Alors que la seconde journée du championnat national de foot se solde par la mort de l'attaquant de la JSK Albert Ebossé, tué par un projectile lancé des tribunes, à l'issue de la rencontre qui a opposé le club phare du Djurdjura aux usmistes d'Alger, jamais l'image de ce sport n'a été aussi triste, terne et lamentable. Aux indéniables vertus pédagogiques du jeu – respect des règles, initiation à la vie en commun – se mêlent affairisme, corruption et règlements de comptes entre présidents de clubs, entretenus par une presse qui confond entre sport et hooliganisme. Quels enseignements doit-on tirer de la mort tragique d'Albert Ebossé ? Outre que le football, otage de la pègre qui n'a aucune relation avec le sport, est dévoyé par la loi du profit, une idéologie de la sélection fondée sur la violence et la force, l'Algérie n'a aucune politique sportive. Comment expliquer le fait qu'avec seize équipes d'élites, notre pays est incapable d'avoir une équipe nationale digne de ce nom, est contraint de chercher tout le temps parmi les binationaux dont la majorité ne connaît même pas l'Algérie, pour participer à une manifestation sportive régionale ou internationale ? Que fait un trabendiste que rien ne lie au sport, en l'occurrence Raouraoua, à la tête de la FAF ? On analyse souvent le football comme source de plaisir, de socialisation, d'apprentissage de règles et de lois, et de respect de l'autre. De nombreux sociologues et philosophes n'hésitent pas à attribuer au football des qualités formidables, sans signaler toutefois ce qui constitue son paradoxe central dans certains pays comme le notre : c'est aussi une industrie reposant sur de sales affaires qui lient étroitement la pègre au milieu « boulitique national », doublé d'un sentiment localiste, régionaliste et nationaliste, subtilement exploité par les clans qui s'affrontent au sommet de l'Etat pour la conquête du pouvoir. Invité à donner son avis à la suite de ce tragique événement qui a outré toute la Kabylie, Hannachi, comme à son accoutumé, pointe du doigt l'arbitre en l'accusant d'être le seul responsable de la mort du joueur camerounais. Rien que cela ! Que fait Hannachi à la tête de l'un des clubs les plus prestigieux d'Afrique ? Quel est son apport dans le développement du sport en Algérie d'une façon générale, et en Kabylie d'une façon particulière ? Comment un chef de parc au Djurdjura devient-il du jour au lendemain le président d'un club algérois tout aussi prestigieux que celui de la JSK, du Mouladia D'Alger ou du CSC ? Quelle est sa relation avec le sport et le foot ? Qu'en est-il des autres présidents dont la seule passion pour le sport se résume à ramasser le maximum d'argent et de servir la politique populiste du régime ? En effet, le football n'est pas seulement un sport, c'est aussi et surtout, dans notre société spéculative à outrance, un secteur qui rapporte gros, aussi bien sur le plan économique que sur le plan politique, car il prépare les individus à accepter la gouvernance selon les règles du régime maffieux, la sélection, la précarisation et le nouveau mercenariat. Le football n'est plus un sport de socialisation et de fair-play en Algérie. Il est devenu une propagande dont se sert l'Etat pour faire accepter son visage hideux au grand public, et surtout assurer le profit maximal, blanchir l'argent sale, corrompre, magouiller et financer des réseaux clandestins pour la pérennité du régime. Il n'y a aucun doute, le foot est l'otage de la pègre en Algérie. Et si on lui demandait de rendre cette discipline qui enflamme la foule aux vrais athlètes et autres sportifs qui ont à cœur de construire une vraie politique sportive nationale !