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Le triomphe de la médiocrité et de l'incurie sur les compétences vraies
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 13 - 07 - 2010

Dire que nous avons, à tous les niveaux de nos institutions, de la plus petite (université, municipalité, bureau de poste, entreprise de gaz et d'électricité, de pétrole et de communication…) jusqu'aux aux plus grandes ( Ministères, entreprises publiques…etc.), des responsables qui combattent par tous les moyens les compétences que le hasard a introduites dans leur fief, ça ne relève pas de l'exagération, mais d'un constat. Des plus compétents qu'eux ne sont pas en odeur de sainteté. Ils leur font peur, et cette peur les rend si méchants et si agressifs qu'ils deviennent susceptibles, nerveux, excités et ombrageux de crainte qu'on leur fasse de l'ombre. Pour ces médiocres assoiffés de pouvoir et de prestige, qui tiennent à garder coûte que coûte leur rente de situation ou leurs positions acquises, la compétence et l'intelligence ne sont pas les choses les mieux partagées. Ce sont deux qualités qui représentent à leur yeux rivés sur leurs chaises et bureaux, des facteurs de perturbation et de désordre susceptibles de remettre en cause les acquis et les privilèges qu'ils tiennent à transmettre à leur progéniture. Leur nationalisme ou patriotisme affiché en surface n'est qu'un leurre destiné à tromper la vigilance de ceux qui luttent pour réhabiliter justement les compétences, les valeurs morales et éthiques, et qui plaident en faveur de la justice, de l'équité et du renforcement de l'Etat de droit.
La crainte qu'ils éprouvent d'être éclipsés ou regardés comme des repoussoirs par rapport aux personnes compétentes les conduit à user de toutes les ressources de la ruse, de l'interprétation fallacieuse des lois et des textes, de la stigmatisation et de la dévalorisation de l'Autre, l'intrus, qu'il soit d'ailleurs endogène ou exogène, national ou émigré revenu d'exil, pour les exclure de leur sphère d'activité « réservée ».
I. Le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
1. Une tutelle fonctionnant en vase clos
Paradoxalement, ce sont ceux qui s'entichent de cette étiquette flatteuse qui font barrage aux compétences, et contribuent par leurs ambiguïtés à vider l'Etat de ses substances utiles aux fins de le réduire à n'être qu'un instrument en vue la réalisation de leurs dessins obscurs. Comme je l'ai souligné à maintes reprises, et avec force, dans mes nombreux écrits, le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, est devenu depuis quelques années, surtout à partir de 2004, une sorte de club fermé ou presque où se décide à l'insu des milliers d'enseignants et de chercheurs, le destin de l'enseignement et de la recherche scientifique dans notre pays. En dessous du Ministre, une poignée de fonctionnaires ( secrétaire général, chef de cabinet, directeurs centraux, conseillers techniques et chargés de mission…), s'attele à « réfléchir » sur la manière de gérer l'enseignement et la recherche et de leur conférer le caractère de « l'Assurance- Qualité » et de « l'Excellence », mots très chers à Son Excellence Monsieur le Ministre. Et tout cela se fait sans consultation ni débats ouverts ou publics, avec les intéressés dont la majorité écrasante se trouve exclue du jeu et des enjeux essentiels. Coupée de la communauté des enseignants et délibérément repliée sur sa forteresse impénétrable à tous ceux qui ne montrent pas patte blanche, cette poignée qui forme « le noyau dur » de la tutelle n'a en fait d'oreilles et de considération que pour les proches et les amis qui montrent tous les signes de la confiance et de la fidélité, et qui applaudissent à deux mains tout ce qui se dit et se fait dans les coulisses du Ministère.
2. Un club fermé aux intrus et aux « indésirables ».
Le seul contact permanent et suivi que ce « noyau dur » entretient se limite aux seuls responsables des universités, des instituts et des grandes écoles ( recteurs, directeurs…). Désignés ou cooptés par la tutelle, grâce à des « rapports d'habilitation » taillés sur mesure, la plupart de ces responsables répondent plus aux critères d'allégeance qu'à des critères de compétences et d'intégrité dûment établis. La liste nominative des recteurs des universités répartis sur l'ensemble du territoire national constitue, avec l' appartenance « régionale » et l'étiquette « politique » de ces derniers, un indicateur significatif du principe d'allégeance qui va souvent de pair avec le principe de « l'équilibre régional » plus ou moins respecté. Ces deux principes –allégeance et équilibre régional- ne s'accommodent pas avec la compétence avérée et la citoyenneté transcendante, celle qui s'élève au dessus du régionalisme, de la tribu et de l'ethnie. L'Etat « neutre » et unificateur se place au dessus de ces considérations tout en respectant la pluralité des identités et des appartenances ( identitaire, confessionnelle, philosophiques…).
Comme les recteurs, la nomination de nos ministres obéit aux mêmes principes. A de rares exceptions près, qui n'infirment pas la règle générale, ils sont désignés ou nommés non pas en fonction de leurs aptitudes ou compétences attestées, mais en fonction des critères précédemment indiqués. Mais qui les nomme? Un « système » invisible, anonyme et innommable dont on ne peut entrevoir le vrai visage qu'à travers la pratique et les routines de la vie quotidienne.
3. Faux et vrais commis de l'Etat
Mais revenons à ce « noyau dur » de la tutelle. Ses membres se nomment eux-mêmes « commis » de l'Etat, et non d'un système au profil indéterminé. Dans la pratique pourtant, ils servent plus un « système » fait d'une constellation de chapelles, de clubs et de coteries que l'Etat saisi comme une forme suprême, abstraite et transcendante. L'exemple que tous les enseignants du pays connaissent pour l'avoir observé de visu est le suivant : essayez de demander à parler au téléphone à l'un des directeurs centraux de la tutelle, disons au directeur des Ressources Humaines. S'il ne vous connaît pas ou si l'objet de votre démarche, transmis par la secrétaire, n'entre pas en ligne de compte dans ses préoccupations, il vous fait rembarrer par sa secrétaire qui vous raccroche aussitôt au nez sans la moindre forme de politesse. Vous lui envoyez un courrier en recommandé, un faxe ou une lettre ordinaire? Vous n'aurez à coup sûr pas de réponse, car le « club fermé » n'a jamais entendu parler de vous, même si vous possédez dix doctorats d'Etat et autant de spécialités. Vous lui faites une proposition par écrit, portant par exemple, sur la nécessité de dénombrer et d'identifier les ressources humaines disponibles dans votre établissement pour mieux les valoriser, il jettera nonchalamment et d'un air dégoûté votre courrier dans un placard poussiéreux en le laissant pourrir jusqu'à son départ à la retraite. A l'indifférence et au mépris d'étudier soigneusement une telle proposition, s'ajoute le refus coupable de conserver et de classer avec respect et soin ce type d'archives qui fondent la mémoire des grands Etats modernes. On les entasse négligemment dans les tiroirs sans soucier de leurs valeurs intrinsèques. Encore heureux si ces courriers sont conservés en vrac et non jetés tout bonnement dans la poubelle! Car il arrive parfois que des fonctionnaires inconscients et frappés d'incurie se débarrasseraient de certaines correspondances comme ils le faisaient d'un papier d'emballage!
Ces gens là prêtent vraiment à sourire quand ils se prétendent être les « commis de l'Etat » et en tirent une un orgueil démesuré….
4. De l »amalgame à la nuance
Mais tous nos fonctionnaires, et tous nos employés de l'administration, ne sont pas pervertis à ce point. Beaucoup sont d'honnêtes gens qui, j'en suis convaincu, partagent avec moi cette conviction qu'il existe dans tous les compartiments de nos institutions une minorité de faux commis de l'Etat qui, par leurs hautes charges, empêchent les vrais commis de l'Etat, qui sont la majorité « infériorisée » par son statut ou grade, de mener son travail de « correction », de redressement et de refonte salutaire de l'institution pour laquelle ils se dévouent corps et âme. D'honnêtes et de bons citoyens, on en trouve partout : dans l'administration, la justice, les entreprises publiques et privées, dans l'Enseignement supérieur et l'Education nationale, dans l'armée, la gendarmerie et la police. Dire que toutes ces personnes défendent « le système » entendu au sens péjoratif de « mafieux », et de corrompu, et non l'Etat saisi au sens national et abstrait, c'est verser dans l'amalgame et le réductionnisme. C'est oublier qu'à l'intérieur de toutes ces institutions nommées, s'élèvent des voix mécontentes ou indignées, des protestations, et des revendications plus ou moins audibles pour la réforme de l'Etat et pour plus de justice sociale et de rigueur dans la gestion des affaires publiques. Certes, il y a un « système » aux ramifications complexes qui parasitent et court-circuitent les institutions étatiques, mais qui n'en rencontre pas moins des résistances, certes inorganisées, de la part des citoyens qui aspirent aux changements véritables.
5. De la personnalisation des liens institutionnels et sociaux
Si vous êtes universitaire honnête et motivé par votre métier, et si vous démarchez auprès de ce Ministère pour trouver écoute et soutient à vos projets, vous risquez fort bien de vous heurter à un mur. Si vous n'avez pas un nom et le numéro de téléphone d'Untel que vous connaissez et qui vous agrée, il y a fort à parier que vos démarches resteront vaines. Pour que vos affaires marchent, et vos projets aboutissent, il faut que vous soyez connu et identifié comme faisant partie de ces cercles de proches et d'amis. A défaut, vous devez recourir pour obtenir une audience ou passer un message à l'un de ces responsables constituant le club central aux rideaux toujours baissés, aux téléphone et aux faxe toujours décrochés ou occupés à n'en plus finir, à des intermédiaires, à des relations personnelles. Le recours à la personnalisation des relations permet à certains responsables inconscients et indifférents à la chose publique de se dispenser du devoir et de l'obligation d'être disponibles et à l'écoute des citoyens relevant de leur secteur. Toujours en réunion interminables ou occupés au téléphone à bavasser avec les amis et les élus de leurs cercles intimes, ces responsables n'accordent rien ou peu de leur temps aux milliers d'enseignants anonymes de leurs secteurs qui souffrent tous d'une absence d'écoute et de communication avec la tutelle.
6. De la difficulté de communiquer et d'avoir des échos, même par faxe…
Même par faxe, il est difficile souvent de faire passer le message à celle-ci, et quand il parvient à son destinataire, il n'est pas certain que celui-ci réponde, car il ne se sent obligé de rien, ni par le droit ni par la morale ni par l'éthique professionnelle. Cers valeurs, le faux commis de l'Etat, n'en n' a que faire. Il les piétine sans remords ni état d'âme. A propos du faxe justement, voici un exemple cocasse : je compose le numéro du directeur des Ressources Humaines du MESRS. Une secrétaire se disant collaboratrice de Monsieur décroche. Je lui annonce que j'ai un faxe à passer à Monsieur.- Combien de pages? me fit-elle. -trois ou quatre environ, lui dis-je.- Ah! Monsieur, pas plus de deux, s'il vous plaît, car nous n'avons plus de papiers!
Voilà un exemple, parmi des milliers d'autres, qui illustre à merveille les lacunes, pour ne pas dires les tares, de notre système publique de communication, et qui fait voir également comment le divorce s'est consommé entre le sommet et la base de la hiérarchie sociale et institutionnelle.
II. Le portrait d'un docteur en médecine disqualifié en Algérie, mais propulsé sur le devant de la scène scientifique internationale par la grâce des USA.
Mon exemple ne fait pas exception à la règle. En voici un autre, plus spectaculaire Il s'agit du Dr Elias Zerhouni. D'origine algérienne, le Dr Zerhouni a effectué ses premières études en Algérie qu'il complètera aux Etats-Unis avant d'être nommé, en 2009, par le président Obama, au titre d'envoyé scientifique des Etats-Unis. Son itinéraire est riche en enseignements et dans les entretiens qu'il a accordés à la presse nationale lors de sa visite officielle en Algérie en mars 2010, il témoigne sans haine ni rancœur des affronts qu'on lui a infligés lorsqu'il décida dans les années X dix de regagner le pays pour y apporter sa contribution au développement scientifique.
