Par Iskander DEBACHE. Paris le 17 Avril 2011. Dans la perversité du jeu de l'ogresse (La3b el Ghoula) érigé en sport national, les Algériens auront fini par comprendre que si le D.R.S. s'est fait un point d'honneur à exceller dans l'art de l'esquive et là il n'y a rien de nouveau, on était loin de supposer jusqu'où cette organisation criminelle pouvait péricliter si rapidement pour en arriver à un tel état de déliquescence au point où ses décideurs ont dû rater une occasion de se taire et nous épargner par là même, le triste spectacle de ce qui s'apparente désormais à une véritable contrepèterie institutionnelle si elle n'était pas si dangereuse non plus seulement pour la paix et la stabilité Nationales mais encore pour l'avenir même de la Nation. Il arrive parfois quand la parole est une qualité spirituelle reconnue, que le silence soit de salubrité écologique et le principe ne saurait tomber dans l'oreille d'un sourd quand la diversion se présente sous la forme d'un étalage obscène de nationalisme à deux Dinars et six centimes où des journalistes autrefois notoirement connus pour avoir gagé leur innocence dans la nuit de la decennie noire du terrorisme d'état sous les coups de reins du Général Toufik contre les misérables dividendes générés par une presse privée mise en place pour donner l'illusion d'un pluralisme médiatique de façade, ceux là même que notre Ahmed Benbella national qualifiait souvenez vous, de Chiyatine, en appellent aujourd'hui à hurler avec les loups pour jouer à l'opposition dans une vaine et illusoire tentative d'amener les Algériens à communier dans la curée d'un nouveau bouc émissaire choisi pour la circonstance et quel qu'en soit le prix même quitte à sacrifier dans une polémique imbécile ce qui fait à peu près l'essentiel du génome culturel Algérien…. A l'origine de cet article et de ce qui soulève mon indignation, un texte paru dernièrement dans la Nouvelle République et sorti de nulle part puisque non signé, a attiré mon attention: Bien que, rien de particulier dans la théogonie insipide claironnée par la presse Algérienne ne soit généralement fait pour attirer l'oeil, cette fois le titre avait de quoi surprendre et pour cause! Alerte aux consciences anticolonialistes….. Rien moins que ça! Mais la cerise sur le loukoum est encore plus ahurissante lorsqu'on apprend qu'en l'occurrence, le texte avait la prétention, tenez vous bien, de dénoncer Le lobby Néocolonial célébrant l'écrivain et journaliste colonial Albert Camus… Sauf que pour des raisons qui m'échappent encore ils se sont cette fois attaqués à un véritable monument de la pensée en la mémoire d‘Albert Camus celui là même qui militait pour l'émancipation des Algériens dans les colonnes d'Alger Républicain aux côtés d'Emmanuel Roblès, bien avant Henri Maillot et Maurice Audin, bien avant Henri Alleg et kateb yacine…. Cette fois, ils ont l'audace d'en appeler à crier haro sur le personnage en espérant peut être que les Algériens seraient assez naïfs pour être disposés à abdiquer un fait culturel lié à un pan aussi colossal de leur histoire mais qu'à cela ne tienne! Que l'initiative découle d'un excès pathétique de bonne foi dans la crédulité d'autrui ou dans le désir morbide de prendre les Algériens pour des mollusques anencéphales, au point où en est aujourd'hui ce qui reste de la presse Algérienne dans cette cour des miracles générée par le D.R.S. on ne peut que se rendre à une évidence de plus en plus criarde: Plus c'est gros et plus cela prétend passer! [Camus était un écrivain colonial. Edward Saïd en a dressé le portrait dévoilé la fonction idéologique : il joue un rôle particulièrement important dans les sinistres sursauts colonialistes qui accompagnent l'enfantement douloureux de la décolonisation française du XXe siècle. C'est une figure impérialiste très tardive : non seulement il a survécu à l'apogée de l'empire, mais il survit comme auteur universaliste qui plonge ses racines dans un colonialisme à présent oublié.»] Dixit « La Nouvelle République » Et pourquoi pas Albert Camus en membre actif de l'OAS pendant qu'on y est? On aurait annoncé que le Pape s'était converti à l'Islam et la douche m'aurait paru encore moins froide! J'hallucinais rien qu'à l'idée qu'il puisse exister de nos jours soit en 2011 un mammifère bipède d'une espèce bovine suffisamment décérébrée pour croire excusez du peu, aux supposées velléités Néocolonialistes d'Albert Camus! Pour cela, notre érudit de la Nouvelle République cite Francis Jeanson l'initiateur du réseau des « Porteurs de valises » auquel il décerne sans rire le titre de dernier martyr de l'Algérie soit, mais sans rien paraphraser, juste comme ça, pensant probablement créer une antinomie de son point de vue suffisamment convaincante pour espérer contrebalancer voire démolir l'image d'un illustre penseur comme Albert Camus celui là même qui disait à juste titre et sa voix résonne encore de nos jours tant ses propos sont toujours d'actualité: – J'ai mal à l'Algérie….. Sans doute encore sous le coup des effets pervers d'une démocratisation de l'enseignement tirée par les cheveux mais qui de son seul et propre avis aurait fait de lui un journaliste, l'auteur aura au moins retenu de sa scolarité que le plus court chemin d'un point à un autre reste la ligne droite tant le raccourci parait facile mais a sûrement dû zapper ses classiques au point d'ignorer l'amitié