Cette violence se ressent dans tous nos rapports sociaux, dans tous nos modes d'expression. L'Algérien ne possède plus de patience. Il n'aime pas être remis en cause même lorsqu'il est dans l'erreur, il se confond avec son verbe acéré , il confond entre le verbe et la pensée entre le but et le moyen. Ce pouvoir à réussi le tour de force de faire de nous des génies, nous critiquons tout, ou pour être plus juste, nous dénigrons tout car pour pouvoir critiquer il faut détenir un savoir spécifique qui nous permette d'analyser aussi bien la forme que le fond dans un domaine précis, par une analyse objective, basée sur des faits bien circonscrits et avec des moyens reconnus et admis comme instruments. Malheureusement la violence s'est bien installée dans nos moeurs et il est impossible de la déloger de nos habitudes devenues biens ancrées. La violence du verbe et de l'action pour faire passer des assertions inadmissibles et devenue notre moyen favori d'expression et notre rationalité est reléguée au second plan. Le corollaire de la violence c'est l'insensibilité et nous sommes devenus insensibles aux malheurs des autres et même à nos propres malheurs. Le savoir encyclopédique n'est plus permis à l'ère de la mondialisation et de l'accumulation actuelle du savoir à l'échelle de l'humanité, j'allais dire acculturation, pour sortir avec un projet de remplacement qui se situe à un niveau supérieur au projet critiqué et qui puisse avantageusement le remplacer, il faut un minimum de spécialisation, de compétence et d'entraide. Cela est rarement le cas et pourtant nous y allons allègrement chacun avec sa petite théorie. En tout cas, c'est l'impression qui se dégage des discussions tant dans les quartiers, qu'au travail, que partout ou on va. Les Algériens sont devenus spécialistes en tout. Alors en tant que faisant partie d'un peuple de génies, j'y vais de ma propre théorie. En effet, ce que nous faisons c'est de discuter de choses et d'autres, très souvent à la limite extrême de nos compétences, quant celles-ci existent, en trouvant que l'Algérie est conduite vers le gouffre. Chacun de nous, sans dire comment ni pourquoi, affirme que le pays se dirige directement vers l'abime et ne propose rien de concret pour l'éviter. Pourquoi poser les problèmes si on ne propose pas de solution ? C'est la mode ! Mais quand cette mode met en cause des vies humaines et risque de les détruire, un minimum de sens des responsabilités s'impose, comme il s'impose lorsqu'on abandonne l'argumentation pour verser dans l'insulte gratuite, l'invective et l'abaissement de l'autre et au lieu de s'attaquer aux faits après les avoir énumérés de manière impartiale on s'attaque à la personne dans ce qu'elle possède de plus sacré. Il est vrai que l'université n'est pas ce qu'elle devrait être, ni quoi que ce soit d'autre d'ailleurs, nous sommes confrontés à l'incurie générale. Mais est ce uniquement la faute du ministre ou des ministres en charge de cette institution et de ses structures ? Les professeurs n'ont ils pas une part de responsabilité dans tout ça ? Ne peuvent ils pas s'organiser pour pouvoir faire pression sur l'administration afin d'améliorer le rendement de l'enseignement supérieur ? Cela ne les concerne t il donc pas ? En se taisant, ils confirment l'absence de culture au niveau de leur université. Car des gens cultivés arrivent toujours à s'entendre sur un projet minimal dans l'intérêt de tous. Pourtant pour faire des grèves à visée salariale ils peuvent se regrouper. On les a vu le faire, les aspects pédagogiques de la grève n'étaient là que pour renforcer les revendications salariales et pas l'inverse. A quand les grèves de portée uniquement pédagogique ? Apparemment elles ne les intéressent pas. Pourtant le changement s'opère toujours par la base. Lorsque la base démissionne ou est endormie ou ne réagit plus, aucun changement n'est plus possible. Ce n'est que lorsqu'un commis de l'Etat est évincé de son poste, je parle de ceux qui sont à la base de la hiérarchie, mais qui en même temps ont un pouvoir sur les gens et les évènements, qu'il trouve matière à réflexion et à dénonciation et se croit investi d'un devoir d'opposition et de remise en cause et c'est seulement à ce moment qu'il découvre des tares à l'administration qui l'emploie et ce, dans tous les domaines, y compris pédagogiques, j'allais