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François BURGAT : Syrie: « Plus que jamais, le régime cultive la fracture confessionnelle »
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 15 - 03 - 2013

Propos recueillis par Catherine Gouëset, publié le 15/03/2013 à 07:09, mis à jour à 07:32
Deux ans après le début des manifestations contre le régime de Bachar el-Assad en Syrie, comment est-on passé d'un mouvement de contestation à une guerre dévastatrice? quels sont les implications régionales de cette crise? Les explications du politologue Francois Burgat.
Deir Ez-Zor (Syrie)- le conflit a fait selon l'ONU plus de 70.000 morts et des millions de déplacés depuis deux ans.
Reuters/Khalil Ashawi
La transformation du soulèvement syrien en guerre est-elle dûe aux particularités de la société et du régime syriens?
Il a été très vite perceptible que la crise syrienne n'allait pas suivre le cheminement quasi linéaire des « printemps » tunisien ou égyptien. D'abord parce que le régime de Bachar al-Assad était moins unanimement déconsidéré que ceux de Ben Ali et de Moubarak. Ensuite et surtout parce qu'il a, au moins partiellement, réussi à faire passer, aux yeux des minorités confessionnelles, la contestation démocratique qui le menaçait pour une « révolte sunnite » qui les menaçait elles en tant que minorités et qu'il allait, lui Bachar, se faire fort de les protéger!
Al-Assad a bénéficié par ailleurs du soutien largement réactif d'un segment important de la communauté internationale qui avait été échaudé par le scénario de l'intervention occidentale en Libye. La Russie, aux côtés de l'Iran et du Hezbollah au pouvoir au Liban, lui a apporté ainsi un soutien qui s'est révélé décisif parce qu'il a très vite débordé le registre de la protection diplomatique du régime au bénéfice de l'entretien et du renforcement de ses capacités militaires.
A l'opposé, les occidentaux ont certes mis en oeuvre des sanctions contre ce régime mais, en se focalisant sur l'impossible unification de l'opposition en exil, ils ont tardé considérablement à soutenir l'effort de guerre des combattants qui, à l'intérieur, faisaient seuls l'essentiel du travail. L'aide ponctuelle des Etats arabes du Golfe n'a aucunement suffi à atténuer ce très profond déséquilibre. Depuis que -sans trop de surprise après les scrutins tunisien et égyptien- la tonalité « islamique » du bras armé de l'opposition s'est explicitée, dûment caricaturée par les soutiens du régime, l'Europe et les Etats-Unis semblent de surcroît douter du bien-fondé de leur action. On en est arrivé ainsi aujourd'hui à une situation paradoxale qui voit les Occidentaux, pour prévenir l'arrivée aux pouvoirs de groupes radicaux, faire perdurer une situation qui a pour effet de renforcer ces groupes et de crédibiliser leur radicalisme auprès d'une partie de la population, accentuant ainsi très dangereusement le risque de fracture confessionnelle.
Le régime, on l'a dit, a très cyniquement adopté dès les premières semaines de crise, et bien avant sa militarisation, cette stratégie de confessionnalisation des affrontements, pour mieux les dépolitiser. Il ne protège pas vraiment les minorités mais il s'en sert habilement pour se protéger. C'est lui et certainement pas les islamistes qui a joué dès le début cette carte pernicieuse de la division sectaire. Force est de constater qu'il a en partie réussi. Cette lecture confessionnelle est aujourd'hui l'une de celles qui concurrence le plus dangereusement la lecture initiale d'une puissante revendication démocratique unissant tout le tissu national.
Au Liban, la crise syrienne a vu ainsi (à l'instigation notamment du cheikh salafiste Ahmed Assir) certains compartiments de l'opposition sunnite se « reconfessionnaliser ». Malgré la présence dans la coalition gouvernementale, aux côtés du Hezbollah, d'une composante importante de la communauté chrétienne (les « aounistes »), une partie de cette opposition sunnite accuse le gouvernement de soutenir, sur une base seulement sectaire (c'est-à-dire en tant que chiites), « les chiites de Damas ».
Comment expliquer le choix de l'Iran et du Hezbollah de soutenir aussi inconditionnellement le régime syrien?
