Comme dans toutes les régions d'Algérie, à T'Kout, ce week-end a été marqué par les barouds, les chants et les rires d'épousailles nombreuses à cette époque de l'année. Petite balade nuptiale aux pays de la chèvre, de l'abricot et du palmier… Comme dans toutes les régions d'Algérie, à T'Kout, ce week-end a été marqué par les barouds, les chants et les rires d'épousailles nombreuses à cette époque de l'année. Petite balade nuptiale aux pays de la chèvre, de l'abricot et du palmier… Dès que le cortège s'ébranle après les petites chamailleries d'usage, les youyous, la musique et les claquements de main explosent. Avec deux voitures fleuries en tête, le clan du marié est paré pour aller chercher la reine du jour. Arrivées devant une grande bâtisse peinte en vert et blanc, les femmes gravissent les escaliers en entonnant des chants traditionnels de style Sraoui. Ces longues mélopées lancées d'une voix aigue soulignent le déchirant moment où une jeune fille quitte le domicile de ses parents pour affronter la vie. Au dernier étage, Zerfa, la jeune épousée, médecin de profession, est stoïque sous ses amoncellements de dentelle immaculée. Les yeux noirs et vifs sous un chignon à boucles, elle attend calmement qu'on l'emmène. Pour lui faire honneur, les femmes de tous âges, dans leurs plus belles toilettes, dansent en se faisant face sur deux lignes. Les refrains ancestraux se succèdent pendant que dehors, les hommes font, haut et fort parler la poudre. « Gaâda feddar arouah ettidini : Je suis à la maison, viens m'emporter », le refrain que chantent les femmes illustre la situation à merveille. Moment rituel : avant de quitter le seuil de la maison paternelle, la mariée jette derrière elle des poignées de friandises, à la grande joie des enfants. Selon l'explication recueillie auprès des anciens, aujourd'hui, le rite ancestral est amputé. Autrefois, la jeune fille quittait la maison de son père en marchant sur son burnous étendu par terre. Elle se devait donc de fouler l'autorité paternelle. En jetant cacahuètes et bonbons derrière elle, elle montrait ainsi qu'elle renonçait à la prise en charge familiale. A moins que cela ne soit pour dire adieu aux douceurs de la vie… Embarquée dans une voiture fleurie, les larmes aux yeux sous le baroud et les confettis, la mariée est à la tête du cortège. Sa voiture suit celle de son futur époux. Les autres véhicules avancent dans un redoublement de clameurs. Le balcon de Rhouffi, une halte incontournable Aucune noce ne saurait avoir lieu dans cette région montagneuse sans une halte sur le prestigieux promontoire rocheux. De nombreux autres cortèges sont déjà là, occupés à immortaliser l'instant dans un décor d'une somptuosité inimaginable. Un vent frais balaie des visages radieux qui semblent ruisseler de lumière. L'éden émeraude d'une immense palmeraie se détache sur la roche à des centaines de mètres sous nos pieds. Plus haut, la montagne âpre étale ses stries d'ocre et d'acier. Des villages désertés égrènent leurs maisons traditionnelles en ruine, se confondant de plus en plus avec la pierre dont ils sont issus. Les appareils photo et les caméras ont fort à faire. C'est ici que les tourtereaux de toute la région se fabriquent des souvenirs. Les jeunes parents photographient leurs bébés, les jeunes filment leurs vieux parents… Le tout sous un déchaînement de baroud qui, on l'a compris, est la ponctuation obligatoire et nécessaire des fêtes chaouies. Après cette pause dédiée aux magnificences naturelles, les cortèges reprennent leur route et leurs chants. Arrivée au domicile de sa nouvelle famille, la mariée de T'Kout doit en faire 7 fois le tour. Ensuite, en rentrant, accueillie par un délire de chants de bienvenue et de coups de semonce, elle tourne 7 fois autour de sa belle-mère, dans le sens inverse au premier. Est-ce que le docteur Zerfa a respecté le rituel ? Nous n'avons pu le savoir dans la très joyeuse bousculade qui nous entourait. Les délices du Ziraoui Ici, point de défilé de mode pour la mariée. A T'kout, la jeune épousée n'expose ses belles toilettes que peu à peu, au