MOUSSA TOUATI AU SOIR D'ALGERIE : «Oui, je veux être président» Le Soir d'Algérie, 21 octobre 2010 Né il y a à peine 12 ans (il a été créé le 12 novembre 1998), le FNA (Front national algérien) de Moussa Touati (né le 3 octobre 1953 dans la wilaya de Médéa) se revendique comme «première force politique» dans l'échiquier national même si les urnes le donnent bon 3e «parce qu'il y a eu fraude». Il est domicilié à la rue Tanger – en plein cœur d'Alger, dans un quartier populaire et commerçant par excellence — «parce qu'on a pas les moyens» et «parce que le FNA n'est pas un parti de riches ou du pouvoir». Le FNA s'identifie à son président — et l'inverse est tout aussi valable. Il fait de la déclaration du 1er Novembre 1954 son unique référence et partant tout le reste ne serait qu'élucubrations littéraires. Vaste salon cuir vert, murs plaqués de céramique, faux plafond plâtre mauresque, emblème national à côté de l'hymne Qassamen et la Proclamation du 1er Novembre 1954 format affiche : tout cela confère au bureau de Moussa Touati une atmosphère de sobriété. D'ici les bureaux du patron du FNA donnent une pleine vue sur l'historique hôtel Aletti (aujourd'hui Safir), le cinéma Mouggar, les rues Abane-Ramdane et Asselah-Hocine. En costume mais sans cravate, bien coiffé et rasé de près, le président du FNA respire la santé, voire la sérénité ? Il affiche le bagou de celui qui sait ce qu'il veut et où il veut parvenir. Fort justement quand il n'arrive pas à ses fins, il donne l'impression de ruer dans les brancards : on refuse au FNA un poste de vice-président à l'Assemblée populaire nationale parce que les partis de l'Alliance présidentielle se sont ligués contre lui (le RND en particulier dit Moussa Touati) et le voilà parti à revendiquer sa dissolution ainsi que celle des autres assemblées élues et des élections anticipées. L'APN refuse d'inscrire sa proposition de loi incriminant le colonialisme français ? Qu'à cela ne tienne, il demandera un arbitrage populaire par la voie d'un référendum «seul à même de court-circuiter les intérêts inavouables de ceux qui sont opposés à cette loi». Il n'hésite pas à diaboliser en termes violents les «députés voleurs» et autres directeurs de sociétés… «Trouvez-moi un directeur ou un député qui ne vole pas !» Malgré la virulence de ces déclarations — de plus en plus ces derniers temps —, le président du FNA laisse songeur quant à son projet de société se contentant de faire référence à chaque fois (un leitmotiv) à l'appel de Novembre. Se disant pacifiste, il croit à la sanction des urnes à travers lesquelles il veut se hisser à la plus haute des fonctions du pays. «Oui, je veux être président, incha Allah», nous dit-il sans un battement de cils. Les élections présidentielles étant encore éloignées (2014), sa préoccupation de l'heure ce sont les échéances législatives de 2012 et il veut glaner quelque 80 sièges de députés. Pas moins ! En cela il inscrit son action de prise pacifique de pouvoir par les urnes. Réformiste plutôt que réformateur, Moussa Touati ne remet pas en cause le système à l'intérieur duquel il se situe mais s'attaque aux gestionnaires qui ont failli. Il les exhorte à céder la place et la responsabilité à d'autres Algériens… Brahim Taouchichet «Aujourd'hui nous sommes à 11 députés. Certains partis sont à 15 ou même à 9 députés et siègent à la vice-présence de l'Assemblée nationale. Cela veut dire qu'il se trouve un ou deux partis que le FNA dérange. Et pour être plus précis, il s'agit du RND. Son porte-parole a déclaré que la charte de l'Alliance présidentielle exclut le FNA d'un poste de vice-présidence à l'APN. Il y a là donc un problème.» Le Soir d'Algérie : C'est pourquoi vous réclamez la dissolution des assemblées élues et la tenue d'élections anticipées ? Moussa Touati : Il ne s'agit pas des intérêts de notre parti, mais du rôle de l'Assemblée nationale. Si elle est confinée à n'être qu'une boîte aux lettres, je n'en vois ni l'intérêt ni son utilité d'autant que le président de la République gère par ordonnance et les élus du peuple ne peuvent que les cautionner. Je ne vois donc pas pourquoi garder cette APN et tous les frais qu'elle induit. Autant envoyer les députés à la retraite et faire ainsi l'économie des billets d'avion, des voyages, des hôtels, etc. «Dissoudre l'Assemblée nationale et faire l'économie des frais inutiles.» D'où le discours plutôt radical et virulent du président du FNA ? Très direct et honnête… Electoraliste aussi peut-être… Non, non c'est la vérité. Je suis un citoyen comme les autres qui n'accepte pas que l'argent public soit détourné. Jusqu'où iriez vous dans vos critiques au risque d'être amené à changer d'avis comme ce fut le cas s'agissant de la révision de la Constitution