Pour Abdelhamid Mehri, Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda et Messali ont leur place dans l'histoire. Dix-neuf septembre 1958. Pour beaucoup d'Algériens, cette date ne veut rien dire. Et pourtant ! Il y a 52 ans, jour pour jour, a été proclamée, dans trois capitales, Le Caire, Tunis et Rabat, la naissance, tel que cela a été recommandé par le Congrès de la Soummam, tenu à Ifri le 20 août 1956 - la nécessité de créer des institutions politiques -, la naissance du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Cette date, ô combien importante dans l'histoire de la guerre de Libération, a été reléguée à la rubrique des faits divers, voire bannie, comme l'a été d'ailleurs le premier président du GPRA, Ferhat Abbas, qui a connu le «bagne» juste après l'indépendance. Drôle de manière de remercier un militant de la cause nationale, parce que, il faut bien le dire avec les mots qu'il faut, Ferhat Abbas a été humilié, dessaisi de son passeport, a vu sa pharmacie fermée et a été emprisonné, en 1963 à Adrar avec ses camarades, entre autres, Ahmed Francis et Abderrahmane Farès. Il sera libéré à la veille du renversement du régime de Ben Bella. En 1976, il rédige avec Benyoucef Benkhedda, Hocine Lahouel et Mohamed Kheireddine, un appel au peuple algérien réclamant la démocratisation du pays et dénonçant le pouvoir personnel et la charte de Houari Boumediène. Il sera assigné une nouvelle fois à résidence surveillée en 1978. En 1980, Ferhat Abbas publiera ses mémoires, Autopsie d'une guerre, et L'indépendance confisquée. Le ministère des Moudjahidine, dirigé par Chérif Abbas, a organisé hier un colloque, au cercle militaire de Beni Messous, pour se rappeler à la bonne mémoire de l'homme et marquer la naissance du GPRA. Mais sur le tard. La mémoire semble sclérosée et bien plombée. Chérif Abbas ne s'en démarquera pas pour autant, plus d'un demi-siècle après. Pour parler des raisons qui ont mené à la mise à l'écart après l'indépendance de l'enfant de Taher (Jijel) (Ferhat Abbas), il évoquera dans son allocution d'ouverture des divergences de vues sur la construction du pays. En appelant de tous ses vœux à l'écriture objective de l'histoire, mais se gardant de nommer le coup d'Etat contre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), Chérif Abbas ne montre pas la voie. La crise de l'été 1962 a été un tournant décisif pour l'avenir du pays. Et ce qui allait suivre, rien qu'en termes de l'écriture de l'histoire, trompera bien quelques générations pour instaurer une version d'une histoire qui arrangera les tenants du pouvoir et desservira l'Algérie. Abdelhamid Mehri qui a été invité, hier, à intervenir lors de la manifestation organisée par le ministère des Moudjahidine et à laquelle Ali Kafi, ancien membre du Haut Comité d'Etat, Youcef Khatib et Lamine Khan qui fut l'un des ministres du GPRA, appellera à la nécessité de corriger l'histoire pour n'en transmettre aux générations futures que des faits historiques dénués du superflu. Ainsi, soutiendra l'ancien ministre des Affaires africaines dans le premier gouvernement provisoire, la naissance de l'Etat algérien a eu lieu le 19 septembre 1958 avec la proclamation du GPRA et non après le référendum sur l'autodétermination. La proclamation de la création de l'instance exécutive a été suivie d'une reconnaissance en masse de dizaines de pays. Abdelhamid Mehri a appelé aussi à consacrer le 19 mars 1962, date de l'indépendance de l'Algérie, et le 5 juillet, date de la célébration de l'indépendance. C'est le 19 mars, affirmera-t-il, qu'a eu lieu la proclamation de l'indépendance du pays. L'ancien secrétaire général du FLN, qui a focalisé son témoignage sur le parcours de Ferhat Abbas, passera sur sa mise à l'écart, se dit scandalisé par la décision prise de supprimer le nom de Benkhedda du fronton de l'université d'Alger. Pour lui, Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda et Messali ont leur place dans l'histoire.