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Les Algériens se souviennent...
8 mai 1945, massacres à Sétif, Guelma et Kherrata
Publié dans Le Midi Libre le 08 - 05 - 2013

Des signes avant-coureurs présageaient de ce qui allait survenir quelques jours plus tard. Des manifestations se déclenchent le 1er mai dans toute l'Algérie, manifestations pacifiques mais on y voit pour la première fois le drapeau algérien. Du 8 au 22 mai 1945, les massacres d'Algériens à Sétif, Guelma et Kherrata, tracent le chemin à la lutte armée de novembre 1954.
Des signes avant-coureurs présageaient de ce qui allait survenir quelques jours plus tard. Des manifestations se déclenchent le 1er mai dans toute l'Algérie, manifestations pacifiques mais on y voit pour la première fois le drapeau algérien. Du 8 au 22 mai 1945, les massacres d'Algériens à Sétif, Guelma et Kherrata, tracent le chemin à la lutte armée de novembre 1954.
8 mai 1945-8 mai 2013, soixante huit (68) ans ont déjà passé sur les massacres perpétrés par le colonialisme français contre les populations civiles désarmées de Sétif, Kherrata et d'autres petits bourgs environnants. En ce jour commémoratif, les souvenirs remontent à la surface. De douloureux souvenirs qui reviennent en mémoire.
Tandis que le monde entier fêtait dans l'allégresse la défaite de l'Allemagne, les populations algériennes vivait une répression féroce et sanguinaire de la soldatesque coloniale, appuyée dans sa triste besogne par les colons qui n'ont pas fait dans le détail dans l'horreur. En ce jour du 8 mai 1945, c'est jour de marché à Sétif. Un marché bariolé comme tout marché "indigène" où se pressaient des centaines de personnes des bourgades et hameaux environnants. Une journée ensoleillée et particulière. Un évènement bien particulier devait se dérouler ce jour là.
Quelques jours auparavant, le Parti du peuple algérien (PPA) et les Amis du manifeste et de la liberté (AML), créé par Ferhat Abbas en mars 1944, avaient lancés un appel à une manifestation pacifique qui devait coïncider avec la victoire des alliées sur l'Allemagne nazie. Il s'agissait d'organiser une marche entre la mosquée de la gare et le Monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des Algériens conscrits de force et qui moururent durant la Seconde Guerre mondiale sous l'uniforme de l'armée française. Mais pour la population sétifienne,
la procession devait être mise à profit pour lancer un cri de liberté, pour demander à la France de tenir sa promesse, consignée dans l'additif au Manifeste du peuple algérien approuvé par le gouverneur général Marcel Peyrouton, prévoyant la création d'un Etat algérien à la fin de la guerre et la participation immédiate des représentants musulmans au gouvernement de l'Algérie. Il est tôt, en ce 8 mai 1945. À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures. Plus de 10 000 personnes, chantant l'hymne nationaliste Min Djibalina défile avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes «Libérez Messali»,
« Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Ce fut comme un appel à l'insurrection puisque des dizaines, bientôt des centaines "d'indigènes" qui n'étaient là que parce que c'était jour de marché rejoignent la foule, faisant grossir le cortège qui comprendra, à l'amorce du boulevard Georges-Clémenceau, entre 20.000 et 25.000 personnes, raconte M. Cherif. Vers 8h45 surgissent des pancartes
« Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le «drapeau algérien». Tout dérape alors : devant le café de France, le commissaire Olivieri tente de s'emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule.
Une répression sauvage : 45.000 morts
Un jeune homme, Bouzid Saâl, s'empare du «drapeau algérien» mais est abattu par un policier. Un tir de révolver qui allait donner le signal à une répression aussi sauvage qu'aveugle qui fera, durant plusieurs jours, des dizaines de milliers de morts, à Sétif, mais également dans les localités et les dechras voisines, à El Eulma, à Ain El Kebira, à El Ouricia, puis à Kherrata et jusqu'à Guelma. Ce coup de révolver était l'œuvre du commissaire Lucien Olivierie.
La balle atteindra mortellement au ventre Bouzid Saâl, alors âgé de 22 ans, qui refusa obstinément de plier son étendard. Un coup de feu aux grandes conséquences car il signa le début de la répression, donnant libre cours aux enfumages, aux tueries aveugles et au basculement d'Algériens vivants dans le vide, du haut de la route longeant les gorges de Kherrata. Même scénario à Guelma. Selon des témoignages, la répression, menée par l'armée et la milice de Guelma,
est d'une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations.
Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l'image d'une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l'impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois, l'Est de l'Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière. De nombreux corps ne peuvent être enterrés ; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie.
À Guelma, le sous-préfet fait tirer sur la foule des manifestants. La répression sera d'une incroyable violence. Toutes les forces armées y participent, marine, aviation, Légion étrangère, et même des milices. On canonne, on bombarde, on rase des villages, on incendie des mechtas, on tire sur la population, on mène la chasse. La folie va durer deux mois. Les cadavres sont brûlés dans des fours à chaux, disparaissent dans les puits, les rivières. 4500 arrestations, 22 exécutions capitales, 64 condamnations aux travaux forcés sont prononcées. Le 22 mai, le soulèvement prend fin. Officiellement. Le général français Tubert rédigera un rapport après les massacres, il parlera de 15 000 tués dans les populations musulmanes.
