Notre premier sentiment s'agissant de ce qui s'est passé en Tunisie, puis en Egypte a été celui de la surprise. La Tunisie nous renvoyait l'image d'un pays tout à fait paisible.» Le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui a essayé d'expliquer la position algérienne vis-à-vis des révolutions tunisienne et égyptienne, dans une interview publiée par le journal le Monde dans son édition de samedi, laisse perplexe et renseigne sur l'étendue du désengagement de la diplomatie algérienne sur la scène internationale en général et arabe en particulier. Mourad Medelci reconnaît qu'il n'y a pas eu de réaction «officielle et rapide» face aux révolutions des peuples tunisien et égyptien. Son argument : «La tradition algérienne est de respecter ce qui se passe dans les pays tiers, même nos voisins.» L'explication de Medelci ne tient pas la route. Si la diplomatie algérienne dit n'avoir pas vu venir le vent de la liberté qui a soufflé sur Tunis et Le Caire, il est difficile, par contre, de la croire sur le fait d'avoir mis du temps pour prendre position. Disons le clairement, le régime de Bouteflika, qui lui-même est largement contesté par les Algériens, a joué à fond la carte de Ben Ali et de Moubarak jusqu'à la dernière minute. En réalité, c'est la chute de ces derniers qui était inattendue pour Alger, ce n'est pas autre chose. Et c'est la raison pour laquelle elle avait mis autant de prudence pour mieux voir. La position de la diplomatie algérienne trouve par conséquent toute son explication à la lumière de sa réaction face à la révolution libyenne. L'Algérie est l'un des rares pays au sein même de la Ligue arabe à avoir rejeté la décision de l'instauration par la communauté internationale d'une zone d'exclusion aérienne en Libye pour empêcher Mouammar El Gueddafi d'exterminer son peuple. Elle se distingue encore une fois par une position, pour le moins que l'on puisse dire, étonnante. Pour Mourad Medelci, ce n'est pas une guerre d'El Gueddafi contre son peuple, mais bien «une opposition armée entre une partie de la population et une autre». Le ministre des Affaires étrangères, qui ira jusqu'à confondre, arbitrairement, la situation en Libye avec celle de la Côte d'Ivoire, reprend littéralement à son compte les arguments du «leader libyen» qui pour s'accrocher au pouvoir brandit la menace terroriste. Il est, à raison, légitime de s'inquiéter sur le risque d'exploitation de la situation par les réseaux terroristes dans la région mais, à tort, de l'exagérer de telle manière à sous-entendre qu'il est souhaitable qu'El Gueddafi reste plutôt que de voir «réapparaître la menace terroriste de l'autre côté des frontières». Nous savons que le régime libyen joue à fond la carte «Al Qaîda» pour assurer sa propre survie, mais il est incongru pour l'Algérie de le suivre dans un tel raisonnement au risque de se retrouver en quarantaine dans une Afrique du Nord totalement refondée après la chute des régimes de Ben Ali, Moubarak et celui d'El Gueddafi décrié par toute la communauté internationale qui vient de reconnaître la légitimité du Conseil national de transition. En somme, il est à parier que derrière la sortie de Mourad Medelci, qui pense que «le climat est peut-être favorable pour tenter une médiation» en Libye, se cache le souhait de voir se maintenir le régime d'El Gueddafi et l'avortement de la révolution du peuple libyen. L'enjeu est que le vent de liberté, qui souffle sur le monde arabe et l'Afrique du Nord, s'arrête aux portes de Tripoli, aux pieds des chars du «frère El Gueddafi». Said Rabia Lectures: