Les récents billets de Kamal Daoud, un des rares journalistes algériens dont les initiales suffisent pour le nommer, ont suscité de nombreuses réactions aussi controversées que légitimes. J'ai particulièrement été attiré par sa réplique ici même, à un article qui lui a été consacré. Je reprends entre guillemets une partie de son argumentaire et donne mon point de vue personnel sur ses écrits. Le plus objectivement possible... « J'ai lu ce texte et je trouve encore plus triste qu'il ne n'explique en rien ma position et participe à cette trahison du palestinien que je dénonce sans cesse. J'ai écrit que les solidarités sélectives et émotionnelles ne servent à rien et dégrade la cause, la victime et le solidaire. » Alors il faudra nous expliquer ce qu'il faut faire précisément devant ce drame que vivent les Palestiniens indépendamment de leurs divisions. Un petit territoire de 360 m2 sur lequel Israël déverse des centaines de bombes tuant essentiellement des civils. On reproche beaucoup aux dirigeants arabes leur lâcheté et leur silence devant ce drame, et quand les gens manifestent et se soulèvent contre ces crimes innommables, on leur reproche une « solidarité sélective et émotionnelle » ! Comme si, ceux qui participent aux manif de Gaza, étaient tous absents des autres manifs. Je ne pense pas qu'il y ait une indignation sélective. Il se trouve que le conflit palestinien est une des plus grandes escroqueries de l'Histoire, non pas pour des motifs religieux ou identitaires, mais de par l'injustice même faite à ce peuple colonisé qui paye aujourd'hui à lui-seul le lourd tribu des occidentaux vis à vis du peuple juif. Faut-il rappeler qu'Israel , création d'un Occident triomphant est en partie une conséquence liée à sa « culpabilité » et à sa « mauvaise conscience » ? Et que c'est le seul pays au monde qui fait fi de toutes les résolutions de l'ONU en toute impunité ? Dans tous les pays du monde, les manifestations ont toujours été un mode d'expression d'un ras de bol. Et que c'est du poids de ces manifs que de nombreux conflits dans le monde ont été résolus (Viêt-Nam, Rwanda, Afrique du Sud...). Bien évidemment que manifester assis ne suffit pas ! « On marche, on tourne et on rentre chez soi quand tout est fini. ». Mais croyez-vous que ceux qui manifestent ne font que ça ? A Clermont-Ferrand par exemple, un des instigateurs de la manif pour Gaza est un chercheur de l'INRA reconnu mondialement pour ses travaux. Il a manifesté samedi contre les crimes d'Israel. Et lundi matin il a retrouvé ses microscopes, centrifugeuses, cathéters et autres Chromatographes en phase gazeuse. D'autres comme lui ont manifesté samedi dernier et ont retrouvé dès lundi matin, leurs rédactions, leurs guichets, leurs responsabilités professionnelles. C'est cette caricature que vous faites maladroitement – et qui semble elle-aussi tout aussi émotionnelle- qui peut choquer ceux qui sont partis manifester leur solidarité et dont certains ont pris des risques non négligeables en participant à une manif non autorisée à Paris. « J'ai plaidé par une autre voie: construire des pays forts, des réseaux, des lobbys, des économies puissantes à même d'aider l'opprimé partout » . Qui peut vous contredire Ya Kamal ? Mais manifester pacifiquement empêche t-il de contribuer au développement de son pays ou de construire des lobby ? Bien au contraire, et vous savez bien combien les médias et les politiques accordent de l'importance au nombre de participants à une manif. La construction d'un lobby et sa force se mesure d'abord par le degré de mobilisation pour la cause qu'il défend. Ce n'est pas sans raison que le ministère français de l'intérieur interdit certaines manif sous le fallacieux prétexte qu'elles risquent de porter atteinte à la sécurité publique. Alors que l'écrasante majorité des manifs autorisées se sont passées dans le calme. « J'ai plaidé pour l'intelligence dans la réaction, l'efficacité, la méthode et la ruse même. ». Cette phrase suppose t-elle qu'il n y a que des manifs pour exprimer une opinion ? Si c'est le cas, c'est oublier le travail de profondeur de ces très nombreuses organisations de soutien aux palestiniens. Ces organisations ne se contentent pas de manifester et elles manifestent très peu du reste. Mais elles font un vrai travail méthodique et efficace de sensibilisation par une information très ciblée. En temps de paix, en allant dans les territoires occupés et faire des reportages sur la vie des palestiniens, en ramenant avec elles des produits palestiniens (huile, fruits secs, artisanat...) qu'elles vendent partout dans le monde et en réservant le produit de la vente aux palestiniens. Voilà la réalité Kamal. Un journaliste de votre trempe, lu et suivi, devrait accepter la critique constructive. PS. Galhoum Achard « La plus cruelle manifestation de désapprobation du public, c'est son absence. Qu'il siffle, mais qu'il vienne. »