1. Qui est-il arrivé au juste au Dr Elias Zerhouni à son retour au bercail?
Dans une interview accordée au quotidien arabophone al- Chorouk, il nous apprend d'abord qu'il est algérien, né à Alger, et a fait ses études au Lycée Emir Abdelkader d'où il a décroché le baccalauréat, et plus tard un doctorat de médecine à l'université d'Alger qui lui donne l'idée d'approfondir sa spécialité à l'étranger; ensuite, il prend la résolution de partir après avoir réussi à obtenir une bourse avec la possibilité de choisir le pays de son choix :soit la France, la Suède ou les Etats-Unis. Mais à l'époque, précise-t-il, il ne savait pas l'anglais, mais seulement le français et l'arabe qu'il avait étudiés. Finalement, il opta pour les Etats-Unis pour poursuivre ses études après avoir réussi à obtenir l'équivalence de son diplôme. Initialement, il n'eut pas l'intention de s'y installer définitivement, mais de parachever uniquement ses études et rentrer aussitôt au pays. Mais le hasard en a décidé autrement.
2. Un spécialité de renom en médecine nucléaire rejeté par le pays d'un » million et demi de martyrs » au motif que ses diplômes américains ne valent rien en Algérie…
Il se fixe donc aux aux USA et décide de se spécialiser en médecine nucléaire avant de joindre le centre de recherche rattaché à l'Université de John Hopkins de Baltimore en 1975. Il y réussit brillamment ses études pour la raison qu'aux Etats-Unis, dit-il, « Les Américains n'accordent de promotions et de fonctions qu'en relation avec tes compétences, et non d'après ton ethnie ou ta religion ; au contraire, ils t'évaluent sur la base de tes compétences …et de ce que tu pourrais apporter de nouveau… et c'est ainsi que j'ai axé mes recherches sur le cancer avec maniement du scanner qui était à l'époque d'usage relativement récent. Et c'est à la suite de quoi que je suis devenu docteur de l'université John Hopkins et spécialisé dans la manipulation du scanner et ceci jusqu'à 1978… », date à laquelle il revient au pays et postule pour un poste à l'université lorsqu'il s'entend dire que ses diplômes américains ne valent rien au regard des diplômes algériens!
En langue arabe, ses propos donnent un accent pathétique à son témoignage :
« …وحضرت إلى الجزائر وقيل لي حينها أ ن الشهادة التي حصلت عليها في الولايات المتحدة الأمريكية لاتساوى شيئا , وأنها غير معتمدة في الجزائر, لأن دراستك لا تتوافق مع المناهج المدرس في الجزائر, وأن علي الخضوع للاختبارات الجزائرية حتى يكون لي الحق للعمل في الجزائر فقلت لهم إنني موافق على اجتياز الاختبارات , لأنني لم أكن أطلب أي معا ملة تفضيلية » أمزية ».[1]
Le refoulement des « cerveaux » ne date donc pas d'aujourd'hui. Il remonte déjà au deux premières décennies de l'indépendance. Mais avec l'avènement de Bouteflika à la tête de la magistrature suprême de l'Etat, les choses sont aller de mal en pis. Le choix que ce vieux routier de la politique en a fait des ministres, notamment celui de l'Enseignement supérieur et de l'Education nationale, n'a fait que contribuer non pas au retour des cerveaux, mais à leur fuite » ou à leur marginalisation. La baisse constante du niveau d'instruction et des études supérieures, baisse que favorise la réussite aux Bac et qui, jointe à l'encadrement des universités par une masse importante d'anciens professeurs de lycées recyclés dans le supérieur, voilà qui favorise la marginalisation des plus compétents ou les pousse à l'exil (interne ou extérieur) au sens à la fois de repli psychologique sur soi et au sens physique de départ vers l'ailleurs. Le culte du « rendement » quantitatif qui se fait au détriment de la qualité a eu pour conséquence inévitable d'accroître la masse des médiocres qui, partout, gagnent du terrain en poussant les plus compétents qu'eux soit vers les marges, soit vers l'exil forcé en direction des horizons incertains. En inféodant la science et le savoir à l'administration, notre système politique et « nos hommes d'Etat », étiquette que beaucoup d'entre eux ne méritent d'ailleurs pas tant qu'elle connote la noblesse, n'a fait que contribuer au développement de l'indigence scientifique, et à la dévalorisation de tout ce qui montre des signes d'intelligence, d'esprit critique, d'autonomie et d'innovation.
L'exemple du Dr Zerhouni est là pour montrer combien ce système est si absurde qu'il renverse tous les repères et toutes les valeurs en les mettant cul par-dessus tête. L'incompétent qui commande au compétent, l'illettré ou le semi illettré qui mène des lettrés comme un troupeau de mouton, et le maître assistant qui ose évaluer et noter les aptitudes d'un docteur d'Etat, voilà qui laisse pantois! L'avancement de carrière et les échelons d'un professeur dépendent donc du bon vouloir du petit chef de bureau, tel celui d'un département de physique ou de sociologie! Et ceux qui avaient eu à évaluer les diplômes du Dr Zerhouni dans les années soixante- dix ont leur réplique exacte à l'université de Msila!
