Lorsque la junte avait commencé à mettre en place les mécanismes du « terrorisme pédagogique », les Algériens n'avaient pas encore découvert l'horreur de la guerre contre les civils, qui allait être mise en branle. Cela a commencé par l'assassinat des intellectuels, des personnalités et des artistes parmi les plus populaires, les plus appréciés de la population, puis la logique s'est élargi à des populations entières, des populations isolées, de préférence choisies parmi celles qui avaient voté massivement pour le FIS. Le terrorisme pédagogique entre en suite dans une sorte de tourbillon infernal, qui avalait la vie partout où il passait. Enlèvements, séquestrations, torture instituée en règle systématique d'interrogatoire mais surtout de terreur, pour installer l'effroi au sein de la population acquise aux thèses islamistes, et même à celle qui sans y adhérer voulait se servir de cette dynamique pour balayer le régime odieux qui avait pris tout le pays en otage, et s'en servait comme d'un bien privé. Le terrorisme pédagogique parvint à un niveau d'organisation, et de redoutable efficacité grâce à la complicité active d'une certaine catégorie de la population que certains considèrent comme étant l'élite du pays. Journalistes, pseudo-intellectuels, « capitaines d'industrie », hommes d'affaires, et surtout pseudo responsables politiques, de formations qui n'avaient de représentativité que celle que leur faisait la machine à propagande du pouvoir, allaient tout faire pour que le carnage se commette à huis-clos, et inscrit à l'actif des « hordes islamistes ». Des relais installés à l'étranger, composés d'hommes politiques marrons, de pseudo philosophes, de journalistes et d'une faune de faiseurs d'opinion en tout genre, grassement rétribués ou induits en erreur sur la vraie nature du régime, allaient étouffer la voix des suppliciés, et permettre aux criminels contre l'humanité de commettre des massacres à grande échelle, et de leurrer une opinion publique qui mit longtemps à s'apercevoir qu'elle était victime d'une machination de grande envergure. Deux cent mille morts plus tard, et un cortège interminable de malheurs, lorsque les Algériens se rendirent compte qui était le chef d'orchestre de cette sanglante partition, les jeux étaient faits. Les généraux avaient réussi à laminer l'islamisme politique, avec ses propres armes et son propre discours. Et l'opération a été menée si rondement qu'elle a permis à ses auteurs, en plus d'évacuer la menace islamiste sur le régime, d'engranger des milliards de dollars de dividendes, pris sur la bête, au moment même où elle était saignée à blanc. Deux en un ! Liquider la menace et s'enrichir dans le même temps. Et pendant ce temps, les chantres de l'éradication, qui criaient à tue-tête qu'on ne pouvait pas faire la guerre avec des gants blancs, qui hurlaient à la mort, et tiraient à boulets rouges sur quiconque osait posait la question de savoir qui tuait qui, ces éradicateurs, comme ils se plaisaient eux-mêmes à se définir, en opposition aux réconciliateurs qui cherchaient à faire cesser le carnage, en firent tant et si bien que le monde entier à ignoré ce qui s'est réellement passé durant ces années de sang. Nombreux parmi eux, qui étaient sincères, et qui refusaient seulement de voir leur société basculer dans une impasse théocratique, sont revenus aujourd'hui de leurs illusions. Ils ont découvert le visage hideux de la bête immonde. Ils ont compris que la junte les a utilisés, pour pouvoir commettre des massacres de masse sans être inquiétée le moins du monde. Et de profiter de cette période confuse pour s'enrichir et constituer une nouvelle classe sociale, une bourgeoisie comprador sortie du chapeau, constituée des parentèles et des clientèles de la junte. Ils l'ont d'autant plus compris qu'ils ont observé, par eux-mêmes, que la junte a usé de tactiques pour ramener un Bouteflika qui a réussi à faire croire à une vaste réconciliation, entre « agents honorables de l'Etat » et « repentis ». Une vraie farce si ce n'était une autre tragédie, une autre injustice, commise contre tout un peuple, en lui extorquant un pardon scélérat, pour des crimes imprescriptibles, contre tout un peuple. Mais s'il y avait des gens sincères au sein de ces éradicateurs, il y en avait aussi qui étaient rétribués pour leur action, qui émargeaient dans les services, qui avaient un fil à la patte, où qui y trouvaient leur intérêt. Ceux-là, même s'ils sont rentrés dans leur trou, restent