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Les trésors de la république : de l'Abbé Bargès au bourreau Meyssonier.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 25 - 12 - 2012

Fernand Meyssonnier, dernier contractuel de la République française en charge de l'exécution des arrêts criminels en Algérie, en d'autres termes, bourreau de la république, occupait une fonction comme une autre pour laquelle en tant qu'auxiliaire de la justice il était payé au SMIC mais touchait, pour chaque tête tranchée, une prime.
Dans son livre il explique toute la mécanique[i] mais ce ne sont pas ces détails morbides ni cette mécanique qui nous intéressent, encore moins le musée de la justice et des châtiments créé par les soins de cet homme, musée fermé en 1998 pour cause de non fréquentation et dans lequel il exposait sa collection de guillotines en miniature ainsi que des outils de torture du moyen âge dont je vous épargne les détails, d'ailleurs je ne me serais pas arrêtée à ce chapitre maintenant, si ce n'était cette paire de lunettes rangée dans le panier en osier (qui accompagne la ‘‘lucarne''[ii] miniaturisée) et qui n'est autre que celle de Abderrahmane Taleb, appelé le chimiste et guillotiné le 24 avril 1958 ; pour rappel, sur les 200 cents têtes coupées pendant l'exercice de ses fonctions en Algérie, 140 le furent de juin 1956 à Août 1958 et ne concernaient que les dits terroristes du FLN[iii], si les exécutions n'avaient pas été interrompues, le record du fameux Sanson, bourreau de Louis XVI aurait été battu en Algérie par Fernand Meyssonnier, l'un de ses descendants.
Et afin de rentrer dans le vif du sujet il est à noter que le bourreau d'Algérie n'a jamais été décoré comme par exemple son prédécesseur et non moins parrain, Henri Roch qui reçut dans les années 50 la médaille de vermeil du travail pour ses bons et loyaux services.
Les bourreaux sont la main de la justice et la justice est prononcée au nom de la république et du peuple, pourtant lorsque le 3 Avril 2012 devait se tenir à l'Hôtel Salomon de Rothschild (Maison de vente Cornette de Saint-Cyr) la mise en vente la « Collection de Fernand Meyssonnier » tout le monde, à commencer par les associations des droits de l'homme cria au scandale stigmatisant les vendeurs et les acheteurs, dénonçant l'absence d'éthique et surtout l'atteinte aux victimes, mais c'est là où le bât blesse : il n'y a pas de victimes selon les lois de la république et le bourreau désigné par toutes les têtes pensantes comme responsable de la mort de 200 Algériens militants de la cause de l'indépendance n'est que le bouc émissaire des contradictions et de la mauvaise conscience d'une société qui ne veut ou ne peut assumer et qui a cru s'émanciper juste en abolissant la peine de mort.
C'est paradoxalement en boycottant les pièces de Meyssonnier que les crimes sont occultés et c'est en présentant les bourreaux comme les pervers et les criminels de la république que cette dernière est disculpée.
Combien de bourreaux compte en réalité une république ? Meyssonnier a récupéré beaucoup d'objets mais dans sa collection on ne trouve ni la gégène ni les chalumeaux.
Le travail de la mémoire est censé éclairer les consciences et rétablir les victimes dans leur droit mais avant tout rétablir le droit, il ne s'arrête pas aux émois, aux stigmatisations et autres personnalisations, ce n'est d'ailleurs pas un hasard que les bourreaux comme les éminents politiciens évoluent toujours dans des lignées, des lignées bien séparées, certes, mais indispensables l'une à l'autre.
Devant l'indignation suscitée par tous ces objets, la vente fût suspendue, quelle victoire ! Et devinez ‘‘grâce'' à l'intervention de qui ? De Fréderic Mitterrand, alors ministre de la culture. Encore une affaire de pédigrée !
Les propos du très cultivé ministre sont sans ambigüité, tout comme sa vision de la culture citoyenne : « La collection concernée relève par sa nature plus de la morbidité et de la barbarie que de la culture et soulève par sa provenance de douloureux questionnements historiques ». La république, par la voix de son ministre n'aime pas les questionnements douloureux, pourtant il n'y a aucun mystère, la guillotine comme les cordes ou les baignoires à têtes ont bel appartenu à la république et refuser de les montrer aujourd'hui, au nom de la ‘‘bonne culture'', ou sous prétexte d'éviter à la société béate (dont sa lignée à la charge) des traumatismes, relève, non pas de la fourberie, mais du machiavélisme.
Fernand Meyssonnier s'avère en réalité plus courageux, plus cultivé et plus républicain, il réplique sans hésiter aux anthropologue et aux hommes politiques que non seulement il n'est ni marginal ni atteint d'une quelconque pathologie sadico-freudienne, qu'il assume sa fonction contrairement aux hommes politiques artificiellement outrés et qu'en plus il tient à démontrer par exemple que la guillotine était une grande avancée dans son corps de métier et dans la culture républicaine des châtiments, puisque seuls les nobles avaient droit d'avoir la tête tranchée, les roturiers, les vilains, devaient subir, avant de mourir, des supplices s'apparentant à ceux si bien décrits par exemple par Aussaresses et d'autres et qui ont eu lieu loin des échafauds, des foules et des décrets d'exécution.
Paradoxalement Meyssonnier sera mis au chômage dès 1961 mais presque tous les Aussaresses seront gratifiés.
Dans une république, force est de constater qu'il y a des besogneux à tous les niveaux, pas seulement au sein de la prestigieuse institution judiciaire ou militaire, mais même parmi les intellectuels les plus affranchis, les plus sympathiques et les plus humanistes qui, par exemple, abhorrent Aussaresses juste pour éviter l'affligeante et angoissante épreuve de s'arrêter, ne serait-ce qu'un court instant, sur le rôle de De Gaulle, dénoncent l'auxiliaire de la justice Meyssonnier allant jusqu'à le rendre responsable de la décapitation des militants FLN juste pour ne pas aller dans le détail de l'autre mécanique des énarques, gardes de sceaux.
Alors quand la lignée des bourreaux s'éteint et que celle des ‘‘pouvoirs spéciaux'' s'invite en Algérie, il est évident que ce n'est ni pour remettre la médaille de bravoure aux bourreaux ni pour entendre parler de victimes, encore moins, questionner l'histoire.
Je ne fais pas partie des rêveurs qui prêchent la repentance de la république Française alors que nous pataugeons dans nos propres canulars et qu'au jour d'aujourd'hui nous sommes incapables d'affronter nos faussaires, nos bourreaux et nos clercs qui, non seulement ne reconnaissent aucun crime mais en plus se sont taillés une loi sur mesure qui criminalise toute tentative dans ce sens. En revanche, lorsque je découvre que c'est dans la collection de l'Abbé Bargès qu'a été pioché le cadeau présidentiel qui nous est offert, je dis Haro à la république !
Hollande, je n'en doute pas, a bien choisi son cadeau de président de la république fidèle à sa filiation, un cadeau en apparence très personnalisé, à l'image du pouvoir Algérien, puisqu'il s'agit d'un livre[iv] flagorneur qui relate l'histoire de ce joyau de Tlemcen et de ses rois (une histoire sans douleurs et qui ne fâche pas), mais un cadeau qui va bien au delà s'inscrivant ostensiblement dans une démarche dédaigneuse et sarcastique qui, non seulement ne reconnaît pas les victimes, mais réhabilite le colonialisme par la grande porte et sous les ovations. Bouteflika, ses conseillers et ses scribes, connaissent-ils vraiment l'auteur de ce livre, l'abbé Jean-Joseph-Léandre Bargès ? Ont-ils pris cette peine d'essayer de décrypter ce choix ? Ont-ils consulté d'autres œuvres de notre Abbé sur Tlemcen ?
A la lecture de l'avant propos qui suit (du même Abbé Bargès) et que l'on trouve dans un livre que Hollande n'a sans doute pas eu l'outrecuidance ou le courage de nous offrir, je me dis qu'il y a là le pire des affronts, et que la rasade de bassesses que nous ont servi nos caméras pendant ce séjour n'est rien comparée à ce cadeau que nous a sans doute légués le cardinal Lavigerie.
Voici donc ce que vous trouverez en première page dans le livre de l'Abbé Bargès intitulé ‘‘Aperçu historique sur l'église d'Afrique en général, et en particulier sur l'église épiscopale de Tlemcen'' et qui aurait très bien pu aussi cadrer avec l'ambiance Tlemcenienne :
Dans un moment où tous les regards se tournent vers la terre d'Afrique, comme vers une terre d'espérance et de salut, dans un moment où des milliers de familles françaises vont porter le travail et la civilisation dans la nouvelle patrie qu'elles se sont choisies, emportant avec elles les vœux de bénédiction de la France entière, il m'a semblé que je ferais une chose agréable aux colons qui nous quittent, aussi bien qu'à tous ceux que leur sort intéresse, si je leur présentais un sommaire de l'histoire du christianisme dans les contrées que l'on va repeupler. Il y a plus de six cent ans, le flambeau de l'évangile fût tout à fait éteint, en Afrique par le souffle du fanatisme musulman et les derniers chainons de la tradition apostolique brutalement rompus par le sabre des disciples du faux prophète...
Les pires bourreaux ont souvent été réhabilités, décorés, honorés et protégés, les déserteurs Français qui ont refusé de tuer du bougnoul ont été mis aux arrêts puis graciés, les putschistes qui ont transporté la guerre l'Algérie jusqu'en France ont fini par être amnistiés.
La mécanique bien rodée fait que la famille de Maurice Audin attend toujours la vérité car, comme en Algérie, une amnistie votée à l'arraché interdit toute poursuite, la même mécanique fait qu'en 2012 nous en soyons à supplier les véritables bourreaux de ne surtout pas nous dire la vérité.
Constantine, Zineb Azouz
Le 24 décembre 2012
[i] «Pour la guillotine, il faut être quatre : l'exécuteur en chef, qui actionne le levier (mon père), deux adjoints qui ligotent le condamné et le basculent sur la machine, et enfin celui qu'on appelle »le photographe ». Moi, j'étais »photographe ». Devant la lunette, les doigts placés derrière les oreilles du type, je devais le tirer vers moi pour qu'il ne se rétracte pas soudainement. C'est une position dangereuse : on peut se faire couper les doigts. La lame tombe de 2,35 mètres et pèse 40 kilos (l'équivalent de 700 kilos à l'arrivée). C'est moi qui disais »Vas-y ! » à mon père quand j'étais prêt. Tout se jouait en un éclair.»
[ii] Lucarne est l'autre terme qui désigne la guillotine.
[iii] «François Mitterrand fut garde des Sceaux de février 1956 à juin 1957, pendant ce qu'on appelait pudiquement les »événements d'Algérie ». Lors de son passage, il y eut quarante-quatre décapitations et peu de grâces accordées. Je le sais : c'est moi qui faisais marcher la guillotine avec mon père.»
[iv] http://www.patrimoine.edilivre.com/tlemcen-ancienne-capitale-du-royaume-de-ce-nom-sa-topographie-son-histoire-description-de-ses-principaux-monuments-anecdotes-legendes-et-recits-divers-souvenirs-d-un-voyage-par-l-abbe-j-j-l-barges-barges-jean-joseph-leandre-1810-1896-ark-12.html


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