Un groupe d'enseignants universitaires Afin de compléter les multiples écrits déjà publiés par certains de nos collègues, nous, un collectif d'enseignants, chercheurs et doctorants souhaiterions exposer de nombreux points qui portent atteinte à la dignité et intégrité du corps enseignant et ternissent l'image de notre secteur ainsi que celle de l'Algérie. Notre contribution est purement pédagogique et scientifique et vise à l'amélioration du système éducatif et de nos conditions de travail. 1. Concernant les doctorants : des étudiants sont en grande souffrance psychique les amenant à être suicidaires ou à abandonner leur recherche en raison, non pas de leurs études, mais simplement en raison d'attitudes agressives de la part de leurs formateurs. Ces étudiants, le plus souvent de sexe féminin, avec quelquefois la complicité muette de leur entourage, sont les victimes de harceleurs souvent multirécidivistes et impunis. Nous citerons à titre d'exemples des encadreurs de thèses qui font trainer leurs étudiants pendant des années et quand ces derniers ont la chance de passer devant le jury de soutenance, le mentor s'arrange pour demander parfois de revoir toute la problématique de la thèse alors que l'étudiant(e) vient de décrocher son doctorat avec mention très bien. N'est pas là un paradoxe ? Dans certains établissements, en raison de certaines manipulations de résultats des concours, les plus méritants sont déclassés ou carrément déclarés défaillants; dans d'autres, les étudiants en master se voient contraints d'agir de façon contraire à l'éthique pour la hiérarchie moyennant ainsi leur réussite au concours du doctorat ; dans d'autres les places se paient en nature ou autre. Les programmes en doctorat sont faits de façon irréfléchie alors qu'ils devraient en premier lieu contribuer à l'avancement de la carrière des étudiants. Les étudiants se retrouvent avec des semblants de cours qui n'aboutissent à rien. Dans certaines institutions, on permet à des maitres assistants ‘B' et même à des doctorants d'enseigner en doctorat ! N'est ce pas là le comble de la médiocrité ? On nous dira peut être qu'il y a un manque d'enseignants plus qualifiés et ceci nous amène à notre second point. 1. La qualification des enseignants: Comment être plus qualifié quand l'administration vous mets les bâtons dans les roues ? Bien que notre pays alloue un budget plus que conséquent à l'enseignement supérieur, nous sommes confrontés à des blocages de toute sorte. Par exemple, s'il y a eu des allègements concernant les conditions de soutenance des doctorants et celles permettant l'accès à l'habilitation universitaire, les Maitres de conférences ‘A' (MCA) se sont vus durcir leur passage au grade de Professeur. Nous citerons ici seulement les conditions qui portent préjudice non seulement aux enseignants mais aussi à la profession elle-même : 2. Avoir exercé pendant 5 ans jour pour jour après la nomination au grade de Maitre de conférence ‘A'. Pourquoi instituer ce délai lorsqu'on sait que certains conférenciers ont reçu leur nomination des mois après la soutenance de leur habilitation juste parce que leur chef d'établissement les a bloqués. D'autres conférenciers très actifs sont prêts à postuler pour le grade de professeur bien avant les 5 ans mais bureaucratie oblige et décourage certains qui préfèrent quitter accentuant ainsi le déficit en encadreurs. 3. Avoir encadré et fait soutenir au moins 2 étudiants en magister et/ ou doctorat. Nous savons tous que faire aboutir un étudiant relève du parcours du combattant et ne dépend pas uniquement du promoteur. Certes, certains collègues sont un peu laxistes mais il ne faut pas oublier les rouages administratifs : Lorsqu'un étudiant dépose son travail fini, il est soumis à des attentes interminables en raison des lenteurs administratives et souvent du temps que certains membres de jury prennent pour remettre leur rapport de soutenabilité. Vu le déficit en encadreurs, en grande partie du aux conditions d'accès à l'habilitation, il faut aussi prendre en considération le nombre de thèses qu'un promoteur a en charge. Alors qu'un docteur de l''ancien régime' accède directement au grade de Maitre de conférence A, celui dit du ‘nouveau régime', qui parfois a plus de publication à son actif que le premier cité, devait passer par l'habilitation universitaire. Il lui fallait attendre une année jour pour jour après sa soutenance de doctorat pour pouvoir déposer son dossier. La tradition étant que le candidat doit lui-même se déplacer pour dispatcher son travail aux membres de son jury, souvent hors wilaya, faute d'information, certains de nos collègues ont perdu des mois et des mois. A ne pas oublier aussi le fait que certains membres de jury peuvent refuser un candidat simplement pour se venger de son promoteur contre qui il a une dent, et dans ce cas if faut changer le membre du jury et repasser le dossier au CS. Comme si tous ces retards n'étaient pas suffisants, certains membres de jury se permettent de ne pas venir le jour de la soutenance invoquant des motifs insensés. 