toujours opérationnels, et ne manquent jamais de montrer le bout de leur museau, lorsqu'ils se sentent protégés. Ce sont les pires, parce qu'ils soutiennent un régime sanguinaire et crapuleux, non pour des convictions, ni par peur d'une quelconque menace, mais parce qu'ils mangent au râtelier sanglant. Et ils sont d'autant plus haïssables qu'ils tentent encore de défendre l'indéfendable, en tentant de salir ceux qui osent braver le monstre qui dévore la nation toute vive. Aujourd'hui, il n'y a plus rien à cacher De nombreux témoignages sont venus confirmer la vraie nature du complot contre le peuple. Un journaliste de renom, qui avaient été assassiné en ces années de violence et de confusion, particulièrement estimé de ses lecteurs, qui combattait la terreur sans pour autant appeler au meurtre et à la dévastation, Monsieur Said Mekbel, rabi yerhmou, avait confié à une journaliste, peu de temps avant d'être assassiné, qu'il était convaincu que les assassinats ciblés de journalistes étaient commandités par le principal général du DRS. Ces confidences ont paru dans un livre de Monika Bergman: « Une mort à la lettre. » Curieusement, les chantres de l'éradication, ceux qui hurlaient à la mort avec les loups de la mort, n'ont pipé mot sur ce livre majeur. Eux qui partent au quart de tour, à chaque fois que la question « qui tue qui » est seulement suggérée, ont passé sous silence ce témoignage bouleversant, parce qu'il serait trop compromettant, s'il étaient ramené à plus de jour. Mais cela n'a pas empêché les Algériens de savoir, de tout savoir, malgré la main mise du régime sur tous les moyens d'information. Le peuple algérien sait aujourd'hui que les crimes qui ont été commis contre notre peuple ont été délibérément pensés, et froidement exécutés par la junte qui a pris la totalité du pouvoir, au lendemain de l'interruption du processus électoral. Le complot a été prémédité dans des détails infimes, jusqu'à infiltrer patiemment les groupes islamistes qui se constituaient, souvent sous l'impulsion d'émirs à sa solde. Mais il ne faut pas dédouaner les islamistes de ce carnage. Les islamistes armés, et même parmi ceux qui appelaient au soulèvement, ont joué un rôle tout aussi criminel, dans cette tragédie. Parmi ces islamistes, je fais personnellement la différence entre deux catégories, si je puis dire. Celle de gens sincères, souvent illuminés, endoctrinés à un point inimaginable, et qui croyaient réellement qu'ils menaient un djihad pour le triomphe de l'islam, et qui étaient à mille lieux de s'imaginer que les fetwas qu'ils mettaient en application sortaient des labos du DRS. Et l'autre, composée d'islamistes « organiques », des agents du DRS, infiltrés par ce dernier au cœur de la mouvance islamiste, et dont la mission était de faire perpétrer des carnages contre la population, par les groupes islamistes armés dont ils avaient pris le contrôle. Mais les uns et les autres étaient des alliés objectif de la junte, soient qu'ils en étaient les agents secrets, ou qu'ils agissaient à l'insu de leur plein gré. Les groupes islamistes armés ont pleinement contribué aux massacres qui ont été commis contre les populations civiles. Aujourd'hui, de nombreux leaders islamistes ont eu le courage de dire la vérité, ou une part de la vérité, dans les circonstances où elle s'est produite. Mais le chemin reste encore long, et il leur faudra assumer la réalité dans toute son ampleur. Nombreux parmi ces leaders, dont Anwar Haddam et Ali Benhadj, entre autres, ont appelé à une enquête objective et totalement indépendante, pour situer les responsabilités de chacun. Mais le régime a rejeté en bloc, et de façon très énergique, toute discussion qui pourrait aboutir à une telle éventualité. Parce qu'il sait que sa responsabilité est immense. L'affaire Zendjabil, une parmi d'innombrables autres, qui montrent combien l'implication du régime dans la gestion du terrorisme est monstrueuse, est significative à cet égard. Où l'on découvre que le trafic du kif et de la cocaïne étaient dirigés par un général major du DRS, et dont les sommes d'argent, faramineuses, en plus d'être partagées entre de nombreuses personnalités sécuritaires et judiciaires du pays, contribuaient aussi à financer le terrorisme. Nous ne sortirons de cette spirale infernale, et nous ne nous libèrerons de cette étreinte mortelle qui nous broie, que le jour où nous déciderons de faire éclater la vérité. La vérité doit être sue et dite. D.B le 05 08 2011 Lectures: