Engagement Jusqu'à La Mort À Ksar El Boukhari « L'Algérie a ratifié les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ci-après dénommé « le Pacte».. L'article 11 du Pacte constitue la principale source du droit au logement convenable en droit international. Par ailleurs, l'Algérie a ratifié d'autres traités pertinents en matière du droit au logement convenable, en particulier la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention relative aux droits de l'enfant, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. [...] Bien que le droit au logement convenable ne soit pas reconnu dans la Constitution de la République algérienne démocratique et populaire ( ci-après dénommée « la Constitution» , en vertu de l'article 132 de cette même Constitution, les engagements internationaux contractés par l'Algérie – et de ce fait le Pacte et son article 11– ont la primauté sur la loi nationale. » in Rapport présenté par Raquel Rolnik, Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant ainsi que sur le droit à la non-discrimination à cet égard, 2011 Depuis Samedi 25 grévistes de la faim occupent le palais de la daïra de Ksar el Boukhari. Composés de 15 femmes les manifestants ont fait le choix d'investir la daïra suite à la publication de la liste des personnes ayant accès au logement. Comme à chaque fois et dans la majorité des wilayas cette publication met en avant le copinage, les pots de vin et la corruption. Le logement du marché du logement demeure en Algérie un outil de coercition mettant de côté la réalité socio-économique. Et c'est afin de rappeler cette réalité, cette nécessité sociale que les grévistes ont fait le choix de recourir à une revendication ultime : la mise en danger de soi comme outil du répertoire d'action collective. En faisant le choix de la grève de la faim, un choix à portée tant collective et que symbolique, les manifestants ôtent au système l'outil de sa violence. Avec un pouvoir qui utilise toute opportunité pour transformer les revendications légitimes en acte de violence ( ainsi à Ouargla dernièrement) la grève de la faim est un choix pacifique et ultime. Les forces de l'ordre, police et gendarmerie nationale, qui entourent les grévistes révèlent ce paradoxe : face à des femmes et des hommes qui ne font montre d'aucune violence leur seul recours est l'intimidation morale et verbale : les grévistes sont qualifiés de terroristes, leur familles sont menacées, ainsi qu'eux même.Mais quand des hommes et des femmes choisissent de mettre en jeu leur vie pour obtenir l'application d'un droit humain légitime et reconnu internationalement que peuvent de telles menaces ? Alors un dernier recours pour le système : isoler ces hommes et ces femmes, empêcher que leur action soit médiatisée. Et jusque là cela fonctionne : sans parler des médias officiels ( officines aux ordres ) dont il ne faut rien attendre où sont les médias alternatifs, les réseaux sociaux ? Est-ce à dire que si il n'y a pas de violence il n'est pas utile de s'y intéresser ? Mais violence il y a, violence moins flagrante que les émeutes, mais violence profonde. La majorité des grévistes de la faim actuellement au sein du palais de la daïra de Ksar el Boukhari ne sont pas des militants : se sont des citoyens comme vous. Les femmes présentes sont des mères au foyer, des femmes divorcées, certaines d'entre elles ont 65,70 ans. La moyenne d'âge des hommes est de 35 ans, avec un homme de 55 ans. Ils dorment à même le sol, sur des cartons. Trois personnes ont déjà été évacuées à l'hôpital, une femme se trouve actuellement dans un état très critique. Aux slogans de pouvoir assassin, soutenus par la population locale, les grévistes continuent d'exiger d'être écouter par le pouvoir local et national, mais en vain.... A l'heure actuel personne ne les as reçus, le silence est total de la part des autorités . Les grévistes de Ksar el Boukhari sont dans une situation de plus en plus critique, c'est un drame en huis clos qui se joue là bas. Ksar el Boukhari n'est ce pas l'Algérie ? Ces femmes et ces hommes qui ont fait le choix de l'outil ultime et pacifique comme moyen de revendication dans un régime qui tente d'étouffer tout espoir, toute revendication ne sont-ils pas algériens ? Les ignorer revient en mon sens à jouer le jeu du pouvoir. N'y a-t-il que les émeutes ou les grandes marches qui méritent notre attention ? Seul un relai de la situation, une médiatisation, et une mobilisation aux côtés des grévistes de Ksar el Boukhari permettra d'éviter un drame à huis-clos et forcera les autorités à se manifester. Car si nous nous taisons, si nous restons indifférents cela n'empêchera pas les grévistes de la faim d'aller jusqu'au bout, espérant par leur acte non pas tant un bienfait pour eux mais pour les leurs, pour tous ceux qui actuellement ont oublié que le droit au logement décent est un droit inaliénable qui ne peut être marchandé par quiconque. La conclusion à Abdelkader KHERBA, syndicaliste et militant des droits de l'homme, gréviste, contacté hier : « Nous sommes prêt à aller jusqu'au bout, à mourir, pour le respect de notre dignité et de nos droits ». S.M le 16/04/2013