Dés le début de la guerre, les initiateurs de l'action armée ne tablent pas sur une victoire militaire. Dans le premier temps, la priorité est de créer un large rassemblement des Algériens afin de dépasser les querelles ayant handicapé le mouvement national jusque-là. Ainsi, pour que la voie de l'Algérie soit entendue, la délégation extérieure du FLN, dont la mission est d'internationaliser la cause algérienne, est renforcée. En effet, bien qu'en Algérie les activistes et les centralistes aient rompu tout contact après la tenue du congrès du comité central, le 15 août 1954, au Caire, les deux entités trouvent vite un terrain d'entente. Selon Ferhat Abbas, dans « Autopsie d'une guerre » : « La délégation extérieure s'étaient agrandie de deux centralistes : Hocine Lahouel et M'hamed Yazid. Ils avaient tous deux boudé le CRUA. Mais après la démonstration du 1er novembre, il n'y avait plus à hésiter. Ils rejoignent la délégation extérieure. Il faut dire à la décharge de Lahouel qu'il ne jouissait pas d'une bonne santé. Il souffrait des bronches et d'asthme. Par contre Yazid, plein de faconde et connaissant l'anglais, devient un bon collaborateur de Ait Ahmed. » A eux deux, ils accomplissent un travail fabuleux. Dans la répartition des tâches de la délégation extérieure, le rôle de chef des « relations extérieures du FLN échoit à Hocine Ait Ahmed. Cela dit, cette mission n'est pas facile à mener. Les Egyptiens ne veulent pas que la révolution algérienne leur échappe. Mais, à chaque immixtion dans le domaine des relations extérieures, Ait Ahmed les remet à leur place. En effet, bien que les services secrets égyptiens tentent de contrôler l'activité du FLN, Ait Ahmed et Yazid ne se soumettent pas à la volonté égyptienne. Ainsi, dés le début de l'année 1955, Ait Ahmed entend faire participer l'Algérie à la conférence de Bandoeng d'avril de la même année. Si l'on croit Ferhat Abbas [En plus, il n'y a pas de raison pour ne pas le croire], Ait Ahmed conserve son autonomie par rapport au pouvoir égyptien. Il faut juste noter que certains acceptent volontiers la tutelle de Gamal Abdel Nasser. L'auteur de l'autopsie d'une guerre écrit à ce propos : « Pour réaliser son projet, Ait Ahmed doit d'abord se battre contre les services spéciaux égyptiens qui voient d'un mauvais œil cette participation. Les Egyptiens voudraient garder « sous cloche » la délégation algérienne. Par contre Ait Ahmed entend conserver, coûte que coûte, sa liberté de mouvement. La direction de la « Révolution algérienne »n'appartient qu'aux seuls Algériens. » Cette attitude choque évidemment les Egyptiens. Mais Ait Ahmed n'est pas l'homme à badiner avec la souveraineté de l'Algérie. Cependant, contre l'avis des services égyptiens, Ait Ahmed et Yazid partent en Indonésie. En effet, pour prétendre participer à la conférence asiatique, il faudrait être sur place. Les premiers contacts, et c'est le moins que l'on puisse dire, ne sont pas encourageants. Les présidents des pays participant à la conférence dénient à l'Algérie le droit de siéger. Pour Ferhat Abbas : « Ils [Ait Ahmed et Yazid] se heurtèrent à l'opposition du Président Nehru. Celui-ci évite de déplaire à la France et épouse la thèse de celle-ci, à savoir que l'Algérie est partie intégrante du territoire français. » Bien qu'une telle opposition puisse décourager plus d'un, les deux représentants du FLN n'abdiquent pas. Pour ce faire, Ait Ahmed envoie Yazid, au Caire, pour informer les autres collègues. Quant à lui, il se fixe la mission de convaincre les délégations récalcitrantes. « Il effectue un immense travail d'information. Il se rend à Bombay, à Culcutta et développe le point de vue algérien », écrit encore Ferhat Abbas. Ces efforts sont vite récompensés. Méthodiquement et courageusement, Ait Ahmed parvient à retourner l'opinion des Etats asiatiques en faveur de la question algérienne. Ainsi, à l'ouverture des travaux de la conférence, Ait Ahmed, rejoint entre temps par Yazid, hisse l'Algérie au rang d'une nation. Dans cette conférence, les trois Etats maghrébins [Algérie, Maroc et Tunisie] forment une seule délégation. La victoire du FLN est consacrée dans les résolutions de la conférence. Selon Ferhat Abbas : « La résolution finale parle de « l'appui donné par la conférence asiatique et africaine aux peuples d'Algérie, du Maroc et de Tunisie». Quatre hommes d'Etat de dimension mondiale : Nehru, Chou Enlai, Soekarno, Nasser, avaient été convertis à notre thèse. Ait Ahmed, patient et persuasif, avait expliqué la « duplicité » du régime colonial appliqué à l'Algérie et rallié la conférence à notre juste cause. » Toutefois, après cette conférence, l'Algérie entre de plain-pied dans le concert des nations. Cette place sera jalousement gardée jusqu'à la fin de la guerre. Grâce au travail d'Ait Ahmed et Yazid, la question algérienne n'est plus cantonnée. Cette fois-ci, l'ONU est saisie de la question algérienne. Selon Ferhat Abbas : « La victoire sera remportée par les représentants du FLN, Ait Ahmed, Yazid et Chanderli. En septembre 1956, la question algérienne est inscrite à l'ordre du jour de la session de l'Assemblée générale des Nations unies. » Après l'arrestation d'Ait Ahmed, le 22 octobre 1956, lors du rapt aérien commis par l'armée française, M'hamed Yazid assure, avec abnégation, la représentation du FLN à l'extérieur. Peu à peu, la diplomatie algérienne s'étoffe par l'apport des autres militants. En 1962, cette même diplomatie va remporter une victoire sur la France. Car, à moins que l'on soit naïf ou qu'on se mente, la victoire algérienne en 1962 est diplomatique, et ce après avoir posé le problème militairement en 1954.