Brahim Noual, professeur de théâtre à l'Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audio-visuel (ISMAS) et conseiller artistique de M'Hamed Benguettaf, directeur du Théâtre national algérien, dresse ici un état des lieux du théâtre algérien. Il aborde la place du patrimoine dans le 4e art, le théâtre amazigh et le problème de l'archivage dans le théâtre algérien. Il fait également le point sur l'édition du Festival du théâtre professionnel, qui se déroule actuellement. Brahim Noual, professeur de théâtre à l'Institut supérieur des métiers des arts du spectacle et de l'audio-visuel (ISMAS) et conseiller artistique de M'Hamed Benguettaf, directeur du Théâtre national algérien, dresse ici un état des lieux du théâtre algérien. Il aborde la place du patrimoine dans le 4e art, le théâtre amazigh et le problème de l'archivage dans le théâtre algérien. Il fait également le point sur l'édition du Festival du théâtre professionnel, qui se déroule actuellement. Midi Libre : Actuellement se tient la 5e édition du Festival national du théâtre professionnel, pourquoi avez-vous choisi, cette année, de mettre en relief le patrimoine ? Brahim Noual : Le thème du patrimoine s'est imposé comme élément central de notre travail parce qu'il est la résultante d'une somme de réflexions et de questionnements qui ont été posés par les hommes de culture et, bien sûr, nécessairement par les dramaturges et les hommes de Lettres. En fait, ce sont également là les recommandations du colloque scientifique de l'année passée. Les intellectuels, les académiciens, les professeurs et les universitaires, ont tous proposé de se pencher sur cet aspect de notre culture. Vous savez que le patrimoine c'est aussi un partage. Un partage qui n'a pas de frontières, même si nous sommes patriotes, pas au sens idéologique, (mais au sens culturel et civilisationnel), cela veut dire que nous avons en commun quelque chose à partager avec nos frères du Maroc, de la Tunisie, et du Maghreb tout entier. Il y a une authenticité cérémoniale, des mythes, des éléments de la culture et de l'identité communes à faire valoir au sein d'une globalisation et d'une mondialisation qui s'affirment partout. Nous devons nous situer par rapport à ces nations en tant qu'Etat-Nation pour reprendre Mostefa Lacheraf. Il faut se réapproprier nos repères historiques, anthropologiques de la culture qu'on a en partage. A travers cette thématique, nous affirmons encore une fois qu'il n'est pas question pour nous de renoncer à notre identité et en même temps de trahir l'Autre ou bien de trahir la civilisation humaine. Nous aussi nous apportons notre contribution à l'émancipation de la culture et de la civilisation humaine, et c'est cela le plus important. Nous ne craignons pas l'Autre, mais au contraire nous partageons avec l'Autre. Et dans l'esprit de ce partage, nous devons fournir au moins quelques éléments de la personnalité, de la culture et de la civilisation que nous portons en nous et qui a plus de quatorze mille ans d'histoire. C'est donc à partir de toutes ces réflexions que nous avons retenu ce thème. Mais aucune pièce n'a pris comme référence notre patrimoine. Celles que nous avons pu voir sont toutes des adaptations de textes étrangers... Effectivement. Nous avons voulu interpeller les hommes et les femmes du 4e art, car le théâtre c'est également l'interpellation. Ce n'est pas seulement interpeller mais aussi proposer. Le théâtre est une grande force de proposition mais également une œuvre pédagogique. Et l'œuvre pédagogique a besoin aussi non seulement du savoir mais également de la réflexion et de la recherche. Le théâtre est un élément de l'action culturelle. C'est aussi de la création. Ce n'est pas de l'imitation, nous ne voulons pas que ça soit de la mimésis, au sens grec du mot. Nous voulons qu'il y ait de la reproduction, mais aussi de la production. Et l'apanage de l'intellectuel c'est sa capacité à proposer des réflexions et des idées. Nous voulons aussi que le patrimoine soit un élément de base pour la recherche, la production et la création artistique. Je ne parle pas du cérémonial à la base sous sa forme originelle pour ne pas dire la plus primitive. Nous vivons au XXIème siècle, tous les siècles ont eu leurs moyens techniques, ont eu leurs éléments esthétiques et ont eu également à partager