Elles sont jeunes, belles et mères. Le destin les a choisies et les bébés leur ont tracé la destinée. La misère les unit, le déshonneur les réunit mais la société les renie. Les déboires qu'elles subissent pourraient bien faire l'objet d'un livre dont les thèmes seraient : chagrin, déperdition et abandon. Elles sont jeunes, belles et mères. Le destin les a choisies et les bébés leur ont tracé la destinée. La misère les unit, le déshonneur les réunit mais la société les renie. Les déboires qu'elles subissent pourraient bien faire l'objet d'un livre dont les thèmes seraient : chagrin, déperdition et abandon. Nouria, Rim, Nadia, Lamia et bien d'autres sont des jeunes femmes unies par la détresse. Elles sont toutes des mères célibataires qui portent, seules, un lourd fardeau, dans une société conservatrice, masculine, intolérante à l'égard de la gent féminine et nettement plus indulgente vis-à-vis de l'homme. Les discours de ces femmes se ressemblent, leur vécu aussi. Elles vivent sous le poids des mêmes conditions existentielles pénibles, ont toutes perdu l'espoir que leur situation puisse un jour changer et continuent à subir le poids de l'injustice sociale. Elles vivent toutes sous l'ombre d'une société intolérante, réprobatrice et moralisatrice qui les renie définitivement. Elles crient leur calvaire. Leurs larmes tracent leur chagrin et dessinent leur parcours, mais, face à leur vécu, les mêmes questions leur traversent l'esprit : « Qu'est-ce que mon enfant a commis pour mériter tout cela ? Pourquoi l'homme s'en sort-il ? Rejetée, exclue, abandonnée… Pourquoi ? Comment affronter ma famille? Où partir ? Qu'adviendra-t-il de l'enfant? Vais-je l'abandonner ? Puis-je le garder?» Cependant, devant tant de péripéties, elles décident d'abandonner un enfant conçu à deux, mais qui se retrouve en fin de compte démuni de parents, taxé à jamais de «bâtard». Elles continuent à payer toute leur vie le prix de leur «péché», de leur violation des règles sociales. Sur leur chemin, encore et toujours des chuchotements et des réprimandes qui leur rappellent leur entorse condamnable aux conventions sociales. Une société encore traditionaliste «Chaque société possède ses règles, ses complexes et ses défaillances », nous explique R. Saïfi, sociologue. Les sociétés traditionalistes, dont la nôtre, explique-t-elle, ont le talent de savoir garder la face, de cacher leurs défaillances ou de les fuir, d'où l'invention des tabous, une sorte de réservoir où la société range toutes les anomalies qui portent atteinte à son bon fonctionnement. Dans ce sens, les mères célibataires sont considérées comme étant des parias. «Qui dit mère célibataire dit, relation sexuelle illégitime. Or, le sexe, c'est tabou, banni, interdit. Tous les mots sont appropriés pour tracer en rouge la limite à ne pas dépasser. Malgré cela, il y a toujours des gens qui fautent, ceux que la société classe au préalable, dans la case des exclus », poursuit-elle. Sur un autre chapitre, la sociologue insiste sur le fait que malgré tout ce que l'on peut considérer actuellement comme modernisme, la société algérienne reste une société traditionaliste qui préfère condamner tout ce qui a trait au sexe. «Les quelques familles qui optent pour la liberté d'expression avec leurs enfants, qui croient que l'éducation sexuelle est un aspect indispensable de l'éducation des enfants, où les relations mère-garçon, fille-père, sont satisfaisantes, sont les familles où l'on ne constate que rarement des problèmes pareils», insiste-t-elle. Par contre, selon les déclarations de Mme Saïfi, les familles dont l'éducation est fondée sur la répression, les non-dits et l'absence de communication sont celles qui donnent naissance à des générations frustrées, complexées, ignorantes de tout ce qui se rapporte à la sexualité et donc, prédisposées à tomber dans le piège de l'ignorance du sexe. Pour une éducation sexuelle sans faille «La frustration engendrée par l'éducation familiale répressive est certes incriminable dans l'amplification du phénomène des mères célibataires, mais le poids de l'ignorance sexuelle n'est pas des moindres », nous explique F. Latouï, psychologue clinicienne. Et d'ajouter que l'éducation sexuelle doit commencer dès le plus jeune âge. «A partir de deux ans par exemple, on peut commencer à transmettre quelques notions et conseils à ses enfants. Lorsqu'une maman conseille à son fils de prendre soin de ses organes génitaux et de l'avertir en cas d'attouchements, c'est un moyen de créer un dialogue. Quand elle explique à sa fille pré-pubaire qu'une femme peut tomber enceinte même s'il n'y a pas pénétration, que les «fameux coups de pinceaux » peuvent l'engrosser. Ainsi, elle ouvre les portes de la communication», souligne-t-elle. En ce sens, l'éducation sexuelle n'est pas uniquement une forme d'apprentissage liée à la sexualité. Elle sert également à protéger la personne tout au long de sa vie. Ces femmes victimes S'exprimant sur le problème des mères célibataires, la spécialiste insiste sur l'absence d'éducation sexuelle. «De nombreuses filles ignorantes découvrent en la sexualité un monde jusqu'ici inconnu. Manquant de connaissance sur ce domaine, incapable d'éviter les conduites à risques dont la probabilité d'une grossesse, ces filles tombent enceintes. Là leur calvaire commence au sein d'un contexte rigoureux et intolérant », authentifie-t-elle. Pour faire face au phénomène des mères célibataires dont les propensions sont inquiétantes, des spécialistes s'accordent à dire que l'éducation sexuelle et l'information des jeunes sur tout ce qui a trait à la sexualité est primordial. Au sein de l'établissement Diar Errahma de Bir Khadem, dans une chambre assez spacieuse du pavillon réservé aux mères célibataires et qui compte 24 chambres, dont la capacité d'accueil de chacune est de 3 à 4 personnes, quatre jeunes femmes étaient en train de vaquer à leurs occupations journalières. L'esprit tourmenté par le poids de la souffrance, ces femmes avaient pour trait commun la même détresse, une détresse profonde et insupportable dans un contexte rigoriste. En effet, les quatre femmes étaient toutes des mères célibataires qui trimballaient avec elles, individuellement, une histoire et une souffrance terrible. Livrées à elles-mêmes, contraintes d'affronter et d'assumer une réalité des plus dures, ces jeunes femmes se sont retrouvées hébergées dans ce centre d'accueil étatique qui leur offre une prise en charge pluridisciplinaire à compter du 7e mois de grossesse. Elles consultent régulièrement le service de psychologie, nourries, logées, suivies par un gynécologue, encadrées par des éducateurs qui leur assurent des formations en couture et autres. Elles attendent aussi la délivrance qui n'en est pas une, puisqu'une fois le bébé mis au monde, une longue et interminable lutte contre toute une société s'impose. Elles sont une vingtaine dans cet établissement à porter l'étiquette de mère célibataire, à être confrontées au pire après avoir été renié par les leurs. En proie à un terrible sentiment de culpabilité, Nadia, une jeunette de 21 ans, n'a pas manqué d'exprimer toute sa haine contre une société machiste qui condamne sévèrement les femmes. Reniée par sa famille, elle a du abandonner son gosse à l'hôpital pour pouvoir regagner la demeure familiale et y vivre, enfermée, à jamais. A l'image de Nadia, des jeunes mères célibataires continuent à souffrir le martyre en attendant d'être un jour reconnues par la société. Mais, une reconnaissance réelle de cette frange de la société marginalisée est-elle réellement possible ? D. S. Nouria, Rim, Nadia, Lamia et bien d'autres sont des jeunes femmes unies par la détresse. Elles sont toutes des mères célibataires qui portent, seules, un lourd fardeau, dans une société conservatrice, masculine, intolérante à l'égard de la gent féminine et nettement plus indulgente vis-à-vis de l'homme. Les discours de ces femmes se ressemblent, leur vécu aussi. Elles vivent sous le poids des mêmes conditions existentielles pénibles, ont toutes perdu l'espoir que leur situation puisse un jour changer et continuent à subir le poids de l'injustice sociale. Elles vivent toutes sous l'ombre d'une société intolérante, réprobatrice et moralisatrice qui les renie définitivement. Elles crient leur calvaire. Leurs larmes tracent leur chagrin et dessinent leur parcours, mais, face à leur vécu, les mêmes questions leur traversent l'esprit : « Qu'est-ce que mon enfant a commis pour mériter tout cela ? Pourquoi l'homme s'en sort-il ? Rejetée, exclue, abandonnée… Pourquoi ? Comment affronter ma famille? Où partir ? Qu'adviendra-t-il de l'enfant? Vais-je l'abandonner ? Puis-je le garder?» Cependant, devant tant de péripéties, elles décident d'abandonner un enfant conçu à deux, mais qui se retrouve en fin de compte démuni de parents, taxé à jamais de «bâtard». Elles continuent à payer toute leur vie le prix de leur «péché», de leur violation des règles sociales. Sur leur chemin, encore et toujours des chuchotements et des réprimandes qui leur rappellent leur entorse condamnable aux conventions sociales. Une société encore traditionaliste «Chaque société possède ses règles, ses complexes et ses défaillances », nous explique R. Saïfi, sociologue. Les sociétés traditionalistes, dont la nôtre, explique-t-elle, ont le talent de savoir garder la face, de cacher leurs défaillances ou de les fuir, d'où l'invention des tabous, une sorte de réservoir où la société range toutes les anomalies qui portent atteinte à son bon fonctionnement. Dans ce sens, les mères célibataires sont considérées comme étant des parias. «Qui dit mère célibataire dit, relation sexuelle illégitime. Or, le sexe, c'est tabou, banni, interdit. Tous