au moins spirituelle liant les deux hommes où Francis Jeanson lui même a déjà apporté un soutien appuyé quoique controversé à Albert Camus notamment dans le procès opposant les Lettres Nouvelles à Kravtchenko et plus encore dans la polémique les opposant alors tous les deux au philosophe et romancier Arthur Köestler dans la revue « Les Temps Modernes » où ils avaient à tords ou à raisons joint leurs paraphes à ceux de Jean-Paul Sartre et Simone De Beauvoir dans une critique soutenue publiée contre un Best seller de l'époque intitulé « Le zéro et l'infini »….. Il est certes de notoriété littéraire qu'Albert Camus n'a pas été très tendre dans son écriture de « L'étranger ». Sa description des facettes et composantes d'une société qui aurait pu s'ériger au rang de Nation si l'histoire n'en avait pas décidé autrement pouvait paraître choquante mais le fait est qu'en écrivain engagé et donc pragmatique, il ne pouvait se permettre une quelconque complaisance dans une description dithyrambique de son personnage sans risquer de perdre dans une lecture tronquée du fait colonial jusqu'au sens même de la réalité historique…. On pourrait sans doute pousser plus encore la chasse aux coquilles et autres contradictions du même cru mais là n'est pas vraiment l'intérêt de cet article. Présenté sous la forme d'une pétition et la signature conjointe d'autres érudits de la presse horizontale puisés dans l'aréopage habituel qui fait à quelque chose près l'essentiel de la clientèle du régime, le texte ressemble à s'y méprendre à un appel d'intellectuels qui aurait fait long feu mais donnons lui tout de même une chance de survivre sous la critique puisque de toutes façons et malgré cela, il aura encore la vocation d'un gros flop…. En réalité, ce qui frappe en premier en supposant toutefois que le journaliste ait pour ce faire reçu l'aval de son officier traitant, c'est que la naïveté de l'appel dévoile une triste réalité à savoir qu'on est loin du temps où le D.R.S. affinait ses approches en direction des intellectuels ce qui dans une lecture même approximative à la chose de basse police, confirme bien les rumeurs quant à l'hémorragie de cerveaux frappant cette organisation aujourd'hui en pleine déliquescence. On se croirait revenu au bon vieux temps du parti unique et d'El Moudjahid vociférant à qui voulait bien l'entendre et de toutes façons personne n'en avait réellement le choix, contre l'impérialisme, le Sionisme, le néocolonialisme et tout ce qu'il pouvait alors trouver en isme pour tenter de créer un éxutoire salvateur aux échecs répétés de l'état-F.L.N. encore qu'à l'époque, El Moudjahid alors seul organe d'expression de l'état avait au moins le mérite de se distinguer par la haute tenue morale, et de se maintenir à un niveau de cohérence littéraire sans commune mesure avec la Nouvelle République dans un discours quoique discutable mais néammoins dans la réthorique Manichéenne propre aux régimes Staliniens de l'époque et c'est justement là qu'il devient dangereux!… En Algérie, l'appel aux consciences anticolonialistes n'est jamais innocent. Quelle qu'en soit la forme, la discours est rodé et si l'on n'y prend pas garde, il pourrait s'avérer d'une efficacité redoutable… C'est une manière de dresser les Algériens les uns contre les autres en appelant à la conscience grégaire de la foule contre ceux qui défendraient la mémoire d'un vil colonialiste tel qu'Albert Camus! C'est à dire contre les intellectuels, les étudiants dont le régime n'a pas su contenir la dernière manifestation, qui le menacent aujourd'hui directement et en appellent sans vergogne au ralliement du peuple! Mais pas seulement, en fait la démarche est beaucoup plus pernicieuse puisqu'elle appelle à condamner au bannissement de ceux qui n'apporteraient pas un soutien clair et inconditionnel aux barons du régime. Autrement dit: « Ceux qui ne sont pas avec nous, sont donc des égarés et des traitres à la Nation »…. Des Harkis qu'il faut absolument combattre sans les moindres égards…. pour résumer, l'état voudrait livrer les étudiants et intellectuels Algériens à ses baltaguias….. Et les exemples ne manquent pas, sans jeu de mots stérile, en Algérie, les antécédents sont légion! Déjà pendant la guerre de libération, les assimilant de facto et de par leur appartenance de classe à la bourgeoisie coloniale, le Colonel Amirouche en avait liquidé une bonne partie pour atteindre le chiffre effarant de Six Mille quatre cent victimes de la bleuïte pour la plupart des étudiants de l'U.G.E.M.A. ayant fui la bataille d'Alger en rejoignant les Maquis. En 1962, le F.L.N. en avait également fait fuir une grande partie qu'il assimilait à des Francophiles. Dans les années Quatre Vingt Dix, lors de la décennie noire, le D.R.S. en avait dressé une liste confiée aux bons soins de ses hommes de main et autres exécuteurs de basses oeuvres des G.I.A. là aussi les victimes se comptent par Milliers dont les plus illustres étaient Ahmed Asselah, Vincent Grau, Raymond Louzoum, Mahfoud Boucebsi, Ismaïl Yefsah et bien d'autres encore tant la liste est longue…. Mais pire encore! C'est une manière de décérébrer tout un pays en s'attaquant d'abord à ses poids lourds de la pensée! Aujourd'hui on fait Haro sur Albert Camus, demain ce sera le tour de Jacques Berques, Jean Sénac, Emmanuel Roblès puis petit à petit viendra le tour de Kateb Yacine et pourquoi pas Saint Augustin?….