3. Quand les présidents des Etats-Unis, républicains comme démocrates confondus, s'inclinent avec respect devant les compétences d'un Algérien honteusement rejeté par les siens
Les hommes politiques, de par le monde, qui ont le sens de l'Etat et savent apprécier les choses à leur juste valeur, éprouvent un immense respect à l'égard des hommes de science, de culture et d'art. L'exemple du Dr Zerhouni, qui est bien loin d'être unique, montre par un contraste saisissant le respect qu'accordent la plupart des pays civilisés aux compétences et le mépris et l'indifférence dans lesquels nos dirigeants, politiques et administratifs, enveloppent les femmes et les hommes porteurs de savoir, d'idées et de projets. Rejeté et méprisé par les siens, Zerhouni est accueilli avec enthousiasme et marques d'égards par les présidents de la première puissance mondiale! Dans ce pays, comme dans tous les pays gouvernés par des classes politiques pénétrées du sens de l'Etat et du devoir sacré de veiller à l'intérêt de la nation dont ils sont les représentants élus, et non imposés, ce sont souvent les politiques et l'administration qui se font « les chasseurs de tête », en repérant eux-mêmes les talents et les compétences avant de les intégrer dans le dispositif de leur stratégie du développement scientifique. Ces hommes d'Etat et l'administration qu'ils dirigent ont une vision étendue, et ouverte de la gouvernance et du monde extérieure, et ne lésinent guère sur le temps et les moyens dont ils disposent pour rationaliser les ressources humaines et matérielles disponibles, et d'en limiter le mauvais usage, les gaspillages et les déperditions. Chez nous, c'est l'exact contraire qui se produit sur toute l'étendue de la société politique et civile où l'irrationalité, et son cortège d'approches et de méthodes de gestion désordonnée, presque baroques, tiennent lieu de « gouvernance ».
Zerhouni n'est pas Américain de « souche ». Il est Algérien d'origine, et dans les veines duquel coule le sang de ses Ancêtres, pur et transparent à lui-même. Pourtant, c'est l'Amérique du Nord, « impérialiste » qui, non seulement l'a accueilli et permet de parfaire sa spécialité, après qu'il a été rejeté honteusement par son pays natal, mais elle lui a offert les possibilités de faire valoir ses compétences et de les mettre en œuvre. Mieux : cette nation multiculturelle et multiconfessionnelle que l'on dit par ailleurs raciste et anti-arabe, ne s'est pas fiée à ses préjugés raciaux et à ses impressions subjectives pour catapulter cet homme de science au sommet de la gloire, mais à sa vision rationnelle du monde, et aux critères de la compétence attestée dont il est porteur. En captant tous les individus porteurs du savoir –faire (know-how), sans tenir compte de leur origine nationale ou « raciale », les pays civilisés, c'est-à-dire ceux qui ont su intérioriser la rationalité et le sens de la prévision, ont en vue avant tout l'utilité et le profit qu'ils peuvent en tirer. Ce sont ces traits de culture et d'habitus culturel, entre autres, caractéristiques des nations imaginatives et entreprenantes, qui explique le respect et la haute importance qu'elles accordent aux hommes compétents dont elles savent canaliser les énergies vers des objectifs élevés, sublimes.
Dans ces pays, contrairement au nôtre, ce ne sont pas les intellectuels et les scientifiques qui courtisent le Prince ou qui quémandent auprès de lui des « services » en contrepartie d'une soumission formelle; c'est le Prince qui les courtise, s'enquiert de leur valeur intrinsèque et s'y incline.
Le cas du docteur Zerhouni, son ascension spectaculaire, bien qu'il soit algérien, illustre de manière non moins spectaculaire le respect que manifeste ce pays aux talents auxquels on ouvre tous les domaines du possible pour leur épanouissement et qui, par ricochet, contribuent au développement et à la prospérité de la nation dans laquelle ils sont insérés.
4. Les témoignages de reconnaissance de Bush et d'Obama
D'abord consultant de la Maison Blanche pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Zerhouni est ensuite nommé en 2002 directeur des instituts nationaux de la santé des Etats-Unis, poste qu'il quitte en 2008 pour regagner l'Université de John Hopkins où il devient très vite un des membres principaux du Programme de santé mondiale à la fondation Bill et Melinda Gates.
« حتى تكون مديرا لهدا المعهد لا بد أن تحظى بثقة عمياء من الكونغرس و الرئيس الأمريكي , الأمر لم يكن سهلا يومها,كما أني لم أفكر بتاتا في أن أكون رئيسا لهدا المعهد…لقد قام مستشارو الرئيس الأمريكي السابق جورج بوش بترشيح ثلاثة أطباء أمريكيين وأنا,ولما اطلع بوش على القائمة سأل عني وكيف درست, فقيل له ان زرهوني درس في الجزائر, ثم واصل في أمريكا, وكنت يومها قد استفدت من الجنسية الأمريكية حتى أواصل بحوثي الطبية, وأختار بوش شخصي, وقال لمستشاريه هدا الرجل بني نفسه بنفسه واستطاعة أن يحقق كل هدا وهو في أمريكا وبا لتالي هو من سيكون مديرا للمعهد. »
Voilà un chef d'Etat qui sait juger et apprécier les hommes en fonction de leurs mérites, et non en fonction de leur appartenance ethnique, nationale ou religieuse. Pour lui, tout comme pour ses semblables pénétrés de la rationalité et du bon sens, un homme qui s'est « construit par lui-même » (بني نفسه بنفسه) inspire respect et reconnaissance et mérite, de ce fait même, d'être récompensé en proportion des efforts qu'il a fournis. Mais dans des pays comme le nôtre où règne de manière absolue une confusion de genres, où les rôles et les valeurs s'inversent, ce sont les médiocres qu'on récompense le plus souvent, et c'est pour cette raison, entre autres, que les compétents et les méritants qui se sont « construits » eux-mêmes se trouvent confinés dans les marges ou encourager à l'exil…
Les Zerhouni sont légion, en Algérie même. S'ils pouvaient témoigner à l'instar de notre docteur élevé aux Etats-Unis à la dignité d'un haut expert, ils diraient tous que ce qu'ils ont vécu, eux, et vivent encore comme enfer sous le règne pesant de la médiocrité dépasse l'imaginable. Hissée au rang de la vertu et de « la normalité », cette médiocrité rampante est partout au poste de commandes et tend à rabaisser ou à tuer dans l'œuf tout ce qui ressemble ou s'apparente à la compétence. Celle-ci chasse celle-là, les médiocres refoulent et cantonnent les méritants, et le tout se fait avec l'aval tacite du Prince et à la barbe et au nez des « grands décideurs. »
Mais laissons pour l'heure ces considérations de côté en attendant d'y revenir, et revenons au témoignages d'Elias Zerhouni, qu'il ne faut pas confondre avec son homonyme, l'ex-ministre de l'Intérieur, avec lequel il n'a pas de liens parentés. A la question du journaliste qui lui rappelle que sa candidature à ce poste a rencontré quand bien même une forte résistance de la part du Congrès, Dr Zerhouni acquiesce en disant que ( naturellement) :
» طبعا…والأمر بسيط, لأن جزائريا أصبح مديرا لأحدث معهد ولم يتحصل على الجنسية إلا مؤخرا, فمن حقهم التحفظ, لكن الأمور سرت فيما بعد على أحسن ما يرام. »
Quel type de rapport Zerhouni entretenait-il avec l'ex-président des Etats-Unis après que celui-ci lui avait témoigné sa reconnaissance et promu directeur des instituts nationaux de la santé (NIH)? Réponse simple à une question simple :
« عا دية جدا,فأنا باحث علمي, كل همي اكتشاف أمراض وتطوير بحوثي, و بوش كان يقدر هدا,أما ادا كنت تقصد السياسة فصدقني لا باع لي فيها, لأن جل وقتي مكرس للبحوث العلمية ».
