C'est la bipolarisation traumatique à tout va ! Au moment où le prix du baril dégringole annonçant la fin des années de vaches grasses pour la petite société d'indus-décideurs, de leurs familles, de leurs tribus, le tout entouré de lèche-bottes, toutes langues comprises, et la continuité dépressive des années de vaches maigres pour l'écrasante majorité des algériens, au moment où la stratégie de maintien du régime par la corruption, la compromission et l'achat de la paix sociale tourne au vinaigre, au moment où les maquis sont acquis à un ancien terroriste, chargé de mission du service après-djihad pour organiser une université d'été de la barbe et les espaces médiatiques lui sont ouverts pour insulter nos mémoires, se moquer de nos blessures et tourner en bourrique nos consciences, au moment où Air Algérie est déplumée à Bruxelles, le jour même d'une énième hospitalisation du président de la chaise roulant pour ceux qui savent le soigner, hasard programmé, des ascensions éclaboussent le ciel d'un quotidien qui prend les couleurs du crépuscule à l'aube. Celle qui concerne un barbu d'un autre âge, bombardé imam au nom d'une «religiosité populiste» promettant le paradis au bout de la barbe et l'enfer à chaque bidâa de liberté... Le ton n'est pas anodin. Les critères du casting et le choix du temps pour un « appel » lancé par cet imam aux ordres «à l'Etat» pour légitimer et légaliser le meurtre du journaliste le sont encore moins. Tout appel au meurtre, toute atteinte à l'intégrité physique de l'être humain et à sa dignité doivent être condamnés sans aucune ambiguïté. L'intégrisme, religieux ou antireligieux, doit être combattu. Seulement, il est impératif de faire attention au piège de la mobilisation massive des émotions-produites par une telle sortie médiatique-pour faire diversion sur les questions de fond que l'on peut articuler autour de deux points : 1-la remise en cause dangereuse de la souveraineté nationale qui menace l'unité du pays. 2- l'impératif d'engager un processus national pour une nouvelle construction de la citoyenneté algérienne. A l'évidence, ce débat n'est pas à l'ordre du jour de ceux qui veulent engager une construction contrôlée d'un antagonisme d'opinion autour de dualités toutes faites. Du «terrorisme pédagogique» à la régression traumatique... De prime à bord, les ascensions médiatiques, évoquées plus haut, nous renvoient aux années de braise. Elles réveillent, en nous, les vieux démons de la peur qui nous paralysent. Elles nous rappellent ces longues nuits de sang qui n'ont pas encore révélé tous leurs secrets et ces jours interminables de larmes qui continuent de hanter nos esprits, à réduire nos élans de libération de ces prisons invisibles à néant, à remuer le couteau dans la plaie. Elles nous rappellent, inévitablement, Tahar Djaout et Said Mekbel, les deux étaient journalistes, les deux furent assassinés au nom d'un «terrorisme pédagogique» auquel les auteurs ont sculpté, sur mesure de laboratoires, des visages barbus et des silhouettes vêtus de qamis. Aujourd'hui, la barbe et la qamis sont encore disponibles, le journaliste aussi, avec un bonus : des traumatismes profonds au cœur de nos mémoires collectives et des lésions douloureuses à l'âme de notre destin national. Un coup de projecteur, deux tons médiatiquement opposés, assaisonnement aux réseaux sociaux, et le tour est joué ! Les spécialistes de la contre insurrection préventive ne le savent que trop. Voici, donc, sorti tout chaud leurs laboratoires d'ingineering social un clown cloné au discours de la haine et de la violence pour créer une diversion et prolonger, par la même, la longévité d'un régime incapable de se renouveler et d'offrir des perspectives autres que le chaos au peuple algérien. La loi de finance 2015 sera la plus dramatique depuis une vingtaine d'années. La hausse fulgurante des prix de denrées alimentaires nous donnent un aperçu sur ce que seront les lendemains de la majorité des