Oui, arrivé à un âge « canonique », je commence à me poser la lancinante question relative aux causes qui m'ont poussé à quitter mon pays n 1989 alors que je n'avais que 38 ans. Pourtant, rien ne me prédestinait à déserter mon pays natal où j'avais réussi à intégrer la noble famille universitaire et où j'avais réussi à créer péniblement une minuscule exploitation agricole. La création de cette dernière découlait de l'initial désir de vulgariser autour de moi des techniques agricoles et surtout avicoles inconnues au pays. Je n'avais donc aucune raison objective de quitter mon cher pays. Et pourtant, 1/ Lorsque j'ai constaté de visu que des responsables ; confortablement installés dans la fonction publique, avec tous les avantages ; se lier avec une petite mafia sociale qui phagocytait peu à peu le milieu social. Rien ne se faisait sans leur blanc seing même si l'initiative était désastreuse, 2/ Lorsque j'ai constaté que malgré mes compétences, ma probité, mon abnégation à faire du bon travail, je rencontrais sur mon chemin des incapables, « des introduits », des porte serviettes, des mauviettes, des fils de et de, gravir devant moi les échelons de la société alors qu'ils n'avaient aucun bagage pour le faire, 3/ Lorsque j'ai suivi, meurtri, les événements du 5 octobre 1988 où plus de 600 jeunes avaient été criblés de balles et qu'au cours de la même semaine le président Chadli claironnait devant un peuple anesthésié, que c'était bien lui qui avait donné l'ordre à l'armée de tirer à balles réelles...,[i] 4/ Lorsque le même président, poussé par la rue, a décrété le multipartisme qui excluait tout parti à obédience régionaliste ou religieuse et qui trois mois après a légalisé de multiples partis qui nous avaient appris à nos corps défendant, soit que l'on n'était pas de véritables musulmans ou prêchaient des discours régionalistes non fédérateurs..., 5/ Lorsque j'ai pu saisir le sens profond du mot moudjahid et son corolaire « La Famille Révolutionnaire ». J'ai tâté de mes doigts engourdis, la réalité algérienne où l'on nous confinait à une « algérianité » de 3 ou de 4ème zone..., 6/ Lorsque des amis qui ne nous veulent que du bien nous interpellent ainsi : « Pourquoi tu te rends malade pour un peuple qui n'en vaut pas la peine, tu vas finir par être traité de fou... », Et j'ai fini pas l'être !…, Ce sont les raisons d'un environnement réel que nul ne peut contester. Par contre, pour les lecteurs de LQA qui suivent mes pérégrinations, ils doivent connaître les raisons d'ordre professionnel qui m'ont dirigé vers une agence d'Air Algérie pour acquérir les 5 billets d'avion (aller sans retour), qui m'avaient permis de faire le saut de puce pour rejoindre Marseille. Ces raisons relatives à mon canevas professionnel sont les suivantes : A/ Lorsque des responsables s'immiscent pour tenter d'améliorer les notes de leurs rejetons, on s'exclu de facto si l'on s'y oppose, B/ Lorsque la justice est rendue dans les cafés, l'iniquité n'est pas bien loin..., C/ Lorsque les banques reçoivent régulièrement des ordres pour effacer tout simplement la ligne débit d'un fils de et de !…, et cet ordre est suivi dans le mois qui suit par un autre ordre pour l'ouverture d'une nouvelle ligne de crédit pour le même fils de et de..., je connais des fils et filles de et de... qui avaient réussi à bâtir des fortunes qui auraient offusqués pour certains, leurs pères vaillamment sacrifiés durant la guerre de libération nationale..., Je connais même des fils de et de... propriétaires de nos jours, de tours commerciales à Dubaï !…, Ou Rouh ou Rouh !… Enfin, j'ai mis en exergue les raisons de mon exil et je savais en mon for intérieur que je ne pouvais pas continuer à brasser du vent. Don Quichotte l'a fait avant moi et je savais que je n'avais pas l'envergure du personnage. Par contre, durant mes 24 ans d'exil, j'ai pu contempler la désagrégation homéopathique de mon cher et beau pays, je ne vous en dévoile que trois exemples qui résument le tout : - Une dévaluation drastique de notre pauvre dinar. En 1975, il fallait juste 5 dinars pour un dollar. En 2013, il faut en débourser 81 dinars pour le même dollar ? - En 2013, on approche les 70 milliards d'importation... Je frise l'aplasie !…, - Un ministre pris la main dans le sac, est parti avec une commission de 198 millions de dollars, le FBI parle de mouvements de fonds de 4,5 milliards de dollars !… et qui a vu cette même semaine la levée du mandat de recherche qui le frappe... Même mes yeux refusent de libérer le torrent de larmes qui supplient de dévaler !... [i] Tous les pointillés peuvent faire l'objet d'autres envois... Badreddine BENYOUCEF, Nîmes France le 30/11/2013