cours des jours qui suivent son arrivée. Partout, dans la maison, des tapis ont été étendus et les tables basses attendent les invitées. Les trois étages de la maison des beaux-parents sont transformés en autant de salles de danse et de festin pour les femmes venues de toutes les régions de l'Aurès. La suave odeur du Ziraoui qui se mêle aux parfums du couscous et de la chorba au blé vert imprègne les lieux augmentant à la magie de cet instant de bienvenue. L'entremets fait de galette concassée et passée à la vapeur, arrosé de beurre chaud, de miel et de ghars et décoré de noix et de dragées est une vraie carte de visite gourmande du pays aurésien. Tout comme l'est cette épaisse confiture d'abricots, que tous les foyers préparent et qui n'a vraiment rien à voir avec les conserves commerciales… Après le long repas et contrairement aux usages locaux, les hommes et les femmes dansent et chantent séparément. Sur une grande esplanade à l'extérieur de la maison, les Rahabas lancent leurs refrains avec de plus en plus de chaleur alors que les femmes, de leur côté, font de même à tous les étages. Que s'est-il donc passé sur cette terre de puissance féminine avérée, où il y a à peine 15 ans, les invités des deux sexes ne craignaient pas de partager la même piste de danse, à tour de rôle et le visage couvert s'il le fallait ? Explication recueillie : la décennie horrible a imposé de nouvelles habitudes policées et étouffantes. Jusque dans le pays de la grande Dihya ! Vers minuit, la mère du marié, toute jeune et toute émue, se penche vers l'aîné de ses fils pour lui enduire les mains du précieux henné. Autre entorse aux usages. Dans la tradition du coin, ce sont les jeunes soeurs célibataires du marié qui prennent en charge son henné. Ensuite, jeunes garçons et filles faisaient deux chaînes différentes pour avoir leur part de la pâte porte-bonheur. Peu après, distribution de gâteaux et de fruits secs, alors que la fête s'emballe jusqu'à 4 heures du matin, les deux nouveaux conjoints rejoignent une destination qui ne regarde qu'eux. N'en déplaise à la décennie… De l'eau fraîche pour briser la glace En ce deuxième jour de la noce, un grand repas est servi à la famille de la mariée qui, elle, offre des gâteaux et une petite colline de Ziraoui bien décorée. Point de baklawa à l'horizon, mais détail d'un raffinement exquis, un énigmatique petit cornet de papier noué d'un fil d'or attire l'attention. Ouvert, le petit paquet livre des grains de luban, cette résine de pin que l'on mâche pour se purifier l'haleine. Des clous de girofle et des brins de souak complète ce kit ancestral d'hygiène dentaire. Selon les anciens, du khol ( tazoult) était également offert aux femmes pour qu'elles puissent se refaire une beauté. Ensuite, a lieu un cérémonial, c'est le cas de le dire, d'une grande fraîcheur. L'on accompagne la mariée vers la salle d'eau. Elle y puise sept pots d'eau dont elle asperge sa nouvelle famille et les invités qui l'aspergent et s'aspergent à qui mieux mieux au milieu des rires. Les anciens expliquent que ce rituel avait traditionnellement lieu au jardin, la mariée devant arroser et même planter un arbre. Nous sommes au pays des arbres fruitiers, il ne faut pas l'oublier. Quoi qu'il en soit, c'est bien rafraîchies que les invitées reprennent leurs places. La dégustation des gâteaux du clan de la mariée peut alors commencer. Dans cette débauche des pâtisseries nouvellement créées, un seul authentique survivant berbère : le makroud aux dattes et au miel, surnommé dans l'Est algérien Soltane essiniya : le roi du plateau. Un autre rituel suit la collation gourmande : celui de la ceinture. Le plus jeune de ses beaux-frères s'avance et, aidé de sa mère, ferme la boucle de la ceinture de louis d'or sur fond de velours noir de la jeune épousée. Il lui tend ensuite son fusil et c'est en tremblant un peu que Zerfa prend sa part du grand baroud familial. Dûment ceinturée et «armée», la mariée fait alors quelques pas de danse traditionnelle avec sa belle-mère qui la tient affectueusement par la taille. Ce moment d'émotion