Il s'agit avant tout de leur part d'une peur existentielle face à l'isolement accru où ils se retrouveraient en cas de chute de leur seul partenaire régional, dans un environnement où ils se sentent en butte non seulement à l'hostilité d'Israël et de ses alliés occidentaux mais également, de plus en plus clairement, à celle de cette majorité sunnite de la région. Le terrible paradoxe de cette lecture sectaire de la crise syrienne est qu'elle n'était pas initialement la bonne ou, en tous les cas, qu'elle était très loin d'être la seule. Mais plus l'Iran et le Hezbollah « chiites » sont identifiés à la répression que pratique sans retenue le régime « chiite » de Damas, plus cette lecture prend de force aux yeux de tous les sunnites du tissu régional, au Liban ou en Turquie, en Irak comme en Jordanie.
L'afflux de réfugiés en provenance de Syrie peut-il déstabiliser davantage le Liban et l'Irak, mais aussi la Jordanie?
L'afflux de réfugiés n'est pas en tant que tel, automatiquement, un facteur de déstabilisation. Malgré l'importance du coût social et économique, la Syrie par exemple a fourni sans trop de dommages un effort généreux dans ce domaine lors du conflit irakien. La Turquie et la Jordanie gèrent elles-mêmes assez bien jusqu'à présent l'arrivée massive de ces réfugiés. Le danger existe pourtant : outre de l'inévitable crise humanitaire et des tensions sur le marché de l'emploi et du logement, il provient de cette « confessionnalisation » croissante du ressort des solidarités politiques régionales. En Irak, le gouvernement Al-Maliki est de plus en plus perçu par les sunnites solidaires de leurs co-religionnaires syriens comme seulement « chiite », ce qui met en péril un équilibre institutionnel déjà fragile. En Turquie, pour ne rien dire du dossier kurde, la question des Alevis (proche des Alaouites) a repris une nouvelle actualité. Au Liban, après celui des 500 000 réfugiés palestiniens, très majoritairement sunnites, qui a eu historiquement les terribles conséquences que l'on sait, l'afflux massif des réfugiés syriens pourrait bien à terme changer l'équilibre confessionnel au profit des sunnites et donc contribuer à accroître les craintes du Hezbollah.
L'option d'un repli du régime sur une partie seulement du territoire, que beaucoup jugeaient peu crédible l'été dernier, est-elle devenue envisageable?
L'acharnement militaire du régime sur Homs pourrait en effet indiquer que cette option stratégique de la dernière chance fait bel et bien partie des scénarios envisagés. La « trouée » de Homs est en effet un lien vital entre Damas et la côte alaouite. Mais c'est également un corridor essentiel entre ce possible « réduit » alaouiteet, au Sud, les alliés chiites de la Bekaa libanaise. Ce scénario constitue assurément l'un de ceux qui verrait la violence se pérenniser.
Ces développements internes mais aussi régionaux peuvent-ils laisser craindre un conflit durable, comme au Liban entre 1975 et 1990?
L'interminable scénario des 15 années de crise libanaise n'est pas encore de mise. Mais il est très clair que la reconstruction totale du tissu politique national et sans doute (question Kurde oblige) régional, que réclame la sortie de crise, n'a aucune chance de se faire en quelques mois.
Croyez-vous en la possibilité d'un dialogue avec une partie du régime ou la sortie de crise sera-t-elle forcément militaire?
Nombreux sont ceux qui pensent que l'option qui consisterait à laisser une porte de sortie honorable au pouvoir et à ses alliés reste à ce jour l'une des plus réalistes. Elle est effectivement sur la table depuis le tout début de la crise. Mais le régime n'a jamais rien fait de sérieux pour la crédibiliser. En face, pour toute une partie de l'opposition, tout particulièrement chez les combattants armés, l'idée que celui des deux camps qui détient le quasi-monopole de cette terrifiante violence mise en oeuvre par les armes lourdes et l'aviation puisse s'en tirer demain avec les honneurs, est largement inacceptable. Techniquement, il faut rappeler enfin qu'il n'existe pas à ce jour de commandement unifié des groupes armés qui serait en mesure d'imposer un cessez-le-feu généralisé. J'espère vivement me tromper mais je crains donc qu'en Syrie la parole la plus audible reste encore longtemps celle des armes.
François Burgat est chercheur à l'Institut français du Proche-Orient.


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