A chaque fois, la même question lancinante, comme « el waswas el khannas » qui paralyse et démobilise, remonte à la surface : est-il possible de sortir notre pays du gouffre ; notre pays peut-il devenir un pays « normal » où la majorité se sent bien et « coule des jours heureux sous le soleil » ? Dévorant jour après jour tout ce que les acteurs de notre histoire récente et les historiens ont écrit sur notre pays et sa Révolution, j'essaie de comprendre comment tout cela s'est mis en place et a duré, pour finir, avec le triple mandat de boutef, en un vaste marécage puant infesté de vipères et de crocodiles et où l'on risque de sombrer à chaque pas. C'est toujours la même réponse qui s'impose à moi : tout un peuple a été mis sur la touche et progressivement perverti jusqu'à ce qu'il en arrive à tout oublier : qui il est, d'où il vient, ce qu'il veut, ce qu'il peut… Il ne sait plus travailler. Il ne sait plus s'indigner. Il ne sait plus vivre en communauté. Nous devons réapprendre tout. Mais d'abord, il faut que les fauteurs de trouble partent. Le plus loin possible. Les toufiq, nezzar, boutef, ouyahia, belkhadem et consorts doivent absolument quitter la scène, car leur seule vue réactive automatiquement tous les mauvais réflexes : la peur, l'angoisse, « elleguiya », comme on dit si bien à Alger. Partez, partez vite, on ne veut plus de vous. Vous avez échoué mille fois, en français et en arabe, de gauche à droite et de droite à gauche, à l'endroit et à l'envers. Vous avez tout bousillé : le passé, le présent et l'avenir. Une fois que vous serez partis, on ouvrira toutes les fenêtres et on respirera un grand coup : que c'est bon d'être enfin libre ! Respirons profondément…Relaxe, cool, tout va bien… Et puis on se mettra au travail. Tous les partis – agréés ou non – se réuniront et formeront un gouvernement d'union nationale qui sera chargé de remettre de l'ordre dans la maison dans un délai d'un ou deux ans. Quand on travaille sincèrement, tout devient facile. Tout est question de confiance. « Enniyya essafia ». Ceux qui seront dans ce gouvernement devront donc rétablir la confiance par un gigantesque effort de communication : expliquer, vulgariser, dialoguer, convaincre. Des tables rondes, des débats contradictoires, des reportages dans toutes les langues nationales dans les douars les plus reculés sur des dizaines de chaines de télé et de radio. Des journaux et des magazines à profusion. Nous devons vider toutes nos rancœurs et nous purifier. Ensuite chacun à son poste, les Algériennes et Algériens prendront l'engagement de faire chaque jour un peu plus d'efforts. Amélioration continue, voila la première clé du succès. Effort graduel est la seconde. Nous ne voulons être ni les meilleurs d'Afrique, ni les premiers du Maghreb, ni les plus révolutionnaires, ni les plus islamisés ; nous voulons seulement être des gens normaux qui travaillent et reconstruisent leur pays. Le gouvernement fera établir par nos experts un tableau de bord, secteur par secteur, mettant bien en évidence tout ce qui est au rouge. Les objectifs stratégiques sont déjà connus : ne plus dépendre des hydrocarbures, réduire la dépendance alimentaire, résorber la crise de logement, etc. Créer de la richesse et des emplois. On pourra par exemple mettre en place des cercles d'amélioration de la productivité dans toutes les entreprises et administrations : les travailleurs seront appelés à donner leur avis et proposer des solutions. Dans tous les quartiers, des comités d'amélioration du cadre de vie seront également installés. Chasse aux immondices, aux vieilles carcasses, aménagement d'espaces verts…Nous avons déjà connu cela me direz-vous. Oui, mais c'était du temps de Chadli, le roi fainéant. C'était du « khorti ». Et tout le monde le savait. Cette fois, c'est pour de vrai, car c'est la démocratie véritable avec une Justice indépendante, la liberté d'expression, des partis politiques dignes de ce nom. Tout est question de confiance, je vous dis. Ainsi, jour après jour, chaque secteur améliorera ses performances. Le but de l'Etat sera d'assurer la transparence, pas le camouflage. Les institutions seront au service du citoyen, pas l'inverse. La vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Nous avons soif de vérité. Dehors tous les menteurs-tricheurs-voleurs. Il n'y aura plus de toufiq enfermé dans son blockhaus, ni de zerhouni avec sa tête d'enterrement. boutef et son « festi » sera dans les oubliettes de l'histoire. C'est important, ça. Moi, j'y crois. Il suffit de les déloger de leurs trous et de les jeter dehors.