entre tous les créateurs. Sans aucun complexe, en prenant en considération ces différents paramètres, nous pourrons alors adapter les œuvres à notre réalité et les développer. Mais il est nécessaire aujourd'hui, comme dirait le professeur marocain Berchid, de puiser dans le local pour aller à l'universel. Brecht est avant tout allemand. Le théâtre Nô est un théâtre ancestral et en même temps japonais. Pourtant le Japon est une nation moderne qui puise constamment de son patrimoine. Alors que faire pour aller vers notre patrimoine et l'utiliser à bon escient ? Je pense qu'il faut faire plus d'efforts pour nous approprier cette culture, ses références culturelles et cultuelles, ses cérémonials qui sont à la base de toutes les expressions artistiques. Aujourd'hui nous parlons de «Malhama», mais ces poèmes épiques nous les trouvons dans l'Imzad ou l'Achewik qui sont ancestraux. Les références sont donc là, par rapport à la réflexion que nous voulons proposer. Le Nô de kabuki (forme épique du théâtre japonais traditionnel) est à un niveau de la réflexion intellectuelle très élevé. Nous pouvons dire aujourd'hui que cette forme théâtrale est une expression exceptionnelle qui s'est adaptée facilement à une nouvelle conjoncture qui est moderne et contemporaine et sans aucun complexe par rapport à la modernité et par rapport aux Japonais qui vivent avec leur siècle dominé par la technologie. Et c'est à nous Algériens de nous approprier notre héritage culturel. Des théâtres activent déjà dans ce sens comme dans celui instauré dans le cadre du Kaki d'or, des Echos de plumes, ou autres. Comment faire pour trouver la source surtout lorsque celle-ci est le monopole d'archives individuelles ? Oui. Je n'ai pas l'habitude de jeter l'opprobre sur l'Autre, mais je dirai que c'est l'une des séquelles du colonialisme qui a entraîné cela. Nous sommes en train également de nous réapproprier cette identité et ce patrimoine par le biais du ministère de la Culture, mais également par le biais des intellectuels qui, à travers le Centre de recherche anthropologique, nous procurent des base de données très utiles pour les créateurs dans le domaine de l'art. La réappropriation n'est pas seulement l'apanage des scientifiques, mais également des actants de la vie culturelle. Cette synergie devrait justement se faire un peu plus. Les passerelles devraient être construites entre les universitaires et les créateurs. Il ne peut pas y avoir de création, de patrimoine, sans cette synergie et sans l'échange. Puisque nous parlons de patrimoine, que devient le théâtre du "garagouz", autrefois plus connu sur la scène artistique algérienne ? En fait, si nous parlons de l'étymologie ou de l'explication du mot garagouz, cela renvoie au noir. Le garagouz vient de la culture ottomane, pour nous ce n'est pas une culture «d'el Mouhtal». C'est aussi le théâtre des ombres que nous avons effectivement oublié. C'est également les marionnettes qui nous appartiennent et qui appartiennent à cette civilisation algérienne. Nous avons aussi «El Hakawati», «El Gaoual», qui peut être aujourd'hui une richesse extraordinaire pour notre culture et pour notre tourisme culturel. Ce n'est pas le tourisme de masse qui nous intéresse mais ce tourisme culturel fait d'échanges et de dialogue civilisationnel. Si vous parlez de "garagouz", oui effectivement les jeunes ne se souviennent pas, ne connaissent pas cette forme artistique algérienne. Mais si vous leur parlez de Muppet Show, cela leur rappellera beaucoup plus de choses. Si vous leur parlez de marionnettes, ils croiraient que vous leur parlez des guignols. Je voudrai dire seulement qu'El garagouz est un héros national algérien. Si je veux tronquer la casquette de chercheur à celle de conteur, je dirai qu'el garagouz est le fils de Jeha. Car c'est un farceur, c'est le contre pouvoir, c'est un perturbateur. Il faut beaucoup plus, non pas d'engagement, mais de savoir et de savoir-faire surtout. Car il faut reconquérir notre patrimoine car c'est un acte citoyen. Quelle place réserve le festival au théâtre d'expression amazighe et l'amazighité ? Vous savez, aujourd'hui nous pouvons être fiers puisque nous avons un festival d'expression amazighe. Mais il n'est pas question pour moi de parler de linguistique seulement. Car nous sommes amazighs. Notre identité est amazighe, nous ne devons pas avoir de complexe par rapport à cela, au contraire nous devons l'affirmer pas seulement par le discours linguistique mais par l'ensemble des aspects de notre identité. Le théâtre amazigh, tel que je disais tout à l'heure, date de quatorze mille ans avant J.