palpable fait espérer la meilleure entente future entre les deux femmes. La fête reprend alors de plus belle pour atteindre des crescendos annonçant d'autres étapes festives qui, en pays chaoui, semblent ne jamais devoir finir. Vive la mariée ! Dès que le cortège s'ébranle après les petites chamailleries d'usage, les youyous, la musique et les claquements de main explosent. Avec deux voitures fleuries en tête, le clan du marié est paré pour aller chercher la reine du jour. Arrivées devant une grande bâtisse peinte en vert et blanc, les femmes gravissent les escaliers en entonnant des chants traditionnels de style Sraoui. Ces longues mélopées lancées d'une voix aigue soulignent le déchirant moment où une jeune fille quitte le domicile de ses parents pour affronter la vie. Au dernier étage, Zerfa, la jeune épousée, médecin de profession, est stoïque sous ses amoncellements de dentelle immaculée. Les yeux noirs et vifs sous un chignon à boucles, elle attend calmement qu'on l'emmène. Pour lui faire honneur, les femmes de tous âges, dans leurs plus belles toilettes, dansent en se faisant face sur deux lignes. Les refrains ancestraux se succèdent pendant que dehors, les hommes font, haut et fort parler la poudre. « Gaâda feddar arouah ettidini : Je suis à la maison, viens m'emporter », le refrain que chantent les femmes illustre la situation à merveille. Moment rituel : avant de quitter le seuil de la maison paternelle, la mariée jette derrière elle des poignées de friandises, à la grande joie des enfants. Selon l'explication recueillie auprès des anciens, aujourd'hui, le rite ancestral est amputé. Autrefois, la jeune fille quittait la maison de son père en marchant sur son burnous étendu par terre. Elle se devait donc de fouler l'autorité paternelle. En jetant cacahuètes et bonbons derrière elle, elle montrait ainsi qu'elle renonçait à la prise en charge familiale. A moins que cela ne soit pour dire adieu aux douceurs de la vie… Embarquée dans une voiture fleurie, les larmes aux yeux sous le baroud et les confettis, la mariée est à la tête du cortège. Sa voiture suit celle de son futur époux. Les autres véhicules avancent dans un redoublement de clameurs. Le balcon de Rhouffi, une halte incontournable Aucune noce ne saurait avoir lieu dans cette région montagneuse sans une halte sur le prestigieux promontoire rocheux. De nombreux autres cortèges sont déjà là, occupés à immortaliser l'instant dans un décor d'une somptuosité inimaginable. Un vent frais balaie des visages radieux qui semblent ruisseler de lumière. L'éden émeraude d'une immense palmeraie se détache sur la roche à des centaines de mètres sous nos pieds. Plus haut, la montagne âpre étale ses stries d'ocre et d'acier. Des villages désertés égrènent leurs maisons traditionnelles en ruine, se confondant de plus en plus avec la pierre dont ils sont issus. Les appareils photo et les caméras ont fort à faire. C'est ici que les tourtereaux de toute la région se fabriquent des souvenirs. Les jeunes parents photographient leurs bébés, les jeunes filment leurs vieux parents… Le tout sous un déchaînement de baroud qui, on l'a compris, est la ponctuation obligatoire et nécessaire des fêtes chaouies. Après cette pause dédiée aux magnificences naturelles, les cortèges reprennent leur route et leurs chants. Arrivée au domicile de sa nouvelle famille, la mariée de T'Kout doit en faire 7 fois le tour. Ensuite, en rentrant, accueillie par un délire de chants de bienvenue et de coups de semonce, elle tourne 7 fois autour de sa belle-mère, dans le sens inverse au premier. Est-ce que le docteur Zerfa a respecté le rituel ? Nous n'avons pu le savoir dans la très joyeuse bousculade qui nous entourait. Les délices du Ziraoui Ici, point de défilé de mode pour la mariée. A T'kout, la jeune épousée n'expose ses belles toilettes que peu à peu, au cours des jours qui suivent son arrivée. Partout, dans la maison, des tapis ont été étendus et les tables basses attendent les invitées. Les trois étages de la maison des beaux-parents sont transformés en autant de salles de danse et de