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Le devoir de mémoire en péril
Peu de livres et de films consacrés à l'insurrection
Publié dans Le Midi Libre le 02 - 11 - 2008

Quarante-six ans après l'indépendance de notre pays, quelles traces le 1er Novembre 1954 a-t-il laissées dans notre imaginaire collectif ? Quelles sont les images et les écrits qui ont restitué cet évènement fondateur et cette date symbole de l'histoire de l'Algérie ?
Quarante-six ans après l'indépendance de notre pays, quelles traces le 1er Novembre 1954 a-t-il laissées dans notre imaginaire collectif ? Quelles sont les images et les écrits qui ont restitué cet évènement fondateur et cette date symbole de l'histoire de l'Algérie ?
Il est aujourd'hui de notoriété publique que le livre demeure un vecteur essentiel de la transmission de la mémoire et du devoir de la vérité historique. Néanmoins, ce travail de mémoire exige un véritable défi que l'Algérie n'a pas su relever à chaque célébration du 1er Novembre.
Il est vrai que pendant de longues années, la presse algérienne a célébré l'acte inaugural « d'une révolution qui commence ». En publiant des récits héroïques de la « Nuit de feu », pour reprendre le titre d'un ouvrage publié par la SNED (l'ancienne maison d'édition d'Etat des années 1970-1980), ou des poésies vantant les mérites des chahids (martyrs) morts au combat. Pourtant, le 1er novembre 1982, un journaliste du quotidien El Moudjahid a cassé ce tabou en constatant dans son article que « les révolutions ne suscitent pas toujours une littérature à la mesure de l'événement. […] Cela se justifie par l'instabilité et les préoccupations des hommes de lettres, avant et après la guerre », argue-t-il.
Malheureusement, force est de constater que bien peu d'ouvrages d'auteurs algériens ont abordé les circonstances de l'événement. Il faut cependant citer l'ouvrage historique de Mohammed Harbi, « Le 1er Novembre, la guerre commence en Algérie », publié à Bruxelles en 1984 aux éditions Complexe. Certains des combattants ont pour leur part consacré une partie de leurs Mémoires à l'événement, comme Ali Zamoum (Le Pays des hommes libres, Editions de la Pensée sauvage), qui participa arme à la main au début de l'insurrection. Aussi, bien que très difficilement trouvable, on peut signaler le texte de Mohamed Boudiaf sur La Préparation du 1er Novembre publié à la fin de 1974 par l'organe de son Parti de la révolution socialiste El Jarida et repris ensuite par d'autres.
Dieu merci, le cinéma a rectifié le tir. Des documentaires comme Peuple en marche (1963), Un jour de novembre (1964), Novembre (1971), se sont efforcés, à travers quelques archives et surtout les témoignages d'anciens maquisards, à faire revivre dans les esprits de nos citoyens l'image d'un peuple uni derrière ses moudjahidine, dès novembre 1954.
A signaler également le beau film de Mohamed Lakhdar Hamina Chronique des années de braise (1975), même s'il s'arrête à la veille de novembre 1954, comme d'autres longs-métrages Sueur noire, de Sid Ali Mazif, 1971, ou L'Incendie, le téléfilm de Mustapha Badie, 1974. Il faut dire que les films algériens de fiction traiteront surtout du développement de la guerre elle-même, comme Le Vent des Aurès, de Mohamed Lakhdar Hamina (1966), ou Patrouille à l'Est, de Amar Laskri (1971). Les historiens reconnaissent que jusqu'à aujourd'hui, rares sont les œuvres cinématographiques qui s'attaquent peu ou prou au sujet du 1er Novembre lui-même.
Ainsi, mis à part quelques textes qui mettent rarement l'événement au premier plan, et quelques images d'archives dans des documentaires et un film de fiction, les productions livresques et cinématographiques se rapportant au 1er Novembre sont bien maigres en Algérie.
Du côté français, l'événement est souvent présent dans la masse d'ouvrages qui sont publiés. Mais ce n'est que dans La Guerre d'Algérie, l'imposante fresque en quatre volumes d'Yves Courrière, publiée à partir de la fin des années 1960, que la « Nuit de la Toussaint » est minutieusement relatée, grâce notamment aux témoignages de certains des protagonistes directs ou indirects, en particulier ceux de responsables civils et militaires français et de Belkacem Krim. Mais il n'existe pas de livre centré sur le fait lui-même, à l'exception notable de l'ouvrage de Jean Vaujour, De la révolte à la révolution, paru aux éditions Albin Michel en 1985. Directeur de la Sécurité générale pour les trois départements français d'Afrique du Nord de juin 1953 à juillet 1955, Vaujour raconte dans le détail comment il a découvert les préparatifs du déclenchement de l'insurrection et alerté à plusieurs reprises, sans succès, le ministre de l'Intérieur de l'époque, François Mitterrand. Il explique comment il a tenté de remédier au désordre et à l'insuffisance des moyens de renseignements pendant cette période décisive.
