Le suicide gagne du terrain dans la société algérienne. De plus en plus d'âmes sont emportées chaque année des suites de ce fléau. Des âmes tourmentées qui traînent avec elles une pénible souffrance insurmontable à laquelle le suicide est l'unique réponse. C'est comme si ces suicidés recouraient à la mort pour crier leur ras-le-bol contre une injustice sociale péniblement vécue. En ce sens, la mort serait-elle devenue, de nos jours, une forme de protestation contre la misère ? Le suicide gagne du terrain dans la société algérienne. De plus en plus d'âmes sont emportées chaque année des suites de ce fléau. Des âmes tourmentées qui traînent avec elles une pénible souffrance insurmontable à laquelle le suicide est l'unique réponse. C'est comme si ces suicidés recouraient à la mort pour crier leur ras-le-bol contre une injustice sociale péniblement vécue. En ce sens, la mort serait-elle devenue, de nos jours, une forme de protestation contre la misère ? Des anecdotes racontant le suicide d'une personne au chômage, d'un père de famille incapable de subvenir aux besoins de sa famille ou d'un jeune vivant dans des conditions misérables, sont légion. Tous reflètent le paroxysme du désespoir provenant de la misère. Cependant, fait constatable dans plusieurs cas, quelques suicidés ne nous quittent pas sans laisser une trace de leur détresse. Cela peut être un petit mot tracé noir sur blanc pour exprimer toute leur rage contre la misère sociale, ou un message implicitement transmis à un ami, un proche ou un collègue. Tel fut le cas du jeune Hamouda, âgé de 27 ans, originaire de Annaba, qui, au comble du désespoir, se donna la mort en se jetant dans un bassin d'eau dans la ville de Annaba. Le garçon, originaire de la région de Zrizer, située à 50 kilomètres de la wilaya de Taref, vivant sous le poids de conditions de vie difficiles. Etudiant en troisième année économie à l'Université de Annaba, Hamouda a décidé de mettre fin à son existence non sans laisser à sa mère, anéantie par le choc de sa mort, la preuve tangible de sa détresse. Une lettre dans laquelle il se disait victime d'injustice et requérait de sa mère de ne pas pleurer. Un autre récit concerne Wahab, un jeune chômeur diplômé, résidant au quartier de Bachdjerah, qui s'est suicidé en se jetant devant un train. Le jeune en question avait parlé trois jours auparavant de son désespoir et de son envie d'en finir avec son mal-être. Chose que son compagnon n'a pas pris au sérieux. Quelque mois avant, à Bab Ezzouar, un acte similaire, mais cette fois, le jeune homme de 27 ans, s'était donné la mort en absorbant une bouteille d'esprit de sel. Devant le corps sans vie, une petite feuille pliée en quatre contenait cette phrase : «Pourquoi vivre lorsqu'on est malheureux?». Un troisième infortuné est découvert pendu à un arbre à l'intérieur d'un cimetière à Chlef. La victime, D.B., âgé de 40 ans, était au chômage. La raison : chômage et difficultés financières. Un cas identique a été signalé dans la commune de Zeboudja où un trentenaire mis fin à ses jours, au mois de septembre. Retrouvée pendue à l'aide d'une corde la victime gagnait très mal sa vie et cherchait vainement à trouver un boulot. Un homme âgé de 53 ans, père de quatre enfants, a mis fin à ses jours par pendaison, dans la nuit de mardi à mercredi derniers, à Tébessa. L'homme, mis au chômage après la fermeture de l'entreprise dans laquelle il occupait le poste de gardien de nuit, ne trouva que la protestation par la mort pour mettre fin à l'injustice sociale. Si les procédés du suicide diffèrent d'un cas à un autre, un trait commun subsiste. Il s'agit du poids de la misère sociale dans laquelle se morfond une partie des suicidés. Des chiffres et des drames Les chiffres sont là pour nous rappeler l'inquiétante ascension de ce fléau social ravageur. En effet, rien qu'en 2007, 177 âmes algériennes ont été recensées par les services de police, à l'heure où de son côté la Gendarmerie nationale a enregistré le triste record de 128 cas. La courbe est ascendante et le nombre des suicidés enregistre une hausse. Les statistiques des services de la Gendarmerie nationale font état, pour leur part, de la prévalence du suicide chez la tranche d'âge comprise entre 18 et 30 ans avec 50 cas sur 128, suivie des personnes dont l'âge varie entre 30 et 45 ans avec 39 cas, et 20 autres cas ont été enregistrés pour les personnes de plus de 45 ans et 16 cas pour les mineurs. Les chômeurs arrivent en tête du classement du nombre de suicidés avec 75 cas et 102 tentatives. Parmi les suicidés, nombreux n'ont pas supporté de vivre dans le dénuement total, d'autres n'ont pas admis leur situation de