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Terrorisme : Le terme le plus vidé de sens et le plus manipulé !
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 15 - 07 - 2015

Glenn gleenwald traduit et introduit par Rachid Ziani Cherif
Il n'y a pas un terme qui a été malmené, étripé, usé et abusé, je dirai même torturé, comme le fut, et l'est encore surtout, le terme de terrorisme. Servi à toutes les sauces, par tous les protagonistes, chacun allant à sa manière et enfourchant ce cheval de bataille, une aubaine inespérée, pour mener sa guerre contre ses « ennemis » irréductibles, allant des pouvoirs oligarchiques féodaux du Golf, aux dictatures militaires arabes comme en Egypte, TOUS menant une guerre sanglante et sans merci contre leurs peuples sous couvert de cette lutte antiterroriste.
Hier le pouvoir nazi accusait les résistants français de terrorisme au moment où cette même France d'occupation, en Algérie et ailleurs, accusait les moudjahidine qui luttaient pour l'indépendance de leur pays de fellaga terroristes, ces derniers à leur tour accusant de terroristes tous ceux qui se mettent en travers de leur pouvoir absolu après l'indépendance confisquée. Le pouvoir de l'apartheid en Afrique du Sud accusait l'ANC de terrorisme et Mandela de terroriste, celui du Nicaragua accusait les résistants Sandinistes (la Révolution nicaraguayenne) de terroristes, la Colombie faisait de même avec ses résistants (le FARC), aujourd'hui l'entité sioniste accuse le Hamas et le Hizbollah de terroristes, et le Hizbollah à son tour accuse l'opposition armée en Syrie de terroristes !
Il faut dire que depuis le « 11 septembre », ce cheval de bataille a gagné en valeur et en champ d'action, au point où il est investi par tous les pouvoir dictatoriaux, principalement dans le monde arabe, en s'enrôlant dans la guerre sacrée qui a pris le nom de « lutte internationale antiterroriste » sous le haut patronage et bénédiction de l'oncle Sam. Ce dernier fait preuve en retour, d'une grande indulgence vis-à-vis des violations massives des droits de l'homme par ces pouvoir dans l'exercice de cette « noble et sacrée » bataille antiterroriste. En un mot ce nouveau cheval de bataille, pas si nouveau que ça en fait, constitue l'arme de destruction massive bon marché entre les mains de tous les pouvoirs répressifs et illégitimes, quelle que soit leur nature et leur porte étendards, enfourchée pour mater les peuples, les museler et avorter toute velléité de changement radical pacifique, en miroitant cette « menace » ad hoc, avec en bonus, le motus bouche cousue en plus d'un satisfecit a peine voilé du monde dit libre, sous couvert de cette sacrosainte lutte antiterroriste. Les deux protagonistes, les pouvoirs dictatoriaux et ce monde libre, glanant en passant les dividendes, chacun à sa propre dimension.
En fait, celui qui en a le plus perverti, instrumentalisé et malaxé ce terme, au point d'en faire un fourretout qui ne veut rien dire, et tout dire en même temps, pour justifier toutes ses guerres aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, ce sont bien les Etats-Unis d'Amérique. A ce propos, Glen Greenwald de « salon.com » dévoile cette instrumentalisation basée essentiellement sur cette volonté de confusion délibérée et entretenue autour de ce terme. En commentant la fusillade meurtrière de Charleston et du survol de Joseph Stack des édifices gouvernementaux avec son appareil à Austin, Texas, Greenwald dévoile cette méga arnaque, dans son article intitulé « The most meaningless and manipulated word », soulignant que la réticence à appliquer le terme « terrorisme » à Joseph Stack et à Charleston, dénote du cynisme avec lequel ce terme est utilisé. Extraits de l'article traduits :
« Tout cela souligne, une fois de plus, que le terrorisme est le terme le plus vidé de sens et le plus manipulé dans le lexique politique américain, au point où il n'a désormais pratiquement rien à voir avec l'acte lui-même, et tout à voir par contre avec l'identité de l'acteur, en particulier son identité religieuse.
