La grande Histoire de l'Algérie est celles des hommes et des femmes mais elle est également celles des dates qui marqueront à jamais un grand tournant dans notre pays. La grande Histoire de l'Algérie est celles des hommes et des femmes mais elle est également celles des dates qui marqueront à jamais un grand tournant dans notre pays. « Le peuple était partout, à tel point qu'il devenait invisible, mêlé aux arbres, à la poussière, et son seul mugissement flottait jusqu'à moi ; pour la première fois, je me rendais compte que le peuple peut faire peur », a écrit Kateb Yacine dans son premier roman Nedjma. Un roman d'une grande fébrilité et d'un immense apport historique qu'il avait écrit dans les locaux du célèbre journal Alger Républicain. Le grand poète dramaturge a été de ces grands témoins qui ont su laisser une image indélébile de l'atrocité du colonialisme. Soixante-neuf ans après les évènements de 8 Mai 1945, le peuple algérien, malgré les générations passées, se souvient encore de cette date. Comme si cela s'était produit hier, le 8 mai 1945 est sans aucun doute l'une des révoltes populaires qui marqueront les esprits. Avec ces évènements, le peuple algérien a découvert qu'il avait en lui une force incommensurable mais il a pris conscience que la solidarité populaire pouvait faire face à n'importe quel joug colonial et à n'importe quelle dictature. Pour preuve, dans la même oeuvre de Kateb, l'auteur écrivit : « Et la foule se mit à mugir : attendre quoi ! Le village est à nous, vous les riches, vous couchez dans les lits des Français. Et vous vous servez dans leurs docks. Nous on a un boisseau d'orge et nos bêtes mangent tout. Nos frères de Sétif se sont levés. » En ce jour commémoratif, les souvenirs remontent à la surface. De douloureux souvenirs qui reviennent en mémoire. Tandis que le monde entier fêtait dans l'allégresse la défaite de l'Allemagne, les populations algériennes vivait une répression féroce et sanguinaire de la soldatesque coloniale, appuyée dans sa triste besogne par les colons qui n'ont pas fait dans le détail dans l'horreur. En ce jour du 8 mai 1945, c'est jour de marché à Sétif. Un marché bariolé comme tout marché "indigène" où se pressaient des centaines de personnes des bourgades et hameaux environnants. Une journée ensoleillée et particulière. Un évènement bien particulier devait se dérouler ce jour là. Quelques jours auparavant, le Parti du peuple algérien (PPA) et les Amis du manifeste et de la liberté (AML), créé par Ferhat Abbas en mars 1944, avaient lancé un appel à une manifestation pacifique qui devait coïncider avec la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie. Il s'agissait d'organiser une marche entre la mosquée de la gare et le monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des Algériens conscrits de force et qui moururent durant la Seconde Guerre mondiale sous l'uniforme de l'armée française. Mais pour la population sétifienne, la procession devait être mise à profit pour lancer un cri de liberté, pour demander à la France de tenir sa promesse, consignée dans l'additif au Manifeste du peuple algérien approuvé par le gouverneur général, Marcel Peyrouton, prévoyant la création d'un Etat algérien à la fin de la guerre et la participation immédiate des représentants musulmans au gouvernement de l'Algérie. Il est tôt, en ce 8 mai 1945. À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures. Plus de 10 000 personnes, chantant l'hymne nationaliste Min Djibalina défilent avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes «Libérez Messali», « Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Ce fut comme un appel à l'insurrection puisque des dizaines, bientôt des centaines "d'indigènes" qui n'étaient là que parce que c'était jour de marché rejoignent la foule, faisant grossir le cortège qui comprendra, à l'amorce du boulevard Georges- Clémenceau, entre 20.000 et 25.000 personnes, raconte M. Cherif. Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le «drapeau algérien». Tout dérape alors : devant le Café de France, le commissaire Olivieri tente de s'emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule. Un jeune homme, Bouzid Saâl, s'empare du « drapeau algérien » mais est abattu par un policier. Un tir de révolver qui allait donner le signal à une répression aussi sauvage qu'aveugle qui fera, durant plusieurs jours, des dizaines de milliers de morts, à Sétif, mais également dans les localités et les dechras voisines, à El Eulma, à Aïn El-Kebira, à El Ouricia, puis à Kherrata et jusqu'à Guelma. Ce coup de révolver était l'oeuvre du commissaire Lucien Olivieri. La balle atteindra mortellement au ventre Bouzid Saâl, alors âgé de 22 ans, qui refusa obstinément de plier son étendard. Un coup de feu aux grandes conséquences car il signa le début de la répression, donnant libre cours aux enfumages, aux tueries aveugles et au basculement d'Algériens vivants dans le vide, du haut de la route longeant les gorges de Kherrata. Même scénario à Guelma. Selon des témoignages, la répression, menée par l'armée et la milice de Guelma, est d'une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, Le Triomphant et Le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les auto-mitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Mais la mémoire algérienne, elle, retiendra le chiffre de 45.000 morts. Le soir du 22 Mai 1945, des milliers de personnes, meurtries dans leur chair ont pu regagner leurs chaumières, physiquement atteints et moralement brisés. Pire, ils n'ont pas eu droit à « la paix des braves ». Ils ont continué à subir des affronts et autres humiliations des plus éhontées des mois