Pour calmer la tension intercommunautaire au Liban, le président syrien s'est rendu vendredi à Beyrouth, en compagnie du roi Abdallah d'Arabie saoudite. Ils ont été rejoints par l'émir du Qatar. C'est la première visite de Bachar El- Assad depuis l'assassinat en 2005 de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, opposant à l'hégémonie de Damas au Liban, attentat dans lequel la Syrie a été pointée du doigt. Ces rencontres se déroulent au moment où le Liban craint une exacerbation des tensions après l'annonce par le parti politique et milice chiite Hezbollah d'une possible mise en cause de certains de ses membres par un tribunal de l'ONU dans l'assassinat de Rafic Hariri. Ce dernier était très proche de Riyad ainsi que des pays occidentaux. Le Hezbollah est, lui, soutenu par la Syrie et l'Iran. La perspective d'une mise en cause du puissant groupe armé fait craindre un renouvellement des violences à caractère confessionnel de mai 2008 qui avaient opposé des partisans du Premier ministre sunnite, Saad Hariri, fils de Rafic Hariri, et ceux du parti chiite, et fait une centaine de morts. Les deux premiers rapports de la commission d'enquête de l'ONU avaient conclu à des “preuves convergentes” mettant en cause les renseignements syriens, ce que Damas dément. La situation est d'autant plus tendue que le tribunal sur le Liban sur l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic. Des observateurs politiques avaient échafaudé autour du sommet tripartite deux scénarios possibles. Le plus spectaculaire prévoit une rencontre politique élargie à Baabda, le Palais présidentiel libanais, avec les chefs religieux et les principaux chefs de file politique au Liban. Ses tenants appelaient à une réconciliation définitive des diverses parties libanaises, que pourrait rendre possible une franche discussion entre le président Assad et le chef de l'Eglise maronite, l'ennemi juré des Syriens, et encore entre le roi Abdallah et la chefferie chiite. Le second scénario, plus réaliste, avait prévu la présence, à Baabda, des seuls présidents de commissions parlementaires et des membres du bureau de la Chambre. Le souverain wahhabite dont le pays a maintenu des pièces et non des moindres au Liban avait rencontré le président égyptien Hosni Moubarak à Charm El-Cheikh, avant de se rendre à Dama pour prendre ensemble le chemin de Beyrouth. Abdallah a tenté de rapprocher l'Egypte de Hosni Moubarak de la Syrie de Bachar El-Assad, dont les politiques sont presque antinomiques, notamment sur le dossier palestinien et de façon plus exacerbée, celui de l'Iran, des ambitions nucléaires de Téhéran et de son soutien au Hezbollah libanais. En ce qui concerne le Liban, le roi Abdallah espère convaincre Assad d'inciter le Hezbollah à ne pas attiser les tensions à l'approche de l'inculpation probable par le Tribunal spécial de l'ONU de membres du mouvement chiite dans le cadre de l'enquête internationale sur l'assassinat en 2005 de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Selon les observateurs, si la Syrie et l'Iran soutiennent le Hezbollah, l'Arabie espère profiter de l'affaiblissement diplomatique de Téhéran, soumis à de nouvelles sanctions internationales en raison de son programme nucléaire, pour tenter d'enfoncer un coin dans leur alliance en faisant miroiter à Damas une aide financière importante. L'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa El-Thani, qui a rejoint le sommet tripartite à la fin, doit effectuer une visite de quelques jours à Beyrouth. Aujourd'hui, il est dans le sud Liban pour visiter les édifices reconstruits, après l'agression israélienne de l'été 2006, grâce aux aides de son pays. Et demain, il participera aux festivités marquant la fête de l'Armée. Les deux prochaines semaines sont cruciales pour le Liban. Il y a un risque d'escalade, de violences sectaires et heureusement que tous les acteurs impliqués sont conscients du risque. D'où ce ballet diplomatique arabe pour essayer de désamorcer la crise avant que celle-ci n'échappe au contrôle de la classe politique libanaise. Créé en 2007 par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) doit publier l'acte d'accusation entre septembre et décembre, selon son président Antonio Cassese. Si pour l'ancien Premier ministre, Fouad Siniora, le risque de voir le Liban sombrer de nouveau dans la guerre civile est une probabilité, même minime, son remplaçant, Saad Hariri, le fils du Premier ministre assassiné, affirme que le conflit sunnite-chiite est derrière le Liban. Un optimisme démesuré !