En un mot, ce terme signifie en plu simple « tout musulman qui se bat contre ou simplement exprime son hostilité envers les Etats-Unis, Israël et leurs alliés ». Voilà pourquoi nous sommes face à toute cette confusion et le doute qui s'en est suivit hier, quant à savoir si une personne qui a commis un acte classique de terrorisme devrait être identifié comme étant un terroriste : il (Stack) n'est pas musulman et n'agit pas au nom des griefs standards relevés par les musulmans contre les Etats-Unis ou d'Israël, et donc « il » ne correspond pas à la « définition ». On peut concéder qu'il est possible qu'il y ait un sens technique dans ce terme (terrorisme) qui pourrait s'appliquer à Stack, seulement comme le souligne Fox News : il ne s'agit pas dans ce cas précis de « terrorisme » au sens large dont est habitué la plupart d'entre nous... comprendre le terrorisme avec le T majuscule, et « Nous savons tous QUI commet le terrorisme avec la lettre T majuscule » et ce ne sont certainement pas des gens du nom de Joseph Stack !
Il est aisé de constater le contraste frappant entre l'hésitation collective à appeler Stack un terroriste, aux circonstances extrêmement douteuses avec lesquelles ce terme est appliqué automatiquement, comme par réflexe aux musulmans. Si un musulman attaque une base militaire qui se prête à déployer des soldats dans une zone de guerre, cette personne est un terroriste. Si un musulman américain affirme que la violence contre les Etats-Unis, en particulier visant des cibles militaires, est justifiée en raison de la violence américaine visant le monde musulman, cette personne est un terroriste qui mérite d'être assassiné. Et si l'armée américaine envahit un pays musulman, les musulmans qui vivent dans ce pays envahi et occupé, et qui se battent contre cette armée d'invasion (américaine) – en ciblant exclusivement des cibles militaires – sont également des terroristes. De toute évidence, les complots visant à tuer des civils – les attaques de 9/11 et les tentatives de faire sauter des avions civils – sont du pur terrorisme, par contre une énorme partie des actes commis par des musulmans et qui sont étiquetés comme tels ne le sont pas.
En somme : un musulman qui attaque des cibles militaires, y compris dans les zones de guerre ou même dans leur propre pays envahis par une armée étrangère, sont des terroristes. D'un autre côté, un non-musulman qui survole à bord d'un avion, un bâtiment du gouvernement US pour exprimer son désaccord conformément à un agenda politique, il ne l'est pas, ou du moins n'est pas un terroriste réel avec un T majuscule ; il n'est pas le genre de terroriste qui devrait être torturé et jeté dans une cage sans même être accusé, et assassiné sans procédure régulière.
Ne le sont pas non plus les actes entrepris par nous ou nos alliés privilégiés dans le but de tuer un grand nombre de civils ou qui causeraient témérairement pareille mort, comme moyen de terroriser la population afin d'opérer le changement de comportement souhaité – la Glorieuse campagne « Shock and Awe » et l'atomisation de Gaza. A l'exception de son utilisation comme moyen pour diaboliser les musulmans, le terme est utilisé de façon si incohérente et à des fins de manipulation, à tel point qu'il s'est trouvé vidé de toute signification discernable.
Tout cela serait intéressant sans pour autant constituer une question de sémantique d'une grande importance, si ce n'était le fait que le terme terrorisme joue un rôle central dans nos débats politiques. Il constitue le terme idoine pour justifier tout ce qu'entreprend le gouvernement américain. Invasions, torture, détentions sans procès équitable, commissions militaires, attaques de drones, surveillance sans mandat, cultiver le culte obsessionnel du secret, et même l'assassinat de citoyens américains, tous cela est justifié dès lors que les cibles sont étiquetées comme « terroristes », et par conséquent, n'ont par définition, aucun droit. Pire encore, on devient un « terroriste » non pas par une décision judiciaire ou autre processus formel, mais uniquement en vertu du pouvoir exécutif qui échappe à tout contrôle et qui n'est soumis à aucune surveillance. Le président décrète que quelqu'un est un terroriste et c'est la fin du débat : de leur côté les deux partis politiques (républicain et démocrate) justifient immédiatement tout ce qu'endure cette personne dès lors qu'il est nommé terroriste.
