Des projectiles fusent. En plein centre-ville de Sidi Bouzid, là où Mohamed Bouazizi s'était immolé par le feu deux ans plus tôt, Moncef Marouzki, le président de la République tunisienne, et Mustafa Ben Jâafar, le président de l'Assemblée constituante, ont été contraints de quitter la scène sous le célèbre "Dégage", scandé par une foule de quelque 3.000 personnes. Escortés par le service d'ordre, ils se sont réfugiés dans l'enceinte du gouvernorat, situé juste derrière. Le Premier ministre Hamadi Jebali, lui, n'a pas fait le déplacement en raison d'une grippe. "Il avait surtout peur", se moque Wahiba, alors qu'elle observe la scène depuis le toit d'un immeuble. "Sidi Bouzid aujourd'hui, c'est comme Sidi Bouzid hier. Rien n'a changé. On nous dit d'attendre. Mais jusqu'à quand ? On ne nous fait que des promesses en l'air !" s'emporte cette femme de 40 ans. Moncef Marzouki a bien essayé de rassurer l'assemblée. Dans son allocution, il a dit "comprendre la colère" des citoyens, qu'il juge "légitime". "Dans six mois, un gouvernement stable sera en place et livrera les médicaments pour guérir le mal du pays", a assuré le président, nommé un an plus tôt. Une nouvelle promesse accueillie sous les huées et les sifflets, plus insistants. Vient ensuite Mustafa Ben Jâafar. Le chef de l'Assemblée constituante n'a pris la parole que quelques minutes, avant de fuir sous les "Dégage" Plus tôt dans la matinée, Moncef Marzouki a eu un avant-goût de ce qui l'attendait. À Graa Bennour, alors qu'il était venu se recueillir sur la sépulture blanche, ornée d'une gerbe de roses rouges et blanches, de Mohamed Bouazizi, le chef de l'Etat a été pris à partie par une quinzaine de manifestants : "Où sont les promesses de l'an dernier ?" "Le gouvernement "n'a pas de baguette magique", a-t-il rétorqué. Deux ans après l'acte du jeune vendeur ambulant qui a déclenché le soulèvement de l'hiver 2010-2011, débouchant sur le départ de Ben Ali le 14 janvier, le gouvernement tunisien n'est pas arrivé à redresser la situation économique. Les inégalités régionales sont toujours les mêmes, le taux de chômage culmine à 17,6 % au niveau national et touche près de 40 % des jeunes dans certaines régions intérieures, la Constitution se fait attendre. Dans plusieurs villes du pays, les manifestations se multiplient et sont parfois violemment réprimées, comme à Siliana fin novembre. Rien n'a été fait "Hôpital, routes, infrastructures... il faut tout cela si on veut attirer les investisseurs. Qui voudrait venir ici ?" constate Ridha, le responsable du Front populaire [coalition de partis de gauche, NDLR] à Sidi Bouzid, sous une tente installée pour le deuxième festival de la révolution du 17 décembre. Quelques drapeaux tunisiens décorent cette ville du centre de Tunis. Des jeunes du parti Hezb Et-Tahrir, des étendards frappés de la Shahada, profession de foi musulmane, arpentent les rues en distribuant des tracts. "Tout ce que nous a apporté la révolution, c'est la division du pays entre la gauche et la droite, entre les religieux et les moins religieux", soupire Zouheir, 38 ans, qui regrette les violences qui ont eu lieu le 4 décembre, place Mohamed-Ali, à Tunis, devant le siège de l'UGTT, l'ancien syndicat unique. Des affrontements ont éclaté entre les ligues de protection de la Révolution et les syndicalistes, faisant plusieurs blessés. Depuis, une commission d'enquête doit être ouverte. "L'an dernier, j'étais fier de la révolution, mais pas cette année", souffle cet homme qui considère que la situation est en train de "pourrir, comme une vieille pêche. Ils [Les politiciens, ndlr] veulent fêter quelque chose que nous ne voulons pas fêter." "L'an dernier, c'était joyeux. Notre seul drapeau était celui de la Tunisie. Maintenant, ce sont ceux des partis", regrette Nadia, un voile fleuri et bien ajusté. "C'est une grande trahison. Le jeu politique a tout remplacé, c'est nous qui avons fait la révolution, c'est grâce à nous qu'ils sont là et ils nous oublient", constate amèrement cette mère de trois enfants qui a trouvé un emploi après 13 ans de chômage, "grâce à la révolution". "Le peuple veut la liberté et la dignité", "le peuple veut la chute du gouvernement", chantent les manifestants qui ont pris place sur la scène après le départ des officiels, comme pour rappeler que ce sont eux qui ont fait la révolution. Des