-C. Donc, ce sont toutes ces formes de mouvements, de danses, de musiques… qui appartiennent à l'art de la scène qui doivent être exprimées. L'amazighité est en nous, elle ne doit pas être seulement une langue de théâtre mais une langue culturelle et elle l'est déjà. Je pense que les hommes de culture, j'allais dire les plus fidèles à cette terre, doivent développer et promouvoir par le sens artistique ce patrimoine amazigh. Je me dois d'ailleurs d'ajouter que le Festival national du théâtre professionnel, grâce à M'hamed Benguettaf, a consacré dans sa revue une page en tamazight. Le festival a consommé déjà la moitié de ses spectacles, comment trouvez-vous le niveau des représentations ? Sans tomber dans l'autosatisfaction, je pense que nous avons évolué comme l'avait souligné le commissaire du festival Benguettaf. Cela démontre que la compétition est rude et que les membres du jury ne se contentent pas des productions qui leur sont proposées. Ils incitent les dramaturges à aller de l'avant. Nous savons très bien que nous n'avons pas encore atteint la perfection et que nous avons encore beaucoup d'efforts à faire dans le domaine de la créativité, de la création, mais également dans le domaine de la formation artistique. Quel bilan faites-vous de ces cinq années ? Le bilan ne peut pas être chiffré à mon avis. Je suis contre les chiffres. Le bilan concerne non seulement ce qui se fait au niveau du festival mais par rapport à tout ce qui se fait au niveau du théâtre, de la formation et de la création à l'échelle nationale. Dans ce sens le ministère de la Culture a fait un effort immense en ouvrant plusieurs théâtres régionaux. Nous attendons encore d'autres et nous n'arrêtons pas d'en demander. Mais je trouve que depuis quelques années, depuis la dynamique de 2007, quelque chose s'est enclenché au niveau de la production, de la réflexion et de la création… beaucoup de choses ont changé. Je suis une sentinelle de l'espérance. Comme élément de cette famille je dirai que nous avons bon espoir. Nous ne sommes pas aveuglés, nous restons éveillés mais il faudrait faire un peu plus de place à l'encouragement des jeunes qui, d'ailleurs, sont très présents. Enfin, la boucle n'est pas encore bouclée, je crois que nous avons déjà la base de ce que nous appelons la relève et la régénération, car un théâtre qui se régénère est un théâtre vivant. Midi Libre : Actuellement se tient la 5e édition du Festival national du théâtre professionnel, pourquoi avez-vous choisi, cette année, de mettre en relief le patrimoine ? Brahim Noual : Le thème du patrimoine s'est imposé comme élément central de notre travail parce qu'il est la résultante d'une somme de réflexions et de questionnements qui ont été posés par les hommes de culture et, bien sûr, nécessairement par les dramaturges et les hommes de Lettres. En fait, ce sont également là les recommandations du colloque scientifique de l'année passée. Les intellectuels, les académiciens, les professeurs et les universitaires, ont tous proposé de se pencher sur cet aspect de notre culture. Vous savez que le patrimoine c'est aussi un partage. Un partage qui n'a pas de frontières, même si nous sommes patriotes, pas au sens idéologique, (mais au sens culturel et civilisationnel), cela veut dire que nous avons en commun quelque chose à partager avec nos frères du Maroc, de la Tunisie, et du Maghreb tout entier. Il y a une authenticité cérémoniale, des mythes, des éléments de la culture et de l'identité communes à faire valoir au sein d'une globalisation et d'une mondialisation qui s'affirment partout. Nous devons nous situer par rapport à ces nations en tant qu'Etat-Nation pour reprendre Mostefa Lacheraf. Il faut se réapproprier nos repères historiques, anthropologiques de la culture qu'on a en partage. A travers cette thématique, nous affirmons encore une fois qu'il n'est pas question pour nous de renoncer à notre identité et en même temps de trahir l'Autre ou bien de trahir la civilisation humaine. Nous aussi nous apportons notre contribution à l'émancipation