Si nous allons vraiment investir le gouvernement d'un pouvoir quasi illimité pour faire en notre nom tout ce qu'il veut aux personnes qu'il appelle « terroristes », nous devrions au moins avoir une compréhension commune de ce que signifie le terme, alors qu'il n'y en a aucune. Il est juste devenu un terme malléable, pour tout justifier et doter le gouvernement américain d'une carte blanche, lui permettant de tout faire aux musulmans, ceux qu'il n'aime pas, ou qui ne l'aiment pas (i.e. les terroristes). C'est en fait, plus un mantra à effet hypnotique qu'un terme réel : sa simple énonciation provoque l'encouragement aveugle de la nation à l'encontre de tout ce qui est fait contre les musulmans ainsi étiquetés. »
Joseph Stack était blanc et non-musulman. En conséquence, non seulement le mot « terrorisme » ne s'appliquait pas à Stack, mais il a été explicitement déclarée inapplicable tout aussi bien par les médias que les responsables gouvernementaux.
New York Times relatant l'incident a déclaré que, bien que l'attaque « initialement avait suscité des craintes d'une attaque terroriste » – avant que l'identité du pilote ne soit connue – maintenant « au lieu du portrait typique d'un terroriste entraîné par son idéologie, M. Stack est décrit comme étant une personne bon vivante, un musicien amateur de talent, ayant des problèmes conjugaux et une rancune affolante contre les autorités fiscales ». En conséquence, toujours selon le NTY, « les officiels ont exclu tout lien avec des groupes ou des causes terroristes ». De leur côté « les fonctionnaires fédéraux ont repris le même message, décrivant l'affaire comme une enquête criminelle ». Ce qui constitue un contraste frappant avec la fusillade en octobre 2014, à Ottawa, dont l'auteur, un seul individu, Michael Zehaf-Bibeau, avait ciblé l'édifice du Parlement canadien. Aussitôt l'identité du tireur connue, comme étant un converti à l'Islam, l'incident a été immédiatement et universellement déclaré comme « terrorisme ». Moins de 24 heures après, le Premier ministre Stephen Harper a déclaré qu'il s'agissait d'une attaque terroriste et a même exigé de nouveaux pouvoirs « contre-terrorisme « , pouvoirs qu'il a obtenus maintenant.
Les utilisateurs de Twitter dans le monde entier ont utilisé en masse le hashtag de solidarité réservé uniquement aux les villes attaquées par un musulmans, mais pas les villes attaquées par leurs propres gouvernements : #OttawaStrong. En somme, le fait de considérer l'attaque « terroriste » relève d'une sagesse conventionnelle évidente avant même que rien ne soit connu en dehors de l'identité musulmane de l'auteur.
Le terme « terroriste » fut instantanément appliquée par les ignorants pour une seule raison : il (l'auteur) était musulman et avait commis la violence, et que, dans le post-9/11 en Occident, c'était plus ou moins la seule définition en vigueur pour ce terme.
Telle est la toile de fond cruciale qui sous-tendait le débat pour savoir si le terme « terrorisme » s'appliquait à la fusillade odieuse par un nationaliste blanc tuant neuf Afro-Américains lors d'une prière dans une église à prédominance noire à Charleston, Caroline du Sud. Presque immédiatement, les bulletins d'informations ont indiqué qu'il n'y avait « aucun signe de terrorisme » – ce qu'ils entendaient par-là : il ne semble pas que le tireur soit musulman.
Il était très dur – et il l'est toujours – de ne pas se rendre à l'évidence que finalement, le terme « terrorisme », du moins tel qu'il est principalement utilisé en Occident après le 11 septembre, s'articule autour de l'identité de ceux qui commettent la violence et l'identité des cibles. Il n'a manifestement rien à voir un tant soit peu avec d'évaluation neutre et objective concernant les actes incriminés.
