'on emmure dans du béton et quand on voit les ruines faites de béton, on comprend que ce n'est pas du tout esthétique et nos amis les architectes en savent un bout.
Comment transmettre alors cette culture aux futures générations maintenant que nos aïeux ont disparu ?
Je crois qu'il est important de diffuser l'héritage immatériel de nos grand-mères à travers plusieurs moyens : radio, télé, conférences. Ce qui est perdu est perdu et même en faisant des recherches archéologiques, on ne peut extraire à l'oubli ce qui a disparu.
Je crois que vous avez fait un travail sur l'introduction du luth au Maghreb; qu'en est-il de vos recherches ?
Je n'ai pas travaillé sur le luth spécialement, mais j'ai travaillé sur Chérif Kheddam. Ce n'est pas non plus un travail bibliographique sur un artiste-monument, mais c'est un travail qui s'appuie particulièrement sur son œuvre artistique et musicale.
En 1947, chérif khedam a acheté un luth en France et dans plusieurs de ces chansons il parle de cet instrument et raconte comment ses cordes se sont cassées. Il s'initie au luth grâce au Tunisien Mohamed Djamoussi. Adorateur d'Alfred de Musset, Chérif Kheddam s'est recueilli sur sa tombe, 24 heures durant, en récitant des poèmes. C'est un artiste complet qui a touché à tout, à la musique, à l'écriture et au théâtre.
Pourquoi votre conférence a-t-elle pour thème «Algérie, raconte-moi tes cultures» et non pas «ta culture»?
Pourquoi nous appauvrir avec une seule culture ? Notre pays est vaste et fait 4 fois la France, il y a des cultures et non pas une seule. Suivant les paysages, il y a des cultures oasiennes, des cultures de montagne, des cultures de vallée. Il y a une culture pastorale comme il y a une culture citadine. Alger n'est pas Tlemcen, Ouargla n'est pas Batna, chaque ville a sa personnalité et sa culture. Mais je corrige quand même le titre, c'était «Algérie raconte-moi tes cultures» et maintenant «Algérie dessine-moi ton patrimoine.»
Vous faites allusion à l'un des personnages du «Petit prince» qui demanda à l'aviateur perdu dans le désert de lui dessiner un mouton. Que signifie donc cette allégorie ?
Cela signifie qu'au delà du verbe, «le Petit Prince» projetait par la formulation l'obtention d'un mouton, passant de l'idée abstraite, concept qui n'est pas concret, à la matérialisation palpable par le dessin, qui, ainsi, peut entrer dans son patrimoine. Dessiner, c'est faire ressortir de façon progressive une silhouette qui ne peut ni s'effacer ni s'estomper dans le flou d'un brouillard. On lui donne alors une tournure à l'aide de tracés graphiques. Dessiner, c'est se profiler et apparaître d'une façon plus nette.
A travers quel moyen, pouvons-nous découvrir notre patrimoine dont vous dites qu' «il sort de l'abstrait pour devenir palpable»?
C'est souvent par les portes ouvertes sur ce qui se trouve dans les musées, dans les mosquées, dans les palais médiévaux, là où l'on peut trouver une forme d'art et une forme d'expression.
C'est comme moi qui montre souvent mon collier. Le patrimoine matériel est en général préservé, restauré, sauvegardé et montré au public, soit de façon exceptionnelle à la faveur de journées du patrimoine, soit de façon régulière par le biais de musée, mosquée, cité antique, palais médiéval. On peut le faire gratuitement ou au contraire en moyennant un droit d'entrée. Lorsque j'ai fait ma conférence à Tamanrasset sur Tin Hinan, une jeune fille, étudiante en art, m'avait parlé en un arabe très classique que je ne comprenais pas. Je lui ai dit que je saisirais mieux ce qu'elle disait si elle s'adressait à moi en une langue plus locale. Les Touaregs, qui étaient présents, se mirent alors à parler leur langue. Ça a été une forme de récupération de leur expression. Une vieille femme m'a dit, toute contente : «je n'ai rien d'autre à vous offrir que ce collier que j'ai fabriqué moi-même». Depuis je le porte en souvenir.
Là, vous décrivez ce qui est matériel, visible à nos yeux;
il reste alors, comme disait le renard, au sujet de sa rose, au petit prince, d'Antoine de Saint Exupery,
«cet essentiel qu'on ne voit qu'avec le cœur et qui demeure invisible à nos yeux». Où pourrait-on le trouver ?
Jadis, c'étaient nos grands-mères qui nous transmettaient la culture. Quand j'allais chez ma mère, j'y trouvais ma meilleure prof d'anthropologie. Je ressentais la même chose auprès de mon oncle Saïd qui n'a jamais quitté sa commune. Il dessinait des schémas généalogiques sur le sable qui remettaient en cause tout le savoir que j'ai acquis à l'université.
A votre avis, avons-nous tout ramassé de la mémoire de nos grand-mères disparues ?
Non, on n'a pas tout préservé de notre culture, que ce soit en Kabylie ou aux Aurès. Je crois qu'il y a une déperdition immense. Il n'y a qu'à voir le déracinement des Touaregs, qui ont délaissé brutalement la civilisation de la tente pour être emmurés dans le béton. Ça rappelle «La traversée», de Mammeri, qui raconte l'histoire de ce personnage, habitué à l'immensité du désert qui se retrouve un jour sur le chemin de la fuite et pourchassé par un hélicoptère. Comme dans le roman on voit bien une civilisation de la tente qui se perd. Lorsqu'on voit ces populations des hauts plateaux que l'on emmure dans du béton et quand on voit les ruines faites de béton, on comprend que ce n'est pas du tout esthétique et nos amis les architectes en savent un bout.
Comment transmettre alors cette culture aux futures générations maintenant que nos aïeux ont disparu ?
Je crois qu'il est important de diffuser l'héritage immatériel de nos grand-mères à travers plusieurs moyens : radio, télé, conférences. Ce qui est perdu est perdu et même en faisant des recherches archéologiques, on ne peut extraire à l'oubli ce qui a disparu.
Je crois que vous avez fait un travail sur l'introduction du luth au Maghreb; qu'en est-il de vos recherches ?
Je n'ai pas travaillé sur le luth spécialement, mais j'ai travaillé sur Chérif Kheddam. Ce n'est pas non plus un travail bibliographique sur un artiste-monument, mais c'est un travail qui s'appuie particulièrement sur son œuvre artistique et musicale.
En 1947, chérif khedam a acheté un luth en France et dans plusieurs de ces chansons il parle de cet instrument et raconte comment ses cordes se sont cassées. Il s'initie au luth grâce au Tunisien Mohamed Djamoussi. Adorateur d'Alfred de Musset, Chérif Kheddam s'est recueilli sur sa tombe, 24 heures durant, en récitant des poèmes. C'est un artiste complet qui a touché à tout, à la musique, à l'écriture et au théâtre.


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