de la culture et de la civilisation humaine, et c'est cela le plus important. Nous ne craignons pas l'Autre, mais au contraire nous partageons avec l'Autre. Et dans l'esprit de ce partage, nous devons fournir au moins quelques éléments de la personnalité, de la culture et de la civilisation que nous portons en nous et qui a plus de quatorze mille ans d'histoire. C'est donc à partir de toutes ces réflexions que nous avons retenu ce thème. Mais aucune pièce n'a pris comme référence notre patrimoine. Celles que nous avons pu voir sont toutes des adaptations de textes étrangers... Effectivement. Nous avons voulu interpeller les hommes et les femmes du 4e art, car le théâtre c'est également l'interpellation. Ce n'est pas seulement interpeller mais aussi proposer. Le théâtre est une grande force de proposition mais également une œuvre pédagogique. Et l'œuvre pédagogique a besoin aussi non seulement du savoir mais également de la réflexion et de la recherche. Le théâtre est un élément de l'action culturelle. C'est aussi de la création. Ce n'est pas de l'imitation, nous ne voulons pas que ça soit de la mimésis, au sens grec du mot. Nous voulons qu'il y ait de la reproduction, mais aussi de la production. Et l'apanage de l'intellectuel c'est sa capacité à proposer des réflexions et des idées. Nous voulons aussi que le patrimoine soit un élément de base pour la recherche, la production et la création artistique. Je ne parle pas du cérémonial à la base sous sa forme originelle pour ne pas dire la plus primitive. Nous vivons au XXIème siècle, tous les siècles ont eu leurs moyens techniques, ont eu leurs éléments esthétiques et ont eu également à partager entre tous les créateurs. Sans aucun complexe, en prenant en considération ces différents paramètres, nous pourrons alors adapter les œuvres à notre réalité et les développer. Mais il est nécessaire aujourd'hui, comme dirait le professeur marocain Berchid, de puiser dans le local pour aller à l'universel. Brecht est avant tout allemand. Le théâtre Nô est un théâtre ancestral et en même temps japonais. Pourtant le Japon est une nation moderne qui puise constamment de son patrimoine. Alors que faire pour aller vers notre patrimoine et l'utiliser à bon escient ? Je pense qu'il faut faire plus d'efforts pour nous approprier cette culture, ses références culturelles et cultuelles, ses cérémonials qui sont à la base de toutes les expressions artistiques. Aujourd'hui nous parlons de «Malhama», mais ces poèmes épiques nous les trouvons dans l'Imzad ou l'Achewik qui sont ancestraux. Les références sont donc là, par rapport à la réflexion que nous voulons proposer. Le Nô de kabuki (forme épique du théâtre japonais traditionnel) est à un niveau de la réflexion intellectuelle très élevé. Nous pouvons dire aujourd'hui que cette forme théâtrale est une expression exceptionnelle qui s'est adaptée facilement à une nouvelle conjoncture qui est moderne et contemporaine et sans aucun complexe par rapport à la modernité et par rapport aux Japonais qui vivent avec leur siècle dominé par la technologie. Et c'est à nous Algériens de nous approprier notre héritage culturel. Des théâtres activent déjà dans ce sens comme dans celui instauré dans le cadre du Kaki d'or, des Echos de plumes, ou autres. Comment faire pour trouver la source surtout lorsque celle-ci est le monopole d'archives individuelles ? Oui. Je n'ai pas l'habitude de jeter l'opprobre sur l'Autre, mais je dirai que c'est l'une des séquelles du colonialisme qui a entraîné cela. Nous sommes en train également de nous réapproprier cette identité et ce patrimoine par le biais du ministère de la Culture, mais également par le biais des intellectuels qui, à travers le Centre de recherche anthropologique, nous procurent des base de données très utiles pour les créateurs dans le domaine de l'art. La réappropriation n'est pas seulement l'apanage des scientifiques, mais également des actants de la vie culturelle. Cette synergie devrait justement se faire un peu plus. Les passerelles devraient être construites entre les universitaires et les créateurs. Il ne peut pas y avoir de création, de patrimoine, sans cette synergie et sans l'échange. Puisque nous parlons de patrimoine, que devient le théâtre du "garagouz", autrefois plus connu sur la scène artistique algérienne ? En