Mais la mémoire algérienne, elle, retiendra le chiffre de 45.000 morts. Le soir du 22 mai 1945, les milliers de personnes, meurtries dans leur chair ont pu regagner leurs chaumières, physiquement atteints et moralement brisés. Pire, ils n'ont pas eu droit à «la paix des braves». Ils ont continué à subir des affronts et autres humiliations des plus éhontées des mois durant, voire des années, jusqu'au déclenchement de la guerre de Libération nationale où, par milliers, ils ont rejoint le front des combats.
8 mai 1945-8 mai 2013, soixante huit (68) ans ont déjà passé sur les massacres perpétrés par le colonialisme français contre les populations civiles désarmées de Sétif, Kherrata et d'autres petits bourgs environnants. En ce jour commémoratif, les souvenirs remontent à la surface. De douloureux souvenirs qui reviennent en mémoire.
Tandis que le monde entier fêtait dans l'allégresse la défaite de l'Allemagne, les populations algériennes vivait une répression féroce et sanguinaire de la soldatesque coloniale, appuyée dans sa triste besogne par les colons qui n'ont pas fait dans le détail dans l'horreur. En ce jour du 8 mai 1945, c'est jour de marché à Sétif. Un marché bariolé comme tout marché "indigène" où se pressaient des centaines de personnes des bourgades et hameaux environnants. Une journée ensoleillée et particulière. Un évènement bien particulier devait se dérouler ce jour là.
Quelques jours auparavant, le Parti du peuple algérien (PPA) et les Amis du manifeste et de la liberté (AML), créé par Ferhat Abbas en mars 1944, avaient lancés un appel à une manifestation pacifique qui devait coïncider avec la victoire des alliées sur l'Allemagne nazie. Il s'agissait d'organiser une marche entre la mosquée de la gare et le Monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des Algériens conscrits de force et qui moururent durant la Seconde Guerre mondiale sous l'uniforme de l'armée française. Mais pour la population sétifienne,
la procession devait être mise à profit pour lancer un cri de liberté, pour demander à la France de tenir sa promesse, consignée dans l'additif au Manifeste du peuple algérien approuvé par le gouverneur général Marcel Peyrouton, prévoyant la création d'un Etat algérien à la fin de la guerre et la participation immédiate des représentants musulmans au gouvernement de l'Algérie. Il est tôt, en ce 8 mai 1945. À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures. Plus de 10 000 personnes, chantant l'hymne nationaliste Min Djibalina défile avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes «Libérez Messali»,
« Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Ce fut comme un appel à l'insurrection puisque des dizaines, bientôt des centaines "d'indigènes" qui n'étaient là que parce que c'était jour de marché rejoignent la foule, faisant grossir le cortège qui comprendra, à l'amorce du boulevard Georges-Clémenceau, entre 20.000 et 25.000 personnes, raconte M. Cherif. Vers 8h45 surgissent des pancartes
« Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le «drapeau algérien». Tout dérape alors : devant le café de France, le commissaire Olivieri tente de s'emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule.
Une répression sauvage : 45.000 morts
Un jeune homme, Bouzid Saâl, s'empare du «drapeau algérien» mais est abattu par un policier. Un tir de révolver qui allait donner le signal à une répression aussi sauvage qu'aveugle qui fera, durant plusieurs jours, des dizaines de milliers de morts, à Sétif, mais également dans les localités et les dechras voisines, à El Eulma, à Ain El Kebira, à El Ouricia, puis à Kherrata et jusqu'à Guelma. Ce coup de révolver était l'œuvre du commissaire Lucien Olivierie.
La balle atteindra mortellement au ventre Bouzid Saâl, alors âgé de 22 ans, qui refusa obstinément de plier son étendard. Un coup de feu aux grandes conséquences car il signa le début de la répression, donnant libre cours aux enfumages, aux tueries aveugles et au basculement d'Algériens vivants dans le vide, du haut de la route longeant les gorges de Kherrata. Même scénario à Guelma. Selon des témoignages, la répression, menée par l'armée et la milice de Guelma,
est d'une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations.
Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l'image d'une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l'impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles, soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois, l'Est de l'Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière. De nombreux corps ne peuvent être enterrés ; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie.
À Guelma, le sous-préfet fait tirer sur la foule des manifestants. La répression sera d'une incroyable violence. Toutes les forces armées y participent, marine, aviation, Légion étrangère, et même des milices. On canonne, on bombarde, on rase des villages, on incendie des mechtas, on tire sur la population, on mène la chasse. La folie va durer deux mois. Les cadavres sont brûlés dans des fours à chaux, disparaissent dans les puits, les rivières. 4500 arrestations, 22 exécutions capitales, 64 condamnations aux travaux forcés sont prononcées. Le 22 mai, le soulèvement prend fin. Officiellement. Le général français Tubert rédigera un rapport après les massacres, il parlera de 15 000 tués dans les populations musulmanes.
Mais la mémoire algérienne, elle, retiendra le chiffre de 45.000 morts. Le soir du 22 mai 1945, les milliers de personnes, meurtries dans leur chair ont pu regagner leurs chaumières, physiquement atteints et moralement brisés. Pire, ils n'ont pas eu droit à «la paix des braves». Ils ont continué à subir des affronts et autres humiliations des plus éhontées des mois durant, voire des années, jusqu'au déclenchement de la guerre de Libération nationale où, par milliers, ils ont rejoint le front des combats.


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