dire démagogiques, pour le cas de l'université. Je ne parle pas d'une personne précise, ou seulement de l'université, qu'on ne s'y méprenne pas, mais d'un problème général à toute l'Algérie et qui n'est pas propre à l'université ou à l'un de ses instituts ou à une administration en particulier. Il ne faut donc pas alors qu'il s'attende à ce que ceux qui sont en poste et n'ont pas de problèmes avec l'administration viennent le soutenir, ils y trouvent leur compte pour le moment et ne réagiront que lorsqu'a leur tour ils seront malmenés, « tekhti rassi », chacun pour soi. Autrement dit, la vache du système leur distille son lait à travers ses mamelles hypnotiques et ils restent tout à fait tranquilles et sans réaction à l'égard de tout sauf à se pousser les uns les autres à qui têtera le plus, le mieux et le plus longtemps possible. Sommes nous toujours une société organisée ou en voie d'organisation ou ne sommes nous plus que des individus agglutinés et qui se serrent de plus en plus en poussant de toutes leurs forces ? C'est pour ça qu'on dit « dezz em3ahoum » , c'est à dire agglutine toi davantage ? El le système ainsi posé continue de se reproduire sans qu'il y ait un seul grain de sable pour l'empêcher de perdurer. Des délits se commettent sous nos yeux sans qu'on puisse intervenir de peur des conséquences, on n'ose plus s'impliquer dans la vie sociale qui requiert des comportements sociaux protecteurs des valeurs. Est ce les valeurs qui ont disparu ou le sens des responsabilités que chacun à de défendre ces valeurs ? Et si c'est le sens des responsabilités comment faire pour le restaurer ? Il va sans dire que dans ces conditions, aucun corps n'a d'esprit de corps et chacun navigue dans une perspective non pas d'action intelligente s'inscrivant dans une œuvre au profit de la nation mais dans un ouvrage malicieux propre à l'enrichir au plus vite en tant qu'individu en tentant de se faire propulser rapidement dans les hautes strates sociales. Tout devient magouille et stratégie individuelle d'accès aux bénéfices de la rente. Comme si l'individu devient éternel et le pays une chose consommable. Le système c'est ça aussi. La société n'est plus une fin à maintenir et à améliorer, elle est seulement un moyen permettant aux individus d'acquérir des valeurs matérielles, même si ce moyen est utilisé de façon à être détruit. Qui va se sacrifier pour des gens qui n'ont pas conscience de leurs intérêts à long terme et les sacrifient pour le court terme ? Dans ce contexte national, la question me semble : Avons nous réellement une université afin de pouvoir dire que nous avons des professeurs encadrés par une administration universitaire et qui encadrent des étudiants ? Nous avons certes des instituts et des gens qui se targuant d'être détenteurs de diplômes universitaires, prennent des airs suffisants, doctes et imposants, pour montrer au monde qu'ils sont bardés de bagages et qu'ils ne se hasardent pas à discuter avec tout le monde car cela les abaisserait, qui ne prennent la parole que pour débiter un cours qu'ils reprennent depuis de longues années et que parfois ils ont plagié ou sinon ils se gardent d'ouvrir la bouche de peur d'être remis en cause. Encore une fois, je ne vise personne en particulier. Il est vrai que l'autorité, au sens large, n'existe plus et que le diplôme ou le grade universitaire n'a plus aucune signification dans le contexte algérien ou tout peut être acquis avec facilité lorsqu'on possède les contacts adéquats. Le véritable savoir apprend l'humilité. Or l'humilité n'a plus cours à l'école. En outre même si quelqu'un détient réellement le savoir, il ne lui confère aucune autorité et n'importe qui le remet en cause, il n'est pas écouté et plus ses arguments sont valables moins il a d'audience et est décrié car il dérange la grande loi de la majorité. Ceux qui prêchent la vérité dans le désert n'ont pas de chance d'être entendus. La position de l'intellectuel dans la société comme tout le reste à décliné et il a perdu son aura, il ne peut agir sur les autres. Pourtant le véritable savoir est celui à travers lequel on conçoit bien les choses et ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement comme dit Descartes et arrive à trouver son chemin dans les consciences des masses. L'intellectuel existe t il encore en Algérie ? Et