par rapport au nombre de mandats présidentiels ? Le FNA a toujours été contre et a voté contre la révision de la Constitution. Nous avons dit que cela ne peut se faire sans aller d'abord à une charte nationale. Car, je pose la question : qu'elle est la nature de l'Etat algérien aujourd'hui ? Est-il laïc, islamique, communiste ? Ne craignez-vous pas des pressions au vu de votre démarche de contestation, une dissidence à l'intérieur de votre parti comme cela s'est déjà produit ? Je n'ai rien à craindre de personne. Si j'en étais là je partirai ailleurs mais je ne changerai pas de position comme ce fut le cas avec la Coordination des enfants de chouhada ? «Etre gouvernés par les puissances de l'argent est une grave dérive.» Que diriez-vous à ceux qui affirment que votre discours radical ce n'est que de la poudre aux yeux ? Je ne suis pas radical. Je crois à la volonté du peuple. La Constitution consacre le pouvoir du peuple. Si les assemblées élues se retrouvent sous la tutelle de l'administration cela signifie que s'en est fini de cette disposition constitutionnelle. L'élu demeure l'unique représentant du peuple et l'administration doit veiller à mettre en pratique ses décisions et recommandations. Pacifiste, légaliste ? Dans quel cadre inscrivez-vous votre action politique ? Vous savez, le militantisme ce n'est pas la violence. Il s'agit de convaincre le peuple qui décidera par les urnes. «Le militantisme, ce n'est pas la violence mais la sanction des urnes.» Et là intervient l'échéance électorale de 2012… Nous travaillons dans ce sens. Nous nous préparons pour prendre le pouvoir pacifiquement. Prendre le pouvoir pacifiquement ? Que le peuple retrouve confiance dans l'urne, exerce son droit civique. Avec le vote on peut changer les choses. «Les partis de l'Alliance présidentielle se sont ligués contre le FNA.» Vous mettez le peuple dans chacune de vos interventions. Quel type de société proposez-vous ? Je suis un citoyen algérien à part entière, à ce titre je fais partie du peuple algérien. Je n'ai rien à proposer que quelques idées force. Je m'en réfère à la proclamation du 1er Novembre 1954 : un peuple social, ni communiste ni capitaliste. Nous voulons construire cet Etat social, démocratique et populaire. Je me souviens que l'on nous disait : «L'indépendance, même s'il faut manger de l'herbe.» Aujourd'hui, je ne veux pas manger «el bellout» (le gland, ndlr) et eux le caviar. Cela vous tiens à cœur… Etre gouverné par les puissances de l'argent est une grave dérive. Nous n'avons pas chassé les Français pour être gouverné par des Algériens qui s'enrichissent sur le dos du peuple. De la loi criminalisant le colonialisme que l'APN n'a pas inscrite à l'ordre du jour de ses travaux comme vous l'avez demandé au référendum… Certains ont leurs intérêts propres à défendre ? Le référendum permettra de passer outre. Que l'on retienne que le peuple français a criminalisé le nazisme et ses conséquences comme destructions et crimes contre l'humanité. L'Allemagne a reconnu ses crimes faits au peuple français. C'est là un devoir de mémoire pour les Français. Pourquoi n'avons-nous pas le droit au même titre que les Français vis-à-vis du nazisme aux excuses ? Au même moment nous observons que la France officielle glorifie les harkis, les protège par des lois et menace quiconque leur porte préjudice de graves poursuites judiciaires. Pour les générations futures, il est de notre devoir de faire voter la loi criminalisant le colonialisme. Nous disons à ceux qui s'y opposent que si vous tenez l'Assemblée nationale la volonté populaire est souveraine. «Les élus FNA qui ont trahi la confiance placée en eux seront exclus.» Vos priorités aujourd'hui ? Consolider le parti, rappeler nos élus aux valeurs du FNA, car beaucoup ont oublié ce pourquoi ils ont été élus et qui ont fini par tourner le dos à nos électeurs. Comment expliquez-vous, M. Moussa Touati, l'ascension rapide – à peine 12 ans — du FNA sur la scène politique ? C'est à nos adversaires qu'il convient de poser la question. Comment un parti avec si peu de moyens est-il parvenu à devenir la première force politique du pays malgré la fraude? Disons que le FNA est le produit des aspirations populaires et en même temps un message de défiance du peuple à ceux qui nous gouvernent. «Ceux qui s'opposent à la loi criminalisant le colonialisme ont des intérêts à défendre. » Voulez-vous être président de la République et êtes-vous prêt pour cela ? Oui, Incha Allah. Un sujet que vous auriez souhaité évoquer ? L'espoir. Que les Algériens retrouvent confiance en eux-mêmes, qu'ils croient en leur pays, qu'ils peuvent changer les conditions de vie, qu'ils fassent du pouvoir un pouvoir populaire et non un pouvoir des personnes.