5. Ces hommes politiques et ces chefs d'Etat éclairés qui vont vers le savant et le scientifique en quémandant humblement conseils
Zerhouni, comme tous les vrais chercheurs de par le monde, se dévoue uniquement à son objet de recherche. Il refuse, par principe et conviction, de revêtir une double casquette, et de s'éparpiller en étant à la fois au four et au moulin, comme nos dirigeants et certains de nos « universitaires » qui endossent le double costume de gestionnaires administratifs et d' enseignants –chercheurs, mais qui, sur ce chapitre précis, ne produisent rien qui vaille la peine.
Avant de devenir Président des Etats-Unis, le sénateur Obama demandait modestement à s'entretenir avec le Dr Zerhouni sur des sujets scientifiques. Le politique qui sollicite les conseils du savant relève en effet d'une démarche à la fois intelligente, rationnelle et noble. Peut-on imaginer, chers compatriotes, qu' un politique algérien ose demander conseils à un universitaire algérien, disons un spécialiste du terrorisme ou de l'hygiène et sécurité? Impossible que cela puisse affleurer son esprit. Nos politiques qui ont une haute idée d'eux-mêmes ne sauraient absolument pas condescendre à « s'abaisser » à ce point en confiant leurs préoccupations politiques à un spécialiste, fût-il un génie dans son domaine. Nos hommes politiques qui n' en ont d'ailleurs pour la plupart que l'étiquette, se considèrent comme se suffisant à eux-mêmes et n'ont besoin d'aucun apport extérieur, d'où qu'il vient, pour accomplir leurs missions sous couvert de « commis de l'Etat » ou d'agents de l'action publique. Pour eux l'intellectuel, le spécialiste ou l'expert confirmé dans son domaine n'est rien de moins qu'un personnage méprisant et méprisable tant il refuse de manifester son allégeance ou sa soumission aveugle à l'ordre établi dont ils sont les grands bénéficiaires.
Ailleurs, c'est le contraire qui se produit. Un chercheur frileux, dépourvu d'esprit d'entreprise, et qui cherche à se propulser par la flatterie et la glorification du Prince, est très vite rejeté par ses pairs et désigné au mépris du public. Le Prince lui-même, surtout le Prince moderne, cultivé et éclairé, n'en veut pas. A l'inverse, le Prince algérien, n'apprécie et ne discerne des marques d'honneur qu'au chercheur ou à toute personne qui flatte son ego, et le nombre de personnes qui sont parvenues par cette voie entachée de honte ( sénateurs, députés, ministres, secrétaire d'Etat à la recherche, sans recherche véritable, etc.) est de notoriété publique…
Un Obama ne snobe, lui, justement que ce type de béni-oui-oui, obséquieux, et prêts à faire toutes les courbettes possibles et inimaginables. Elégant et cultivé, il n'a d'égards que pour ceux qui se respectent. Questionné à son propos, Zerhouni donne cette réponse qui mérite d'être consignée dans les manuels comme modèle de pédagogie et de modestie à l'usage de nos écoliers :
« الرئيس أوباما التقيت بيه مرارا لما كانت مديرا للمعهد وكان سيناتورا,فكم من مرة كان يطلب مقابلتي من أجل استشارتي في أمور علمية, فهو رجل يهتم كثيرا با لبحث العلمي و بالعلوم و المعرفة. »
وردا عن السؤال التالي » هده المرة نال موافقة كبيرة من الكونغرس الأمريكي « ? أجاب زرهوني قائلا » لا. تعييني كممثل لأوباما لم يمر هده المرة على الكونغرس , ولو أن الكونغرس أصبح يعرف من هو الياس زرهوني بعد أن أدرت المعهد القومي للصحة. »
Le comportement d'Obama dénote, ici, tout à la fois intelligence, modestie et grandeur d'âme. C'est le profil parfait de l'homme d'Etat, qui en a la vision et le sens le plus étendu. Rien à voir avec beaucoup de nos ministres qui ne prisent que l'étiquette de « commis de l'Etat » dont ils n'entendent d'ailleurs le sens et l'épaisseur que de manière superficielle et comme pour se donner une importance qu'ils n'ont point. Ce sont des bureaucrates, souvent d'une qualité médiocre, et rien de plus. C'est à cause d'eux et de l'indicible « système »qui les a générés que notre pays patauge dans la boue et s'enfonce de plus en plus dans les ornières du sous développement économique et intellectuelle, malgré les immenses ressources qu'il recèle. Interrogé en ces termes :
« كعالم, ما الذي ينقص الجزائر حتى تصبح بلدا متقدما »?
Elias Zerhouni répond que:
« لا بد من التخلص من البيروقراطية وتحسين مكانة الباحث العلمي وتوفير كل السبل لإتمام بحوثه وتشجيعه, فا العالم تقدم ولا بد من تقدم الإمكانيات , ولا بد أيضا من وضع مخططات لتطوير دالك ».