projectiles fusent. En plein centre-ville de Sidi Bouzid, là où Mohamed Bouazizi s'était immolé par le feu deux ans plus tôt, Moncef Marouzki, le président de la République tunisienne, et Mustafa Ben Jâafar, le président de l'Assemblée constituante, ont été contraints de quitter la scène sous le célèbre "Dégage", scandé par une foule de quelque 3.000 personnes. Escortés par le service d'ordre, ils se sont réfugiés dans l'enceinte du gouvernorat, situé juste derrière. Le Premier ministre Hamadi Jebali, lui, n'a pas fait le déplacement en raison d'une grippe. "Il avait surtout peur", se moque Wahiba, alors qu'elle observe la scène depuis le toit d'un immeuble. "Sidi Bouzid aujourd'hui, c'est comme Sidi Bouzid hier. Rien n'a changé. On nous dit d'attendre. Mais jusqu'à quand ? On ne nous fait que des promesses en l'air !" s'emporte cette femme de 40 ans. Moncef Marzouki a bien essayé de rassurer l'assemblée. Dans son allocution, il a dit "comprendre la colère" des citoyens, qu'il juge "légitime". "Dans six mois, un gouvernement stable sera en place et livrera les médicaments pour guérir le mal du pays", a assuré le président, nommé un an plus tôt. Une nouvelle promesse accueillie sous les huées et les sifflets, plus insistants. Vient ensuite Mustafa Ben Jâafar. Le chef de l'Assemblée constituante n'a pris la parole que quelques minutes, avant de fuir sous les "Dégage" Plus tôt dans la matinée, Moncef Marzouki a eu un avant-goût de ce qui l'attendait. À Graa Bennour, alors qu'il était venu se recueillir sur la sépulture blanche, ornée d'une gerbe de roses rouges et blanches, de Mohamed Bouazizi, le chef de l'Etat a été pris à partie par une quinzaine de manifestants : "Où sont les promesses de l'an dernier ?" "Le gouvernement "n'a pas de baguette magique", a-t-il rétorqué. Deux ans après l'acte du jeune vendeur ambulant qui a déclenché le soulèvement de l'hiver 2010-2011, débouchant sur le départ de Ben Ali le 14 janvier, le gouvernement tunisien n'est pas arrivé à redresser la situation économique. Les inégalités régionales sont toujours les mêmes, le taux de chômage culmine à 17,6 % au niveau national et touche près de 40 % des jeunes dans certaines régions intérieures, la Constitution se fait attendre. Dans plusieurs villes du pays, les manifestations se multiplient et sont parfois violemment réprimées, comme à Siliana fin novembre. Rien n'a été fait "Hôpital, routes, infrastructures... il faut tout cela si on veut attirer les investisseurs. Qui voudrait venir ici ?" constate Ridha, le responsable du Front populaire [coalition de partis de gauche, NDLR] à Sidi Bouzid, sous une tente installée pour le deuxième festival de la révolution du 17 décembre. Quelques drapeaux tunisiens décorent cette ville du centre de Tunis. Des jeunes du parti Hezb Et-Tahrir, des étendards frappés de la Shahada, profession de foi musulmane, arpentent les rues en distribuant des tracts. "Tout ce que nous a apporté la révolution, c'est la division du pays entre la gauche et la droite, entre les religieux et les moins religieux", soupire Zouheir, 38 ans, qui regrette les violences qui ont eu lieu le 4 décembre, place Mohamed-Ali, à Tunis, devant le siège de l'UGTT, l'ancien syndicat unique. Des affrontements ont éclaté entre les ligues de protection de la Révolution et les syndicalistes, faisant plusieurs blessés. Depuis, une commission d'enquête doit être ouverte. "L'an dernier, j'étais fier de la révolution, mais pas cette année", souffle cet homme qui considère que la situation est en train de "pourrir, comme une vieille pêche. Ils [Les politiciens, ndlr] veulent fêter quelque chose que nous ne voulons pas fêter." "L'an dernier, c'était joyeux. Notre seul drapeau était celui de la Tunisie. Maintenant, ce sont ceux des partis", regrette Nadia, un voile fleuri et bien ajusté. "C'est une grande trahison. Le jeu politique a tout remplacé, c'est nous qui avons fait la révolution, c'est grâce à nous qu'ils sont là et ils nous oublient", constate amèrement cette mère de trois enfants qui a trouvé un emploi après 13 ans de chômage, "grâce à la révolution". "Le peuple veut la liberté et la dignité", "le peuple veut la chute du gouvernement", chantent les manifestants qui ont pris place sur la scène après le départ des officiels, comme pour rappeler que ce sont eux qui ont fait la révolution.