chômeurs alors qu'ils sont diplômés tandis que d'autres souffrent de sentiments de frustration ou ont de problèmes familiaux. S'exprimant sur l'augmentation inquiétante du nombre des suicides, les experts et les sociologues s'accordent à dire que le nombre est bien plus important et tirent, de ce fait, la sonnette d'alarme sur cette réalité. « Il est impossible d'évaluer exactement le taux, car beaucoup de familles évitent d'avertir la police quand il s'agit d'un suicide qui les déshonore ou tout simplement parce que le suicide est très mal considéré par la religion et la société », explique R. Saïfi, sociologue. Une façon d'attirer l'attention Toutefois, elle affirme : « Les cas de suicide sont en recrudescence. C'est l'indice d'un grand malaise social. La malvie dans laquelle subsiste la population, le chômage, les problèmes socioéconomiques poussent les personnes fragiles à adopter des solutions extrêmes. La protestation par la mort contre leurs conditions reste le seul recours». Elle ajoute également que ce qui est surprenant aujourd'hui c'est la manière avec laquelle le suicide est commis. «L'acte ne se fait plus dans la discrétion. Les messages laissés sont une manière d'attirer l'attention des autorités sur une réalité amère que l'Etat s'abstient de regarder », poursuit-elle. Le suicide est plutôt un cri de détresse et de protestation de gens longtemps ignorés et qui ont beaucoup souffert. Pour attirer l'attention, ils commettent cet acte épouvantable. C'est une forme de vengeance contre l'injustice sociale. «Un suicidé cherche souvent, par son suicide, à transmettre un message à l'Etat, considéré comme unique responsable, selon lui, de sa souffrance», explique le Dr Latoui, psychologue clinicienne. Le cri des marginalisés Selon la spécialiste, les chances d'emploi sont largement insuffisantes et les jeunes se retrouvent livré à eux-mêmes en l'absence de solutions concrètes à leur vécu. En effet, aujourd'hui, le nombre des chômeurs est important. Sur ces chômeurs, nombreux sont les jeunes diplômés qui frappent vainement à toutes les portes. L'oisiveté engendre chez cette catégorie sociétale un sentiment de frustration et de ras-le-bol immense. «Voir que l'on n'a pas de place dans son pays, alors qu'on est qualifié, savoir que l'on a aucune chance si on n'est pas pistonné, créent chez le jeune un sentiment d'hostilité et alimente son désespoir», soutient-elle. Pour conclure, la spécialiste affirme que l'ampleur que prend le suicide dans le monde et particulièrement en Algérie mérite de susciter l'attention de tous les acteurs sociaux sur le poids de ce phénomène. Adopter une politique de lutte et de prévention efficace contre le suicide passe d'abord par améliorer les conditions économiques et sociales dans lesquelles évoluent la population algérienne. D. S. Des anecdotes racontant le suicide d'une personne au chômage, d'un père de famille incapable de subvenir aux besoins de sa famille ou d'un jeune vivant dans des conditions misérables, sont légion. Tous reflètent le paroxysme du désespoir provenant de la misère. Cependant, fait constatable dans plusieurs cas, quelques suicidés ne nous quittent pas sans laisser une trace de leur détresse. Cela peut être un petit mot tracé noir sur blanc pour exprimer toute leur rage contre la misère sociale, ou un message implicitement transmis à un ami, un proche ou un collègue. Tel fut le cas du jeune Hamouda, âgé de 27 ans, originaire de Annaba, qui, au comble du désespoir, se donna la mort en se jetant dans un bassin d'eau dans la ville de Annaba. Le garçon, originaire de la région de Zrizer, située à 50 kilomètres de la wilaya de Taref, vivant sous le poids de conditions de vie difficiles. Etudiant en troisième année économie à l'Université de Annaba, Hamouda a décidé de mettre fin à son existence non sans laisser à sa mère, anéantie par le choc de sa mort, la preuve tangible de sa détresse. Une lettre dans laquelle il se disait victime d'injustice et requérait de sa mère de ne pas pleurer. Un autre récit concerne Wahab, un jeune chômeur diplômé, résidant au quartier de Bachdjerah, qui s'est suicidé en se jetant devant un train. Le jeune en question avait parlé trois jours auparavant de son désespoir et de son envie d'en finir avec son mal-être. Chose que son compagnon n'a pas pris au sérieux. Quelque mois avant, à Bab Ezzouar, un acte similaire, mais cette fois, le jeune homme de 27 ans, s'était donné la mort en absorbant une bouteille d'esprit de sel. Devant le corps sans vie, une petite feuille pliée en quatre contenait cette phrase : «Pourquoi vivre lorsqu'on est malheureux?». Un troisième infortuné est découvert pendu à un