6. De la bureaucratie en général et de la bureaucratie algérienne en particulier
Vœux louables, mais dont la réalisation est plus que hypothétique. Ce que le Dr Zerhouni ne sait pas dans le détail, c'est que nous ne subissons pas le poids de n'importe quelle bureaucratie, mais d'une bureaucratie déficitaire et incompétente, qui n'a rien à voir avec la bureaucratie technicienne et performante décrite avec brio par Max Weber et qui a été à l'origine de l'émergence des Etats centralisés en Occident. La révolution industrielle et l'organisation scientifique du travail rationalisé qui s'y sont produites ont été principalement son œuvre. Aujourd'hui encore, y compris dans l'Amérique d'Obama et de Zerhouni , la bureaucratie constitue la force principale d'impulsion, de gestion et d'organisation sociale et économique. Elle fait de l'efficacité, de la rationalité et de la performance son principe directeur, et elle combat au quotidien tous ceux qui montrent des failles, telles les négligences, les incompétences les insouciances et le travail « bâclé ». Il y a donc bureaucratie et bureaucratie. L'une compétente, l'autre calamiteuse. Nuances que j'ai précisées dans mon dernier ouvrage qui vient de paraître.[2]
7. Vérité et démagogie sur le retour des exilés et la valorisation des compétences…
Le Dr Zerhouni, qui s'est entretenu lors de sa visite en Algérie ave Saïd Barkat et Rachid Haraoubia, respectivement ministre de la Santé et de l'Enseignement supérieur, notamment sur une probable collaboration portant sur le jumelage des instituts de recherche, n'avait pas manqué de faire savoir aux journalistes qu'ils l'interrogeaient « qu'il n'a jamais été sollicité auparavant » par les responsables algériens de ces secteurs « pour transmettre ses connaissances à des Algériens. Il manque un cadre organisé pour cette mission » avait-il conclu. Ce témoignage prouve une fois de plus que nos responsables estiment pouvoir se dispenser de leur diaspora, et qu'ils s'auto suffisent à eux-mêmes, quoique dans leur discours « nationalistes » destinés pour la consommation du grand public, interne et extérieur, ils puissent parler de faire revenir nos « cerveaux » établis à l'étranger. Rien que pour les Etats-Unis, s'il faut se fier aux chiffres fournis par le Dr Zerhouni lui-même, il y aurait 13 000 algériens présents dans ce pays dont 1000 chercheurs et 2000 inscrits en doctorats, sans tenir compte de ceux qui échappent à la statistique officielle, américaine et de l'ambassade d'Algérie à Washington. Sur ces 1000 chercheurs, certains participent , comme Zerhouni, très activement au plan Obama de coopération internationale.[3]
8. Le plagiat et la paresse intellectuelle institués en lieu et place de l'effort et de l'imagination créatrice.
Notre pays est gouverné en fait par une bureaucratie qui allie souvent l'incompétence à l'indifférence envers la chose publique, envers le bien collectif. Quant aux politiques, c'est-à-dire ces ministres qui gèrent l'Exécutif de manière quasi dilettante, ils manquent pour la plupart d'esprit d'initiative, d'imagination et d'autonomie. Ce sont des personnes hétéronomes au sens où ils attendent toujours ce que le Raïs leur suggère ou demande de faire. Et quand il leur arrive d'entreprendre une action au niveau de leur secteur respectif, il leur font presque toujours de manière improvisée, et jamais avec un esprit de suite. Le suivi n'est pas leur fort. Ainsi en est-il, par exemple, de la soi-disant réforme de l'Enseignement Supérieur qui a introduit par imitation et plaquage le système LMD ( Licence-Master-Doctorat) pour l'application duquel les conditions ne sont guère réunies. On s'est aperçu, cinq ans après sa mise en application cafouilleuse, que le système n'a pas été concluant, et que les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes. D'où la décision du MESRS de reconsidérer le système LMD adopté de manière hâtive, à l'imitation de l'Europe communautaire, en raison des « lacunes » et des » insuffisances » relevées. Il ne s'agit pas de remise en cause de ce système copié plus ou moins correctement de l'Europe, mais il est uniquement question de le retoucher en colmatant les brèches laissées béantes par l'application chaotique de ce système LMD pour lequel les enseignants n'entendent goutte tant ils n'ont guère été préparé. Lors d'une conférence de presse organisée à l'occasion du 36eme anniversaire de la création de l'Université des sciences et de la technologie de Haouari Boumediene, le recteur de Bab Ezzouar, M. Ben Zaghou, avait reconnu implicitement l'échec de ce système tout en se flattant du nombre croissant d'inscrits en licence. Pour la seule université de Bab Ezzoaur, il cite le chiffre de 16345 qui se sont inscrits pour la licence en système LMD, de 3013 en master et de 1600 doctorats. Comme toujours, on insiste toujours sur l'aspect quantitatif, et l'on occulte le côté qualitatif des enseignements dispensés dans le cadre des spécialités et des programmes arrêtés.
Dans la foulée, M. Ben Zaghou n'envisage pas pour autant l'abandon de ce système présenté par les « experts » qui l'ont copié quasi littéralement pour le plaquer à l'environnement algérien, mais il propose seulement d'apporter des modifications et des réajustements à certains programmes et spécialités adoptés par le LMD. Il est question par ailleurs d'évaluer les étapes parcourues par ce système, parallèlement à l'institution des commissions régionales et nationales chargées d'apporter les réajustements nécessaires en vue de la rentrée universitaire 2011-2012.[4]