s'il existe peut il agir réellement sur les évènements ? Une autre question me vient à l'esprit : Quelle est la finalité de l'université en Algérie ? Est t elle de former des gens conscients des enjeux nationaux et internationaux et agissant en conscience afin de se surpasser en vue de faire avancer leur pays et leur société vers un avenir meilleur, ou bien l'université n'est elle devenue que le prolongement de la télévision, de l'école, de l'administration et d'instituts et institutions de formatage destinés à faire que les gens restent dans une optique précise et n'y dérogent pas ? Comment en sortir si les principaux concernés n'arrivent pas à réagir ? Les jeunes qui s'inscrivent à l'université ont ils suffisamment de culture, de formation de base, d'esprit critique, de logique, pour pouvoir suivre les cours et développer une vision critique déjà existante et qui va être affinée ? Les professeurs accepteront ils, étant à l'université ou tout savoir est sujet en principe à remise en cause car par définition relatif, de voir leurs étudiants, de quelque grade qu'ils soient commettre le sacrilège de trouver des lacunes dans leurs cours, s'il y en a et y faire allusion ? Ou crieront ils au scandale de voir des moins gradés remettre en cause l'autortité du maitre ? Socrate à dit qu'il n'y a pas de mauvais élèves mais seulement de mauvais maitres. L'étudiant n'est pas en cause, ne peut être en cause quel que soit son rang. L'université est la locomotive de la société dans les temps modernes et c'est de son enceinte que sortent les germes de changement, rôle qui dans nos contrées était dévolu aux mosquées avant la colonisation. Dès que le clivage s'est installé entre la mosquée et l'université, le sous développement à pris racine dans les pays musulmans bien qu'il était en germe et ne cesse de ronger leurs assises. La mosquée n'a plus de poids et l'université n'a pas encore de poids et l'aura t elle jamais ? Ce qu'il nous faut à mon avis, c'est que la mosquée professe ce que l'université prèche et non pas l'inverse ou que les deux institutions entrent en conflit. Nous avons besoin que la société existe en tant que telle et non pas en tant qu'individus agglutinés et qu'elle se ressente en tant que telle et que l'université possède le terreau fertile aux idées et à la prise de conscience. Possédons nous l'une et l'autre ? Et si nous ne possédons pas l'un et l'autre comment faire pour faire renaitre la société, comment ancrer dans les milliers de consciences individuelles que l'intérêt de la société prime sur l'intérêt de l'individu ? Comment amener les gens à perdre leur propension à devenir égoïstes en raison de l'insécurité qu'ils ont vécue et des mensonges avec lesquels ils ont été martelés pendant des décennies ? Les temps ne sont plus les mêmes. La conjoncture Historique n'est plus, qui à fait l'Emir Abdelkader, Cheik El Haddad, Fatma Nsoumer, Cheikh El Mokrani ou Cheikh Bouamama, ou celle qui à fait les Ben Mehidi, Abane Ramdane, Si El Haoues , Ben Boulaid, Hassiba Ben Bouali, Djamila Bouhired et autres héroïnes et héros et il ne sert à rien de remonter dans l'Histoire si cela affecte les rapports actuels dans la société. Ce ne serait pas raisonnable de réveiller les vieux démons, déjà qu'on n'arrive pas à renvoyer les nouveaux de là d'où ils viennent. Mettre en avant des kahina, des Paul de Tarse et autres figures anté-islamiques à longueur de discussions en prônant l'unité du peuple Algérien et la réconciliation n'a aucun sens. Il est un fait que ce sont les circonstances qui font les Hommes . L'autorité morale n'existe presque plus et le titre de flagorneur est vite décerné comme étiquette à tous ceux qui osent suivre un guide ou accepter ses orientations, la démocratie tant attendue risque de déboucher carrément sur l'anarchie totale et pas au sens politique de ce terme. La situation actuelle est telle qu'aucun individu n'est susceptible de pouvoir être accepté pour guider les masses et tout le monde trouve à redire sur tout le monde. Les lois de la dynamiques des groupes ne semblent plus s'appliquer aux algériens . Le seul filet d'espoir qui nous reste est celui de la conscience que cela ne peut durer et que chacun doit changer et doit se sentir responsable de ce pays. Le sens des responsabilités est un sens des sacrifices et très peu sont enclins à ce faire .