arbre à l'intérieur d'un cimetière à Chlef. La victime, D.B., âgé de 40 ans, était au chômage. La raison : chômage et difficultés financières. Un cas identique a été signalé dans la commune de Zeboudja où un trentenaire mis fin à ses jours, au mois de septembre. Retrouvée pendue à l'aide d'une corde la victime gagnait très mal sa vie et cherchait vainement à trouver un boulot. Un homme âgé de 53 ans, père de quatre enfants, a mis fin à ses jours par pendaison, dans la nuit de mardi à mercredi derniers, à Tébessa. L'homme, mis au chômage après la fermeture de l'entreprise dans laquelle il occupait le poste de gardien de nuit, ne trouva que la protestation par la mort pour mettre fin à l'injustice sociale. Si les procédés du suicide diffèrent d'un cas à un autre, un trait commun subsiste. Il s'agit du poids de la misère sociale dans laquelle se morfond une partie des suicidés. Des chiffres et des drames Les chiffres sont là pour nous rappeler l'inquiétante ascension de ce fléau social ravageur. En effet, rien qu'en 2007, 177 âmes algériennes ont été recensées par les services de police, à l'heure où de son côté la Gendarmerie nationale a enregistré le triste record de 128 cas. La courbe est ascendante et le nombre des suicidés enregistre une hausse. Les statistiques des services de la Gendarmerie nationale font état, pour leur part, de la prévalence du suicide chez la tranche d'âge comprise entre 18 et 30 ans avec 50 cas sur 128, suivie des personnes dont l'âge varie entre 30 et 45 ans avec 39 cas, et 20 autres cas ont été enregistrés pour les personnes de plus de 45 ans et 16 cas pour les mineurs. Les chômeurs arrivent en tête du classement du nombre de suicidés avec 75 cas et 102 tentatives. Parmi les suicidés, nombreux n'ont pas supporté de vivre dans le dénuement total, d'autres n'ont pas admis leur situation de chômeurs alors qu'ils sont diplômés tandis que d'autres souffrent de sentiments de frustration ou ont de problèmes familiaux. S'exprimant sur l'augmentation inquiétante du nombre des suicides, les experts et les sociologues s'accordent à dire que le nombre est bien plus important et tirent, de ce fait, la sonnette d'alarme sur cette réalité. « Il est impossible d'évaluer exactement le taux, car beaucoup de familles évitent d'avertir la police quand il s'agit d'un suicide qui les déshonore ou tout simplement parce que le suicide est très mal considéré par la religion et la société », explique R. Saïfi, sociologue. Une façon d'attirer l'attention Toutefois, elle affirme : « Les cas de suicide sont en recrudescence. C'est l'indice d'un grand malaise social. La malvie dans laquelle subsiste la population, le chômage, les problèmes socioéconomiques poussent les personnes fragiles à adopter des solutions extrêmes. La protestation par la mort contre leurs conditions reste le seul recours». Elle ajoute également que ce qui est surprenant aujourd'hui c'est la manière avec laquelle le suicide est commis. «L'acte ne se fait plus dans la discrétion. Les messages laissés sont une manière d'attirer l'attention des autorités sur une réalité amère que l'Etat s'abstient de regarder », poursuit-elle. Le suicide est plutôt un cri de détresse et de protestation de gens longtemps ignorés et qui ont beaucoup souffert. Pour attirer l'attention, ils commettent cet acte épouvantable. C'est une forme de vengeance contre l'injustice sociale. «Un suicidé cherche souvent, par son suicide, à transmettre un message à l'Etat, considéré comme unique responsable, selon lui, de sa souffrance», explique le Dr Latoui, psychologue clinicienne. Le cri des marginalisés Selon la spécialiste, les chances d'emploi sont largement insuffisantes et les jeunes se retrouvent livré à eux-mêmes en l'absence de solutions concrètes à leur vécu. En effet, aujourd'hui, le nombre des chômeurs est important. Sur ces chômeurs, nombreux sont les jeunes diplômés qui frappent vainement à toutes les portes. L'oisiveté engendre chez cette catégorie sociétale un sentiment de frustration et de ras-le-bol immense. «Voir que l'on n'a pas de place dans son pays, alors qu'on est qualifié, savoir que l'on a aucune chance si on n'est pas pistonné, créent chez le jeune un sentiment d'hostilité et alimente son désespoir», soutient-elle. Pour conclure, la spécialiste affirme que l'ampleur que prend le suicide dans le monde et particulièrement en Algérie mérite de susciter l'attention de tous les acteurs sociaux sur le poids de ce phénomène. Adopter une politique de lutte et de prévention efficace contre le suicide passe d'abord par améliorer les conditions économiques et sociales dans lesquelles évoluent la population algérienne. D. S.