les mots sont appropriés pour tracer en rouge la limite à ne pas dépasser. Malgré cela, il y a toujours des gens qui fautent, ceux que la société classe au préalable, dans la case des exclus », poursuit-elle. Sur un autre chapitre, la sociologue insiste sur le fait que malgré tout ce que l'on peut considérer actuellement comme modernisme, la société algérienne reste une société traditionaliste qui préfère condamner tout ce qui a trait au sexe. «Les quelques familles qui optent pour la liberté d'expression avec leurs enfants, qui croient que l'éducation sexuelle est un aspect indispensable de l'éducation des enfants, où les relations mère-garçon, fille-père, sont satisfaisantes, sont les familles où l'on ne constate que rarement des problèmes pareils», insiste-t-elle. Par contre, selon les déclarations de Mme Saïfi, les familles dont l'éducation est fondée sur la répression, les non-dits et l'absence de communication sont celles qui donnent naissance à des générations frustrées, complexées, ignorantes de tout ce qui se rapporte à la sexualité et donc, prédisposées à tomber dans le piège de l'ignorance du sexe. Pour une éducation sexuelle sans faille «La frustration engendrée par l'éducation familiale répressive est certes incriminable dans l'amplification du phénomène des mères célibataires, mais le poids de l'ignorance sexuelle n'est pas des moindres », nous explique F. Latouï, psychologue clinicienne. Et d'ajouter que l'éducation sexuelle doit commencer dès le plus jeune âge. «A partir de deux ans par exemple, on peut commencer à transmettre quelques notions et conseils à ses enfants. Lorsqu'une maman conseille à son fils de prendre soin de ses organes génitaux et de l'avertir en cas d'attouchements, c'est un moyen de créer un dialogue. Quand elle explique à sa fille pré-pubaire qu'une femme peut tomber enceinte même s'il n'y a pas pénétration, que les «fameux coups de pinceaux » peuvent l'engrosser. Ainsi, elle ouvre les portes de la communication», souligne-t-elle. En ce sens, l'éducation sexuelle n'est pas uniquement une forme d'apprentissage liée à la sexualité. Elle sert également à protéger la personne tout au long de sa vie. Ces femmes victimes S'exprimant sur le problème des mères célibataires, la spécialiste insiste sur l'absence d'éducation sexuelle. «De nombreuses filles ignorantes découvrent en la sexualité un monde jusqu'ici inconnu. Manquant de connaissance sur ce domaine, incapable d'éviter les conduites à risques dont la probabilité d'une grossesse, ces filles tombent enceintes. Là leur calvaire commence au sein d'un contexte rigoureux et intolérant », authentifie-t-elle. Pour faire face au phénomène des mères célibataires dont les propensions sont inquiétantes, des spécialistes s'accordent à dire que l'éducation sexuelle et l'information des jeunes sur tout ce qui a trait à la sexualité est primordial. Au sein de l'établissement Diar Errahma de Bir Khadem, dans une chambre assez spacieuse du pavillon réservé aux mères célibataires et qui compte 24 chambres, dont la capacité d'accueil de chacune est de 3 à 4 personnes, quatre jeunes femmes étaient en train de vaquer à leurs occupations journalières. L'esprit tourmenté par le poids de la souffrance, ces femmes avaient pour trait commun la même détresse, une détresse profonde et insupportable dans un contexte rigoriste. En effet, les quatre femmes étaient toutes des mères célibataires qui trimballaient avec elles, individuellement, une histoire et une souffrance terrible. Livrées à elles-mêmes, contraintes d'affronter et d'assumer une réalité des plus dures, ces jeunes femmes se sont retrouvées hébergées dans ce centre d'accueil étatique qui leur offre une prise en charge pluridisciplinaire à compter du 7e mois de grossesse. Elles consultent régulièrement le service de psychologie, nourries, logées, suivies par un gynécologue, encadrées par des éducateurs qui leur assurent des formations en couture et autres. Elles attendent aussi la délivrance qui n'en est pas une, puisqu'une fois le bébé mis au monde, une longue et interminable lutte contre toute une société s'impose. Elles sont une vingtaine dans cet établissement à porter l'étiquette de mère célibataire, à être confrontées au pire après avoir été renié par les leurs. En proie à un terrible sentiment de culpabilité, Nadia, une jeunette de 21 ans, n'a pas manqué d'exprimer toute sa haine contre une société machiste qui condamne sévèrement les femmes. Reniée par sa famille, elle a du abandonner son gosse à l'hôpital pour pouvoir regagner la demeure familiale et y vivre, enfermée, à jamais. A l'image de Nadia, des jeunes mères célibataires continuent à souffrir le martyre en attendant d'être un jour reconnues par la société. Mais, une reconnaissance réelle de cette frange de la société marginalisée est-elle réellement possible ? D. S.