festin pour les femmes venues de toutes les régions de l'Aurès. La suave odeur du Ziraoui qui se mêle aux parfums du couscous et de la chorba au blé vert imprègne les lieux augmentant à la magie de cet instant de bienvenue. L'entremets fait de galette concassée et passée à la vapeur, arrosé de beurre chaud, de miel et de ghars et décoré de noix et de dragées est une vraie carte de visite gourmande du pays aurésien. Tout comme l'est cette épaisse confiture d'abricots, que tous les foyers préparent et qui n'a vraiment rien à voir avec les conserves commerciales… Après le long repas et contrairement aux usages locaux, les hommes et les femmes dansent et chantent séparément. Sur une grande esplanade à l'extérieur de la maison, les Rahabas lancent leurs refrains avec de plus en plus de chaleur alors que les femmes, de leur côté, font de même à tous les étages. Que s'est-il donc passé sur cette terre de puissance féminine avérée, où il y a à peine 15 ans, les invités des deux sexes ne craignaient pas de partager la même piste de danse, à tour de rôle et le visage couvert s'il le fallait ? Explication recueillie : la décennie horrible a imposé de nouvelles habitudes policées et étouffantes. Jusque dans le pays de la grande Dihya ! Vers minuit, la mère du marié, toute jeune et toute émue, se penche vers l'aîné de ses fils pour lui enduire les mains du précieux henné. Autre entorse aux usages. Dans la tradition du coin, ce sont les jeunes soeurs célibataires du marié qui prennent en charge son henné. Ensuite, jeunes garçons et filles faisaient deux chaînes différentes pour avoir leur part de la pâte porte-bonheur. Peu après, distribution de gâteaux et de fruits secs, alors que la fête s'emballe jusqu'à 4 heures du matin, les deux nouveaux conjoints rejoignent une destination qui ne regarde qu'eux. N'en déplaise à la décennie… De l'eau fraîche pour briser la glace En ce deuxième jour de la noce, un grand repas est servi à la famille de la mariée qui, elle, offre des gâteaux et une petite colline de Ziraoui bien décorée. Point de baklawa à l'horizon, mais détail d'un raffinement exquis, un énigmatique petit cornet de papier noué d'un fil d'or attire l'attention. Ouvert, le petit paquet livre des grains de luban, cette résine de pin que l'on mâche pour se purifier l'haleine. Des clous de girofle et des brins de souak complète ce kit ancestral d'hygiène dentaire. Selon les anciens, du khol ( tazoult) était également offert aux femmes pour qu'elles puissent se refaire une beauté. Ensuite, a lieu un cérémonial, c'est le cas de le dire, d'une grande fraîcheur. L'on accompagne la mariée vers la salle d'eau. Elle y puise sept pots d'eau dont elle asperge sa nouvelle famille et les invités qui l'aspergent et s'aspergent à qui mieux mieux au milieu des rires. Les anciens expliquent que ce rituel avait traditionnellement lieu au jardin, la mariée devant arroser et même planter un arbre. Nous sommes au pays des arbres fruitiers, il ne faut pas l'oublier. Quoi qu'il en soit, c'est bien rafraîchies que les invitées reprennent leurs places. La dégustation des gâteaux du clan de la mariée peut alors commencer. Dans cette débauche des pâtisseries nouvellement créées, un seul authentique survivant berbère : le makroud aux dattes et au miel, surnommé dans l'Est algérien Soltane essiniya : le roi du plateau. Un autre rituel suit la collation gourmande : celui de la ceinture. Le plus jeune de ses beaux-frères s'avance et, aidé de sa mère, ferme la boucle de la ceinture de louis d'or sur fond de velours noir de la jeune épousée. Il lui tend ensuite son fusil et c'est en tremblant un peu que Zerfa prend sa part du grand baroud familial. Dûment ceinturée et «armée», la mariée fait alors quelques pas de danse traditionnelle avec sa belle-mère qui la tient affectueusement par la taille. Ce moment d'émotion palpable fait espérer la meilleure entente future entre les deux femmes. La fête reprend alors de plus belle pour atteindre des crescendos annonçant d'autres étapes festives qui, en pays chaoui, semblent ne jamais devoir finir. Vive la mariée !