9. Le LMD, réalité ou canular?
Je dispose des données, quantitative et qualitative, qui démontrent à qui mieux- mieux que ce système LMD transporté et transposé mécaniquement dans l'environnement algérien se révèle être à l'examen un véritable fiasco, et malgré ce constat irréfutable on persiste à croire que la réforme que le système LMD a induite a « apporté des innovations majeures et des concepts nouveaux dans l'enseignement supérieur »[5]
Ces innovations et ces prétendus « concepts nouveaux » ne sont en vérité qu'une pâle copie du LMD européen que des comités soit disant spécialisés ou des responsables chargés de l'application du LMD au niveau des divers établissements peinent à comprendre eux-mêmes le contenu de ces « concepts nouveaux », car inventés ailleurs et appliqués à un environnement bien plus propice au nôtre. Parler du tutorat, du profil du tuteur, des supports pédagogiques, de redynamisation des conseils scientifiques, de salles de travail, de bibliothèque, de centre de calcul et de connexion Internet, quand tous ces moyens sont insuffisants ou manquent cruellement, c'est faire preuve d'une démagogie et d'une inconscience qui frisent l'irresponsabilité. De l'aveu des enseignants chargés de l'encadrement du LMD et des étudiants qui ont opté pour ce système, ces « concepts nouveaux » de réforme demeurent pour eux ésotériques, même si certains de mes étudiants m'écrivent dans leurs copies d'examen et de rattrapage leur satisfaction pour nouveau système qu'ils opposent au classique considéré par eux comme « traditionnel ».Tout en reconnaissant par ailleurs que les méthodes de transmission du savoir sont identiques pour les deux systèmes, ils admettent en outre que la seule différence notable entre les deux systèmes réside dans la durée des études pour obtenir la licence ( 3 contre 4 pour le classique) ainsi que dans la charge de travail qu'il leur impose. N'en déplaise à la tutelle et à ses experts « pressés » d'échafauder des programmes de réforme mort-née,ce LMD relève plus d'un canular que d'une réalité palpable.
. Modicité des supports pédagogiques et misère des enseignants10
Quant aux moyens matériels indispensables mis à la disposition des enseignants et des étudiants, ils se réduisent non seulement en une peau de chagrin, mais parfois ils n'existent que sur le papier. Ainsi la plupart des enseignants chargés d'expliquer le LMD n'en comprennent ni le sens, ni les méthodes ni la finalité et nagent de ce fait dans un flou artistique total, tout comme les étudiants qui attendent d'eux désespérément une « recette » clef en main. Le supports pédagogiques sont obsolètes, ou mal exploités, tandis que la Connexion Internent, quand elle existe, est faible et le nombre d'ordinateurs et celui des salles est très faible par rapport à la demande. C'est ce qui explique que beaucoup d'étudiants se rabattent avec leur modeste bourse sur les cybercafés de la ville. Le système d'information et d'orientation des étudiants est des plus archaïques, et fonctionne sur le mode bureaucratique propre au « tiers monde » : accueil revêche et rébarbatif des étudiants de la part d'employés qui n'ont aucune formation spéciale ni aucune culture de l'accueil et du sens de la pédagogie. L'écrasante majorité des enseignants, y compris de rang magistral, ne disposent pas de bureaux, pour remplir leur mission de tuteurs, et les rares qui ont eu la chance d'en avoir un, ils s'en servent comme un espace plus administratif que d'accueil pédagogique pour les étudiants.
A l'Université de Msila, par exemple, la structure physique même de l'établissement, tel que la répartition des locaux, et surtout l'occupation de la quasi-totalité de l'espace ( bureaux , locaux, salles…) par les administratifs ne laisse aucun espace de libre aux enseignants et aux chercheurs pour accueillir leur étudiants, pour les écouter et les orienter. C'est debout, à la sauvette, dans les interminables enfilades des couloirs bruyants, sombres et crasseux, qu'ils s'abouchent avec leurs étudiants dont les jérémiades n'en finissent plus. Je pense que dans les autres universités, les mêmes scènes tristes, lamentables et pathétiques se produisent à l'identique.
Les structures éclatées de ces établissements ( un département, par exemple, a plusieurs locaux dispersés dans l'enceinte de l'université : affaires étudiantes dans un édifice, celui du LMD dans un autre bloc à étage, le département se trouvant dans un troisième édifice, plus éloigné des deux précédents, tandis que les toilettes se trouvant dans un quatrième immeuble situé à quelques centaines de mètres d'ici…).L'on mesure dès lors l'éparpillement des enseignants qui dépensent un temps précieux à courir d'un étage à l'autre pour accomplir leur devoir et marquer leur présence aux petits chefs du département, dont certains qui aiment à être obéis et crains, ne sont jamais dans leurs bureaux lorsqu'on a vraiment besoin d'eux pour un travail sérieux et urgent. La secrétaire vous répond presque toujours que Monsieur est absent et ne sera de retour que vers 15h 30, c'est-à-dire une heure environ avant la fermeture des bureaux!
Idem pour le responsable du LMD et de la pédagogie qui ne font preuve de présence relative qu'en période d'examen, et encore certains d'entre eux ne se manifestent-ils que dans les amphis comme pour afficher à la face de tout le monde qu'ils sont les maîtres à bord, qu'ils veillent au bon déroulement des examens!
III. Comment fonctionnent nos cabinets ministériels?
Pour gérer leurs secteurs respectifs, nos ministres n'écoutent et ne font appel pour les « conseiller » qu'à des personnes dont le profil répond tout à fait à ce qu'ils attendent d'eux : des béni-oui-oui, hâdthr (présent) Ya Sidi al Raïs! Ces ministres battent aussi le rappel des proches, des amis, et des cousins qui, à leur tour, placent dans le circuit fermé qu'ils phagocytent, amis et frères d'amis, pour leur confier des missions aux objets souvent incertains ou fantaisistes. Et « la compétence » de tout ce petit monde rassemblé dans les divers cabinets ministériels se réduit à des affinités psychologiques, psychiques, ethniques et d'intérêts principalement. Filtrés, triés sur le volet, et placés dans les divers compartiments ministériels, ces individus ne sont pas seulement coupés de la réalité sociale, politique et scientifique du pays, mais ils forment aussi un véritable écran entre eux et le public extérieur (l'université par exemple) dont ils sont censés être les « animateurs ». A aucun d'eux ne vient à l'esprit l'idée, par exemple, de descendre « en bas » pour observer et établir un diagnostic sérieux sur l'état des chercheurs et de la recherche. Seul le ministre, et le ministre en personne, qui se charge de faire ce diagnostic à sa manière. Lors de ses visites éclaires sur les campus, il s'enquiert auprès des recteurs de l'état des lieux et de l'avancée de la recherche, puis de leurs réponses enthousiastes, il conclut sa visite par un rapport flamboyant sur les résultats présumés spectaculaires de la recherche scientifique en Algérie, qui aurait amélioré son score scientifique en passant dans le classement en » 7ème rang » au niveau de l'Afrique!