algériennes et des algériens. A défaut d'une alternative immédiate, le régime, via sa police politique, a choisi de surfer sur les traumatismes de notre peuple pour l'inciter à une régression à même de pulvériser tout ce qui fait son algérianité. L'ère des bipolarisations antagoniques Le retour des identités primaires, l'étatisation d'une religion sevrée de culture et réduite au rite, le politicide et les innombrables crimes contre la citoyenneté algérienne offrent, au régime, les moyens de fabriquer et de multiplier des bipolarisations antagoniques de l'opinion, pour occuper le champ du débat politique, rendre invisible la chose publique, inaudible toute voix critique et enraciner l'idée selon laquelle le peuple ne serait bon que pour la répression, l'exploitation et le sacrifice. Sur ce plan, les techniques de manipulation de la police politique ont , tristement, fait leurs preuves. Pour toutes ces raisons, nous devons faire preuve de solidarité envers toute personne menacée, sur le plan humain. Cependant, cette solidarité ne doit en aucun être sélective et, politiquement, naïve. Soyons solidaires avec tous ceux qui ont dénoncé et continuent à dénoncer les magistrats faussaires, les faux moudjahidine, les faux diplômés, Soyons solidaires avec ceux qui se battent contre les injustices sous toutes leurs formes, Soyons solidaires avec les familles des disparus qui rappellent au pouvoir ses crimes, à chaque rassemblement. Soyons solidaires avec toutes celles et tous ceux qui demandent vérité et justice pour les 200 000 morts, les 20 000 disparus et toutes les victimes de se pouvoir sous ses différentes déclinaisons claniques depuis l'indépendance. Soyons solidaires avec la famille Mécili qui se bat pour que la lumière soit faite sur l'assassinat du «porte-parole de l'opposition algérienne» Soyons solidaires avec la famille Ould Dadda qui réclame la libération de son enfant incarcéré pour avoir filmé des hordes de policiers entrain de piller et de saccager les biens des habitants de Ghardaïa. Soyons solidaires avec les familles Djaout ,Mekbel ,Boudiaf ,Yefsah, Matoub et Hachani d'autres dans leur combat pour la vérité sur l'assassinat de la fleur fine de l'Algérie. Soyons solidaires avec tous ceux qui réclament la restitution des biens du peuple, volés par les Boulitiques et leurs familles. Soyons solidaires avec les victimes de ce régime d'où qu'elles viennent et quelles que soient leurs convictions. Soyons solidaires avec ceux qui se battent pour la traduction devant' la justice du pays ‘et les juridictions internationales de ceux qui, avec des services de renseignements étrangers, ont torturé des algériennes et des algériens sur le sol d'Algérie. Soyons solidaires avec tous ceux qui mettent l'humain au-dessus de toute autre considération. Notre solidarité ne doit être conditionnée, ni par le religieux, ni par l'antireligieux laïciste ou primitivement identitaire. Exprimée ainsi, notre solidarité est humainement citoyenne. Elle est celle du vivre ensemble, dans la diversité et le respect mutuel, Elle est celle de l'éthique, de l'autonomie politique et d'une souveraineté individuelle garante de la souveraineté nationale. Elle est celle qui hisse le drapeau de l'humanité. Notre solidarité est celle qui tend la main à celui qui a du mal à boucler sa fin de mois, à celui qui n'a rien à manger, à celui qui n'a pas d'abri, aux enfants victimes de guerres, de la faim ou non scolarisés. Notre solidarité est celle qui accueille tous «les damnés de la terre», sans distinction de race ou de confession. Notre solidarité, c'est la construction d'un «Nous» citoyen, en chacun de nous. Aux marionnettistes du régime militaro-DRS, nous lançons avec la force de nos convictions humainement démocratiques et citoyennes : vous pouvez construire les châteaux de vos mensonges sur les ruines de nos désillusions. Cependant, vous ne pouvez, ni détruire la vérité, ni échapper à la damnation de l'Histoire. Aknine Essaid