Constantine, 1958, une rue de la vieille ville : Une unité de paras fracasse la porte d'entrée de la maison 1, et s'engouffre dans le corridor qui débouche sur Ouest Dar (la cour). Le commandant de l'unité hurle un nom, et lui demande de se présenter fissa fissa (vite-vite), sinon il ordonnera à ses hommes de tout casser avant d'embarquer tous les mâles à partir de l'âge de 12 ans ! Le jeune homme descend en courant afin de protéger sa famille ; tous les occupants de la maison sont ses parents : père, mère, frères et sœurs, oncles et tantes, cousins et cousines. Il a à peine 18 ans, pas encore marié. Que lui veut-on ? Il est accusé d'être un fidaï, rien que ça ! Il est emmené à la sinistre cité Amèziane, transformée en centre de tortures par lequel va passer la moitié des Constantinois, au moins ! Sa famille ne le reverra plus jamais. Constantine, 1995, la même rue de la vieille ville : Une unité des services de sécurité fracasse la porte d'entrée de la maison 1, et s'engouffre dans le corridor qui débouche sur Ouest Dar (la cour). Le commandant de l'unité hurle un nom, et lui demande de se présenter fissa fissa (vite-vite), sinon il ordonnera à ses hommes de tout casser avant d'embarquer tous les mâles à partir de l'âge de 12 ans ! L'interpellé descend en courant afin de protéger sa famille ; il a des liens de parenté avec tous les occupants de la maison, le jeune homme embarqué par les paras en 1958 était son cousin. Cette fois-ci l'interpellé est marié, son épouse se trouve être aussi sa cousine, c'est la sœur du jeune homme enlevé en 1958 et que personne n'a plus jamais revu. Ses enfants sont réveillés brutalement, mais empêchés de coller à ses basques. Que lui veut-on ? Il n'en sait trop rien. Il est emmené dans les locaux des services de sécurité et confié aux bons soins du « Centre d'exploitation », euphémisme pour désigner le centre de tortures par lequel sont déjà passés des générations de jeunes et moins jeunes Constantinois, surtout des intellectuels et des syndicalistes, et au moins un archiviste. Sa famille ne le reverra plus jamais. Deux cousins enlevés de la même maison en deux périodes différentes : 1958, 1995. Même destin : disparition sans espoir de pleurer sur leurs cadavres. Vive la Révolution ! Lectures: