Deuxième roman de Roshd Djigaoui, également cinéaste de talent, ce roman, écrit à la façon d'un thriller, décrypte, en fait, le visage de l'Algérie de l'argent facile, de la corruption et de l'indécence absolument répugnante de tous ces nouveaux riches fraîchement émergés. Deuxième roman de Roshd Djigaoui, également cinéaste de talent, ce roman, écrit à la façon d'un thriller, décrypte, en fait, le visage de l'Algérie de l'argent facile, de la corruption et de l'indécence absolument répugnante de tous ces nouveaux riches fraîchement émergés. Arrêté par les services de sécurité pour avoir dépecé sauvagement le «ripoux-hibou» Lazereg, son ex-mentor et protecteur, Aissa, modeste petit yaouled de Baraki et héros malgré lui, a-t-il, oui ou non, vécu tous les évènements qui parcourent ce livre, le deuxième de l'auteur après Il aura pitié de nous, paru en 2005, sur 189 pages menées tambour battant à la façon d'un thriller où la dimension sociale et politique affleure pourtant pratiquement à chaque chapitre. L'incroyable ascension de Aissa, après sa rencontre avec l'affairiste louche et sans scrupules, auquel l'a recommandé une petite prostituée-entraîneuse de bar de nuit des bas-fonds d'Alger, Selwa, son amie du temps où lui-même n'était qu'un misérable barman dans le même établissement, relève-t-elle du vraisemblable ou, au contraire, n'est-ce que «l'astuce» déployée par l'auteur pour nous aider à pénétrer, et, pourquoi, pas vivre les fantasmes de la vie facile et de gains rapides, qui hantent les nuits et les jours de générations de jeunes Algériens littéralement obnubilés par le luxe tapageur et ostentatoire de prédateurs et autres parasites de l'économie nationale, aisément observables dans les moindres recoins d'un pays qui a érigé la culture de la rente en norme? Toutes les hypothèses sont possibles tant les faits racontés dans ce livre collent à une réalité que nous ne connaissons que trop bien, même si rares parmi nous ceux ou celles qui peuvent l'avoir vraiment vécue directement. Mais de quoi s'agit-il ? Dès les premières pages, on apprend que le sieur Aissa se trouve entre les mains d'éléments des services de sécurité, pris en flagrant délit de meurtre à l'arme blanche, avec circonstances aggravantes, sur la personne du nommé Lazereg, un richissime homme d'affaires aux relations puissantes et un habitué de la «rechoua» qui a fait fortune dans tous les créneaux passés à portée de main. Puis, Aissa entreprend de (nous) raconter, un à un, les faits du jour où il a approché Lazereg au point de devenir rapidement l'un de ses principaux hommes de main, jusqu'à la dernière proposition tout aussi infecte que criminelle qui a réveillé en lui des restes de conscience l'ayant amené, outre à tout foutre en l'air, mais pire encore jusqu'à éliminer la crapule. Au finish, et par l'entremise d'un ripou de ses connaissances, Lazereg avait proposé, ni plus ni moins, à Aissa d'accepter d'importer du lait en poudre pour nourrissons périmé. Face à l'horreur et la répugnance que lui inspire ce qu'on lui propose, Aissa, malgré richesses et femmes désormais entre ses mains, va commettre l'irréparable. Voilà pour l'essentiel de ce roman écrit au scalpel par celui que l'ami Amari aime à décrire, sans cet humour qui lui est propre, comme «une facha de premier de la classe» : Roshd Djigaoui. D'abord et essentiellement cinéaste, il vient tout juste de présenter un film long-métrage dont le décor est presqu'entièrement planté au niveau du dépotoir-décharge de Oued Smar, Djigaoui explore dans ce roman les fantasmes et délires de millions de ses compatriotes, issus ou non, comme son héros, des environs de Baraki. Plus qu'un simple symbole ! Et c'est ainsi que tout au long des péripéties-pérégrinations racontées et vécues par Aissa, voit-on en réalité se dérouler sous nos yeux, rien moins que tout ce qui fait le visage de l'Algérie d'aujourd'hui : les puits de pétrole, les Américains, les véreux, les nouveaux riches, le trabendo, la corruption, l'import-import, la concussion, l'absence totale de culture ou encore d'éducation, l'anarchie, le vice, la luxure, la déperdition des repères et des valeurs : bref, une dénonciation en règle des principaux maux dont souffre le pays au point d'en être devenu carrément méconnaissable. Mais il ne faut surtout pas s'y tromper : sous des apparences de profond pessimisme face à tout ce qu'inspire cette Algérie là, Djigaoui, ou plutôt Aissa, nous quitte sur une note empreinte d'optimisme : ce retour inattendu de la conscience et des scrupules au devant de la scène est indéniablement la preuve que, sans doute, tout n'est pas encore perdu… Nuit Blanche de Rochd Djigaoui. Roman, éditions APIC, septembre 2007, 190 pages. Arrêté par les services de sécurité pour avoir dépecé sauvagement le «ripoux-hibou» Lazereg, son ex-mentor et protecteur, Aissa, modeste petit yaouled de Baraki et héros malgré lui, a-t-il, oui ou non, vécu tous les évènements qui parcourent ce livre, le deuxième de l'auteur après Il aura pitié de nous, paru en 2005, sur 189 pages menées tambour battant à la façon d'un thriller où la dimension sociale et politique affleure pourtant pratiquement à chaque chapitre. L'incroyable ascension de Aissa, après sa rencontre avec l'affairiste louche et sans scrupules, auquel l'a recommandé une petite prostituée-entraîneuse de bar de nuit des bas-fonds d'Alger, Selwa, son amie du temps où lui-même n'était qu'un misérable barman dans le même établissement, relève-t-elle du vraisemblable ou, au contraire, n'est-ce que «l'astuce» déployée par l'auteur pour nous aider à pénétrer, et, pourquoi, pas vivre les fantasmes de la vie facile et de gains rapides, qui hantent les nuits et les jours de générations de jeunes Algériens littéralement obnubilés par le luxe tapageur et ostentatoire de prédateurs et autres parasites de l'économie nationale, aisément observables dans les moindres recoins d'un pays qui a érigé la culture de la rente en norme? Toutes les hypothèses sont possibles tant les faits racontés dans ce livre collent à une réalité que nous ne connaissons que trop bien, même si rares parmi nous ceux ou celles qui peuvent l'avoir vraiment vécue directement. Mais de quoi s'agit-il ? Dès les premières pages, on apprend que le sieur Aissa se trouve entre les mains d'éléments des services de sécurité, pris en flagrant délit de meurtre à l'arme blanche, avec circonstances aggravantes, sur la personne du nommé Lazereg, un richissime homme d'affaires aux relations puissantes et un habitué de la «rechoua» qui a fait fortune dans tous les créneaux passés à portée de main. Puis, Aissa entreprend de (nous) raconter, un à un, les faits du jour où il a approché Lazereg au point de devenir rapidement l'un de ses principaux hommes de main, jusqu'à la dernière proposition tout aussi infecte que criminelle qui a réveillé en lui des restes de conscience l'ayant amené, outre à tout foutre en l'air, mais pire encore jusqu'à éliminer la crapule. Au finish, et par l'entremise d'un ripou de ses connaissances, Lazereg avait proposé, ni plus ni moins, à Aissa d'accepter d'importer du lait en poudre pour nourrissons périmé. Face à l'horreur et la répugnance que lui inspire ce qu'on lui propose, Aissa, malgré richesses et femmes désormais entre ses mains, va commettre l'irréparable. Voilà pour l'essentiel de ce roman écrit au scalpel par celui que l'ami Amari aime à décrire, sans cet humour qui lui est propre, comme «une facha de premier de la classe» : Roshd Djigaoui. D'abord et essentiellement cinéaste, il vient tout juste de présenter un film long-métrage dont le décor est presqu'entièrement planté au niveau du dépotoir-décharge de Oued Smar, Djigaoui explore dans ce roman les fantasmes et délires de millions de ses compatriotes, issus ou non, comme son héros, des environs de Baraki. Plus qu'un simple symbole ! Et c'est ainsi que tout au long des péripéties-pérégrinations racontées et vécues par Aissa, voit-on en réalité se dérouler sous nos yeux, rien moins que tout ce qui fait le visage de l'Algérie d'aujourd'hui : les puits de pétrole, les Américains, les véreux, les nouveaux riches, le trabendo, la corruption, l'import-import, la concussion, l'absence totale de culture ou encore d'éducation, l'anarchie, le vice, la luxure, la déperdition des repères et des valeurs : bref, une dénonciation en règle des principaux maux dont souffre le pays au point d'en être devenu carrément méconnaissable. Mais il ne faut surtout pas s'y tromper : sous des apparences de profond pessimisme face à tout ce qu'inspire cette Algérie là, Djigaoui, ou plutôt Aissa, nous quitte sur une note empreinte d'optimisme : ce retour inattendu de la conscience et des scrupules au devant de la scène est indéniablement la preuve que, sans doute, tout n'est pas encore perdu… Nuit Blanche de Rochd Djigaoui. Roman, éditions APIC, septembre 2007, 190 pages.