fait, si nous parlons de l'étymologie ou de l'explication du mot garagouz, cela renvoie au noir. Le garagouz vient de la culture ottomane, pour nous ce n'est pas une culture «d'el Mouhtal». C'est aussi le théâtre des ombres que nous avons effectivement oublié. C'est également les marionnettes qui nous appartiennent et qui appartiennent à cette civilisation algérienne. Nous avons aussi «El Hakawati», «El Gaoual», qui peut être aujourd'hui une richesse extraordinaire pour notre culture et pour notre tourisme culturel. Ce n'est pas le tourisme de masse qui nous intéresse mais ce tourisme culturel fait d'échanges et de dialogue civilisationnel. Si vous parlez de "garagouz", oui effectivement les jeunes ne se souviennent pas, ne connaissent pas cette forme artistique algérienne. Mais si vous leur parlez de Muppet Show, cela leur rappellera beaucoup plus de choses. Si vous leur parlez de marionnettes, ils croiraient que vous leur parlez des guignols. Je voudrai dire seulement qu'El garagouz est un héros national algérien. Si je veux tronquer la casquette de chercheur à celle de conteur, je dirai qu'el garagouz est le fils de Jeha. Car c'est un farceur, c'est le contre pouvoir, c'est un perturbateur. Il faut beaucoup plus, non pas d'engagement, mais de savoir et de savoir-faire surtout. Car il faut reconquérir notre patrimoine car c'est un acte citoyen. Quelle place réserve le festival au théâtre d'expression amazighe et l'amazighité ? Vous savez, aujourd'hui nous pouvons être fiers puisque nous avons un festival d'expression amazighe. Mais il n'est pas question pour moi de parler de linguistique seulement. Car nous sommes amazighs. Notre identité est amazighe, nous ne devons pas avoir de complexe par rapport à cela, au contraire nous devons l'affirmer pas seulement par le discours linguistique mais par l'ensemble des aspects de notre identité. Le théâtre amazigh, tel que je disais tout à l'heure, date de quatorze mille ans avant J.-C. Donc, ce sont toutes ces formes de mouvements, de danses, de musiques… qui appartiennent à l'art de la scène qui doivent être exprimées. L'amazighité est en nous, elle ne doit pas être seulement une langue de théâtre mais une langue culturelle et elle l'est déjà. Je pense que les hommes de culture, j'allais dire les plus fidèles à cette terre, doivent développer et promouvoir par le sens artistique ce patrimoine amazigh. Je me dois d'ailleurs d'ajouter que le Festival national du théâtre professionnel, grâce à M'hamed Benguettaf, a consacré dans sa revue une page en tamazight. Le festival a consommé déjà la moitié de ses spectacles, comment trouvez-vous le niveau des représentations ? Sans tomber dans l'autosatisfaction, je pense que nous avons évolué comme l'avait souligné le commissaire du festival Benguettaf. Cela démontre que la compétition est rude et que les membres du jury ne se contentent pas des productions qui leur sont proposées. Ils incitent les dramaturges à aller de l'avant. Nous savons très bien que nous n'avons pas encore atteint la perfection et que nous avons encore beaucoup d'efforts à faire dans le domaine de la créativité, de la création, mais également dans le domaine de la formation artistique. Quel bilan faites-vous de ces cinq années ? Le bilan ne peut pas être chiffré à mon avis. Je suis contre les chiffres. Le bilan concerne non seulement ce qui se fait au niveau du festival mais par rapport à tout ce qui se fait au niveau du théâtre, de la formation et de la création à l'échelle nationale. Dans ce sens le ministère de la Culture a fait un effort immense en ouvrant plusieurs théâtres régionaux. Nous attendons encore d'autres et nous n'arrêtons pas d'en demander. Mais je trouve que depuis quelques années, depuis la dynamique de 2007, quelque chose s'est enclenché au niveau de la production, de la réflexion et de la création… beaucoup de choses ont changé. Je suis une sentinelle de l'espérance. Comme élément de cette famille je dirai que nous avons bon espoir. Nous ne sommes pas aveuglés, nous restons éveillés mais il faudrait faire un peu plus de place à l'encouragement des jeunes qui, d'ailleurs, sont très présents. Enfin, la boucle n'est pas encore bouclée, je crois que nous avons déjà la base de ce que nous appelons la relève et la régénération, car un théâtre qui se régénère est un théâtre vivant.