4. Le calcul des points est aussi basé sur les colloques et conférences organisés par le candidat. Comment organiser ceux-ci lorsque la hiérarchie rejette toutes les propositions de certains et n'acceptent que celles venant de collègues avec qui ils ont des intérêts communs? 5. Concernant les publications et communications dans des conférences : la commission propose 4 variantes : Dans l'une des variantes, le candidat au grade de professeur doit avoir une publication nationale. Ce qui est légitime mais dans certaines disciplines, il n'a pas de revue nationale ? Et quand elle existe, il faut ‘connaitre' quelqu'un pour se faire publier. On exige également que les publications et communications soient exclusivement dans la spécialité du chercheur. Dans une ère de pluridisciplinarité, pourquoi pénaliser les chercheurs qui sont capables de publier dans plusieurs domaines ? La recherche étant un vaste domaine, pourquoi la cloisonner au lieu de l'enrichir? Dans une autre variante, on nous exige des participations à des conférences internationales. Les textes qui régissent notre secteur accordent aux chercheurs le droit au congé scientifique seulement pour l'obtenir, c'est la croix et la bannière. Toutes les excuses sont bonnes : pour certains le dossier doit passer au conseil scientifique, mais cette condition ne s'applique pas à tous ! Certains responsables retardent les réunions de CS dans l'espoir de décourager le chercheur, d'autres iront jusqu'à faire remettre des documents erronés dans le but de faire rater la conférence au chercheur tandis que d'autres essayeront de bloquer les frais de mission soit au niveau de l'établissement soit au niveau de la banque. Souvent on s'entend dire qu'il n'y a pas d'argent ou qu'il faut attendre le budget complémentaire pourtant les chercheurs qui communiquent se comptent sur le bout des doigts. Le chercheur alors se voit contraint de financer lui-même sa conférence pour avancer dans sa carrière et celui qui n'a pas les moyens se voit contraint d'annuler sa communication. Il faut ajouter à toutes ces contraintes le fait que les frais de mission même s'ils ont été revus à la hausse ne couvrent pas tous les frais dans certains pays et sont toujours calculés en Euros pénalisant ainsi ceux qui se rendent dans les pays où la monnaie a un taux de change plus élevé. Enfin, certains enseignants se voient carrément refuser ce conge scientifique sous prétexte que leur spécialité est différente de celle de l'établissement qui les emploie. Ce qui nous amène à cette conclusion : un juriste doit exercer dans un établissement purement juridique ; un sociologue n'a pas le droit de travailler dans un établissement de science politique ; un médecin ne peut pas travailler dans un établissement scolaire ; un légiste doit s'enfermer dans une morgue. Dans cette logique absurde, et qui de surcroit n'existe dans aucun des textes qui régissent notre secteur, chacun doit exercer dans l'établissement qui l'a formé. Pourtant nombreux sont ceux qui ont du faire leur mutation vers d'autres établissements. 1. Passons maintenant à la dernière condition, le fameux bouquet Thomas Reuters institué en juin dernier. Expliquons d'abord à nos lecteurs ce qu'est ce bouquet des bouquets : ‘Thomson Reuters est un nouveau groupe mondial de l'information professionnelle, financière et juridique. Ce groupe fournit des informations sur plusieurs sujets : la science, les finances, le domaine médical, les médias, la comptabilité et le domaine juridique principalement.' Ce groupe s'est ensuite accaparé le domaine des revues dites scientifiques, toujours commercialement parlant. En novembre 2009, la Commission européenne a attaqué ce groupe en raison de l'abus de sa position dominante (article 82). En décembre 2012, cette même commission a adopté une décision qui rend juridiquement contraignants les engagements proposés par Thomson Reuters. Pourtant en 2014, notre secteur a restitué à ce bouquet sa position dominante en décidant de mesurer la qualité de travail de ses chercheurs par le biais de ce même bouquet qui utilise l‘impact factor'(IF) pour estimer la ‘visibilité' d'une revue scientifique. De ce fait, une revue dont l'IF est élevé est considérée comme étant importante parce que plus lue et plus citée. Ce qui est exagéré car certaines revues ont réussi à obtenir un IF important moyennant des sommes exorbitantes pour la publication d'articles alors que scientifiquement parlant, elles ne valent rien. Il reste à se demander pourquoi les grandes universités du monde telle que Sorbonne, Yale, Harvard, Cambridge ou Oxford, pour n'en citer que quelques unes, n'ont jamais recouru à ce système d'évaluation pour mesurer la qualité des travaux de leurs chercheurs ? Un chercheur, en Algérie ou ailleurs, dont l'article a un potentiel, scientifiquement parlant, n'a jamais eu à payer un centime pour ses publications. Il est tout à fait légitime de rechercher la qualité et d'exiger des publications indexées mais de là à faire de nos travaux des productions TAIWAN, c'est humiliant ! Nous ne voulons rien d'autre que servir notre pays dans la dignité. * facebook * twitter