Les recteurs et les doyens dont ils se flanquent sont un indice significatifs de la dérive de l'encadrement et de la gestion »scientifique »de nos établissements universitaires. Faites une petite étude sociologique la dessus, et vous verrez que ces chefs d'établissements sont pour la plupart entourés soit de proches,de « cousins » ou de personnes répondant à certains profils savamment choisis. Les seuls critères qui déterminent ces choix d'hommes par le chef ou les grands chefs ( aussi bien ceux d'en haut que ceux d'en bas) sont tout, sauf la compétence. Ces personnes, on les choisit, bien sûr en fonction de la confiance d'abord qu'on a d'eux, ensuite la proximité « ethnique » ( consanguine ou régionale), et enfin, en fonction de leur servilité ou » profil bas » , et le tout est déterminé en dernière analyse, non pas par le désir sincère et partagé de servir la collectivité nationale, mais pour renforcer les intérêts et les « acquis » du groupe, de leur groupe « dirigeant »:local, régionale et nationale. L'unique compétence que possèdent ces groupes associés plus par « intérêt et profit » que par conviction réside dans la manigance, l'intrigue, et surtout dans leur incroyable capacité à s'adapter à tous les changements qui surviennent dans l'ordre social et politique. Ces gens n'ont pas de « patrie » au sens d'amour, d'engagement et de conviction, ils n'ont que des intérêts à défendre becs et ongles. Ils ont beaux se dire « Algériens », patriotes, « commis de l'Etat » et d'autres balivernes de ce genre, ils restent et demeurent foncièrement les « commis » d'un clan, d'une coterie ou d'une chapelle detrminée. Marqués ontologiquement par l'amour du gain, et calciné par le désir de l'autorité que procurent à leur yeux « prestige » et crainte, ils sont indifférents et placides envers tout ce qui rime avec intérêt national ou public. Cela ne les empêche pas cependant de discourir sur la nationalisme et de chanter à tue-tête l'hymne national, qasaman, et de répandre des flots de louanges sur les martyrs de la Révolution et sur les Moudjahiddines, les vrais, encore en vie! Et de revendiquer du même coup la participation de leurs « pères », morts ou vivants, au combat libérateur!
Le témoignage livré par le Dr Zerhouni est l'administration de la preuve que notre système politique porte en ses flancs tous les syndromes de l'ankylose, et le caractère présumé « atypique » qu'on lui prête si souvent n'est rien qu'un mot fourre-tout et qui sert plus à mystifier sa réalité qu'à démontrer par l'analyse son caractère foncièrement anti-rationnel et anti-national. L'irrationalité qui préside aux conduites politiques des acteurs amène inévitablement à des actes et à des choix stratégiques irréfléchis et qui peuvent avoir de graves retombées négatives sur les intérêts suprêmes de la nation, sans même que les auteurs de ces conduites puissent savoir pour autant que leurs comportements soient anti-national. C'est que les sentiments nationaux, tel l'amour subjectivement ressenti par chacun envers l'histoire, la culture et par toutes les valeurs morale, religieuse et éthique constitutives d'une nation, ne peuvent pas constituer à eux seuls un garant ou une cuirasse contre les atteintes aux intérêts de la nation ou de la patrie. On peut éprouver, subjectivement, un si haut degré d'amour, de tendresse, d'affection et d'attachement envers sa patrie, et agir en même temps, objectivement, contre elle.
Sacrifier un Zerhouni (il y en a des milliers de Zerhouni) aux intérêts égoïstes et aux visions étriquées d'un nationalisme de pacotille, ne relève manifestement pas d'un acte rationnel, et réfléchi, mais d'une conception du monde puisant sa sève d'une structure psychique faite d'imprévisions, d'impulsions inconscientes ainsi que de réactions pulsionnelles et affectives. Le tout renvoie à un habitus culturel et historique spécifique qui accorde, par le fait même de la psychogénétique qui le structure et l'informe, le primat à l'apparaître sur l'être, et aux impressions subjectives sur l'analyse rationnelle des phénomènes.
Pour que ces sentiments inscrits dans les structures psychiques et psychologiques les plus profondes de la conscience collective puissent opérer de manière efficiente dans le monde du réel, il faut qu'ils soient encadrés par une approche rationnelle et par des règles et des lois universellement observées, sans quoi les forces aveugles qui procèdent des instincts grégaires, des pulsions et des agressivités incontrôlées des individus, dégénéraient en égoïsme, en conflits fratricides et prendraient le dessus sur les relations pacifiques et d'entraides entre les membres de la collectivité.
( Lire suite dans notre texte : Sociologie de la misère à Msila)
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[1] راجع جريدة » الشروق » الصادرة بتاريخ 09 مارس2010, ص 6 تحت عنوان » البروفيسور العالمي الياس زرهوني ممثل أوباما للعلم في حوار ل الشروق طلبت العمل في الجزائر فطلبوا مني ا عادة الدراسة ؟ »
[2] Cf. Le Mangement. Etude à l'usage de l'entreprise, Alger, éd. Chihâb, 2010.
[3] Données et chiffres fournis par L'Expression, 9 mars 2010.
[4] Ces informations ainsi que les chiffres ont été donnés par le quotidien arabophone El-Bilad, 20 avril 2010.
[5] Voir le « Rapport national sur l'évaluation d'étape de l'application de la réforme des enseignements supérieurs » issu des Assises nationales, du 19-20 mai 2008, p.8


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