durant, voire des années, jusqu'au déclenchement de la guerre de Libération nationale où, par milliers, ils ont rejoint le front des combats qui les a menés jusqu'à l'indépendance. « Le peuple était partout, à tel point qu'il devenait invisible, mêlé aux arbres, à la poussière, et son seul mugissement flottait jusqu'à moi ; pour la première fois, je me rendais compte que le peuple peut faire peur », a écrit Kateb Yacine dans son premier roman Nedjma. Un roman d'une grande fébrilité et d'un immense apport historique qu'il avait écrit dans les locaux du célèbre journal Alger Républicain. Le grand poète dramaturge a été de ces grands témoins qui ont su laisser une image indélébile de l'atrocité du colonialisme. Soixante-neuf ans après les évènements de 8 Mai 1945, le peuple algérien, malgré les générations passées, se souvient encore de cette date. Comme si cela s'était produit hier, le 8 mai 1945 est sans aucun doute l'une des révoltes populaires qui marqueront les esprits. Avec ces évènements, le peuple algérien a découvert qu'il avait en lui une force incommensurable mais il a pris conscience que la solidarité populaire pouvait faire face à n'importe quel joug colonial et à n'importe quelle dictature. Pour preuve, dans la même oeuvre de Kateb, l'auteur écrivit : « Et la foule se mit à mugir : attendre quoi ! Le village est à nous, vous les riches, vous couchez dans les lits des Français. Et vous vous servez dans leurs docks. Nous on a un boisseau d'orge et nos bêtes mangent tout. Nos frères de Sétif se sont levés. » En ce jour commémoratif, les souvenirs remontent à la surface. De douloureux souvenirs qui reviennent en mémoire. Tandis que le monde entier fêtait dans l'allégresse la défaite de l'Allemagne, les populations algériennes vivait une répression féroce et sanguinaire de la soldatesque coloniale, appuyée dans sa triste besogne par les colons qui n'ont pas fait dans le détail dans l'horreur. En ce jour du 8 mai 1945, c'est jour de marché à Sétif. Un marché bariolé comme tout marché "indigène" où se pressaient des centaines de personnes des bourgades et hameaux environnants. Une journée ensoleillée et particulière. Un évènement bien particulier devait se dérouler ce jour là. Quelques jours auparavant, le Parti du peuple algérien (PPA) et les Amis du manifeste et de la liberté (AML), créé par Ferhat Abbas en mars 1944, avaient lancé un appel à une manifestation pacifique qui devait coïncider avec la victoire des Alliés sur l'Allemagne nazie. Il s'agissait d'organiser une marche entre la mosquée de la gare et le monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des Algériens conscrits de force et qui moururent durant la Seconde Guerre mondiale sous l'uniforme de l'armée française. Mais pour la population sétifienne, la procession devait être mise à profit pour lancer un cri de liberté, pour demander à la France de tenir sa promesse, consignée dans l'additif au Manifeste du peuple algérien approuvé par le gouverneur général, Marcel Peyrouton, prévoyant la création d'un Etat algérien à la fin de la guerre et la participation immédiate des représentants musulmans au gouvernement de l'Algérie. Il est tôt, en ce 8 mai 1945. À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures. Plus de 10 000 personnes, chantant l'hymne nationaliste Min Djibalina défilent avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes «Libérez Messali», « Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Ce fut comme un appel à l'insurrection puisque des dizaines, bientôt des centaines "d'indigènes" qui n'étaient là que parce que c'était jour de marché rejoignent la foule, faisant grossir le cortège qui comprendra, à l'amorce du boulevard Georges- Clémenceau, entre 20.000 et 25.000 personnes, raconte M. Cherif. Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le «drapeau algérien». Tout dérape alors : devant le Café de France, le commissaire Olivieri tente de s'emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule. Un jeune homme, Bouzid Saâl, s'empare du « drapeau algérien » mais est abattu par un policier. Un tir de révolver qui allait donner le signal à une répression aussi sauvage qu'aveugle qui fera, durant plusieurs jours, des dizaines de milliers de morts, à Sétif, mais également dans les localités et les dechras voisines, à El Eulma, à Aïn El-Kebira, à El Ouricia, puis à Kherrata et jusqu'à Guelma. Ce coup de révolver était l'oeuvre du commissaire Lucien Olivieri. La balle atteindra mortellement au ventre Bouzid Saâl, alors âgé de 22 ans, qui refusa obstinément de plier son étendard. Un coup de feu aux grandes conséquences car il signa le début de la répression, donnant libre cours aux enfumages, aux tueries aveugles et au basculement d'Algériens vivants dans le vide, du haut de la route longeant les gorges de Kherrata. Même scénario à Guelma. Selon des témoignages, la répression, menée par l'armée et la milice de Guelma, est d'une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, Le Triomphant et Le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les auto-mitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Mais la mémoire algérienne, elle, retiendra le chiffre de 45.000 morts. Le soir du 22 Mai 1945, des milliers de personnes, meurtries dans leur chair ont pu regagner leurs chaumières, physiquement atteints et moralement brisés. Pire, ils n'ont pas eu droit à « la paix des braves ». Ils ont continué à subir des affronts et autres humiliations des plus éhontées des mois durant, voire des années, jusqu'au déclenchement de la guerre de Libération nationale où, par milliers, ils ont rejoint le front des combats qui les a menés jusqu'à l'indépendance.