Le 1er Novembre n'a donc suscité, contrairement à ce que l'on croit souvent, ni grandes œuvres littéraires ni documentaires ou films de fiction importants. Dans ce contexte, c'est toute la représentation de cet événement historique majeur dans l'imaginaire de nos générations futures qui risque d'en pâtir. N'est-il pas enfin urgent pour que nos autorités s'attellent à un véritable travail de mémoire concernant le 1er Novembre ? S. A.
Il est aujourd'hui de notoriété publique que le livre demeure un vecteur essentiel de la transmission de la mémoire et du devoir de la vérité historique. Néanmoins, ce travail de mémoire exige un véritable défi que l'Algérie n'a pas su relever à chaque célébration du 1er Novembre.
Il est vrai que pendant de longues années, la presse algérienne a célébré l'acte inaugural « d'une révolution qui commence ». En publiant des récits héroïques de la « Nuit de feu », pour reprendre le titre d'un ouvrage publié par la SNED (l'ancienne maison d'édition d'Etat des années 1970-1980), ou des poésies vantant les mérites des chahids (martyrs) morts au combat. Pourtant, le 1er novembre 1982, un journaliste du quotidien El Moudjahid a cassé ce tabou en constatant dans son article que « les révolutions ne suscitent pas toujours une littérature à la mesure de l'événement. […] Cela se justifie par l'instabilité et les préoccupations des hommes de lettres, avant et après la guerre », argue-t-il.
Malheureusement, force est de constater que bien peu d'ouvrages d'auteurs algériens ont abordé les circonstances de l'événement. Il faut cependant citer l'ouvrage historique de Mohammed Harbi, « Le 1er Novembre, la guerre commence en Algérie », publié à Bruxelles en 1984 aux éditions Complexe. Certains des combattants ont pour leur part consacré une partie de leurs Mémoires à l'événement, comme Ali Zamoum (Le Pays des hommes libres, Editions de la Pensée sauvage), qui participa arme à la main au début de l'insurrection. Aussi, bien que très difficilement trouvable, on peut signaler le texte de Mohamed Boudiaf sur La Préparation du 1er Novembre publié à la fin de 1974 par l'organe de son Parti de la révolution socialiste El Jarida et repris ensuite par d'autres.
Dieu merci, le cinéma a rectifié le tir. Des documentaires comme Peuple en marche (1963), Un jour de novembre (1964), Novembre (1971), se sont efforcés, à travers quelques archives et surtout les témoignages d'anciens maquisards, à faire revivre dans les esprits de nos citoyens l'image d'un peuple uni derrière ses moudjahidine, dès novembre 1954.
A signaler également le beau film de Mohamed Lakhdar Hamina Chronique des années de braise (1975), même s'il s'arrête à la veille de novembre 1954, comme d'autres longs-métrages Sueur noire, de Sid Ali Mazif, 1971, ou L'Incendie, le téléfilm de Mustapha Badie, 1974. Il faut dire que les films algériens de fiction traiteront surtout du développement de la guerre elle-même, comme Le Vent des Aurès, de Mohamed Lakhdar Hamina (1966), ou Patrouille à l'Est, de Amar Laskri (1971). Les historiens reconnaissent que jusqu'à aujourd'hui, rares sont les œuvres cinématographiques qui s'attaquent peu ou prou au sujet du 1er Novembre lui-même.
Ainsi, mis à part quelques textes qui mettent rarement l'événement au premier plan, et quelques images d'archives dans des documentaires et un film de fiction, les productions livresques et cinématographiques se rapportant au 1er Novembre sont bien maigres en Algérie.
Du côté français, l'événement est souvent présent dans la masse d'ouvrages qui sont publiés. Mais ce n'est que dans La Guerre d'Algérie, l'imposante fresque en quatre volumes d'Yves Courrière, publiée à partir de la fin des années 1960, que la « Nuit de la Toussaint » est minutieusement relatée, grâce notamment aux témoignages de certains des protagonistes directs ou indirects, en particulier ceux de responsables civils et militaires français et de Belkacem Krim. Mais il n'existe pas de livre centré sur le fait lui-même, à l'exception notable de l'ouvrage de Jean Vaujour, De la révolte à la révolution, paru aux éditions Albin Michel en 1985. Directeur de la Sécurité générale pour les trois départements français d'Afrique du Nord de juin 1953 à juillet 1955, Vaujour raconte dans le détail comment il a découvert les préparatifs du déclenchement de l'insurrection et alerté à plusieurs reprises, sans succès, le ministre de l'Intérieur de l'époque, François Mitterrand. Il explique comment il a tenté de remédier au désordre et à l'insuffisance des moyens de renseignements pendant cette période décisive.
Le 1er Novembre n'a donc suscité, contrairement à ce que l'on croit souvent, ni grandes œuvres littéraires ni documentaires ou films de fiction importants. Dans ce contexte, c'est toute la représentation de cet événement historique majeur dans l'imaginaire de nos générations futures qui risque d'en pâtir. N'est-il pas enfin urgent pour que nos autorités s'attellent à un véritable travail de mémoire concernant le 1er Novembre ? S. A.


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