La révolte en Syrie exacerbe de plus en plus les tensions au Liban, qui a connu 30 ans d'hégémonie syrienne et reste profondément divisé entre adversaires et partisans d'Al-Assad. Dix personnes ont été tuées et 31 autres blessées par des échanges de tirs qui ont éclaté en début de semaine entre partisans et opposants au régime syrien à Tripoli, la principale ville du nord du Liban. Ce bilan est le plus lourd enregistré en une seule journée après plusieurs semaines de violences dans cette ville portuaire, qui illustrent le risque de contagion du conflit syrien dans la région. Le Premier ministre Najib Mikati, plutôt proche du Hezbollah, le parti chiite libanais normalement pro-syrien mais auquel son charismatique leader Nasrallah a imprégné de la modération s'agissant de la crise syrienne, s'est rendu sur place pour annoncer que “l'armée libanaise et les forces de l'ordre doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux affrontements dans la ville de Tripoli, cela sans réserves”. Les pros et anti-Bachar ont échangé des tirs de mitrailleuses et de grenades RPG. L'armée libanaise, très présente dans la région, s'est interposée avec des véhicules blindés mais des fusillades sporadiques se poursuivent par intermittence, plusieurs familles ont fui leur domicile notamment dans le quartier de Bab el-Tebbaneh, majoritairement sunnite et hostile au régime syrien de Bachar Al-Assad, et celui qui le jouxte de Jabal Mohsen, plutôt alaouite et sympathisant de ce régime. Tripoli a déjà été secouée à la mi-mai par une semaine de heurts entre pro et anti-Assad, qui avaient fait 10 morts. L'armée est intervenue le 15 mai pour séparer les protagonistes, prenant position dans la rue de Syrie qui sépare les deux quartiers, avant de se déployer à l'intérieur des quartiers. Tripoli est pour ainsi dire la capitale du Hezbollah. Après les premières violences à Tripoli mi-mai, les incidents se sont étendus à Beyrouth, où deux personnes ont été tuées le 21 mai, après la mort d'un dignitaire sunnite hostile au régime syrien tué par l'armée. Pour autant, les autorités libanaises évitent de prendre position dans le conflit syrien. Les Libanais sont divisés entre anti et prosyriens dont le puissant mouvement chiite du Hezbollah qui domine le gouvernement. Le régime syrien est de plus en plus irrité par le soutien apporté aux rebelles et réfugiés syriens par leurs voisins libanais où plus de 24 000 Syriens se sont réfugiés depuis le début de la révolte contre le régime de Bachar le 15 mars 2011. Les Libanais sont eux aussi partagés entre l'opposition syrienne, soutenue par les Occidentaux et les régimes arabes du Golfe, farouchement hostile au régime de Damas, et le camp du Hezbollah, appuyé par Damas et Téhéran, qui domine le gouvernement. D. B.