Ce que je ne veux pas non plus, c'est que les non-musulmans ne se vautrent dans leur nid privilégié, convaincu que le terme et les abus qui en découlent ne concernent que ce groupe marginalisé (les musulmans). Et ce que je ne veux pas par-dessus tout c'est de voir persister cette flagrante mythologie destructive prétendant que le terme « terrorisme » représente une sorte de désignation objectivement discernable, appliquée uniformément à tous genre de violence haineuse. Je suis impatient de voir ce terme reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire un terme de propagande totalement malléable, manipulable, insipide qui n'a aucune application cohérente. La reconnaissance de cette réalité est vitale pour donner à ce terme toute sa valeur.
Les exemples prouvant la malléabilité totale du terme « terrorisme » sont beaucoup trop nombreux pour être énumérés dans cette chronique. Au cours de la seule dernière décennie, il a été utilisé par des personnalités politiques et des médias occidentaux pour condamner les musulmans qui ont utilisé la violence contre des envahisseurs, contre une force d'occupation en Afghanistan. Il a été utilisé contre ceux qui ont collecté des fonds pour aider les Irakiens à se battre contre un envahisseur et occupant militaire de leur pays. Il a été utilisé contre ceux qui attaquent des soldats d'une armée (des Etats-Unis) qui mène plusieurs guerres à la fois. En d'autres termes, toute forme de violence par des musulmans contre l'Occident est intrinsèquement du « terrorisme », même si elle cible uniquement les soldats en guerre et/ou conçue pour résister à l'invasion et à l'occupation.
Et en opposition flagrante à cette utilisation sélective, aucune violence par l'Occident contre les musulmans ne peut être perçue comme « terrorisme », peu importe le degré de sa brutalité inhumaine, et l'étendue des assassinats sans distinction des civils. Les Etats-Unis peuvent appeler leur invasion de Bagdad « Shock and Awe » ou faire survoler des drones tueurs en permanence au-dessus des villages et des villes terrorisés, ou se livrer à des atrocités qui marquent des générations entières et pour toujours comme à Fallujah, ou armer et financer Israël et l'Arabie saoudite pour détruire des populations civiles sans défense, et rien de tout cela, bien sûr, ne peut éventuellement être appelé « terrorisme ». Ce sont justes de mauvais actes et de mauvaises victimes.
Ensuite, il y a ce jeu visqueux auquel s'adonnent les Etats-Unis avec ce terme d'une manière flagrante. Nelson Mandela, aujourd'hui largement considéré comme un héros moral, était officiellement considéré par les Etats-Unis comme étant un « terroriste » et ce depuis des décennies ; la CIA a ainsi permis à son allié, le régime d'apartheid, de le capturer. L'Irak était sur la liste terroriste et puis retirée, puis remise sur la base de la désignation qui arrange le mieux les intérêts américains du moment. Le mouvement kurde iranien (MEK) a longtemps été décrété « groupe terroriste » jusqu'à ce qu'ils aient payé suffisamment des gens influents à Washington pour le faire retirer de la liste, coïncidant, étrangement, avec le désir des Etats-Unis de punir Téhéran. L'administration Reagan a armé et financé des groupes terroristes classiques en Amérique latine tout en exigeant des sanctions contre les Soviétiques et les Iraniens accusés d'être des sponsors étatiques du terrorisme. Quoi qu'il en soit, ce n'est certainement pas l'utilisation du terme qui lui prodigue un sens objectif cohérent.
De sérieuses études académiques prouvent que le terme « terrorisme » est un terme vide de sens, sans définition et toujours manipulé. Lisa Stampnitzky de Harvard a relevé « l'incapacité des chercheurs à établir une définition appropriée de la notion de ‘terrorisme' lui-même ». Le concept de « terrorisme » est fondamentalement en proie à des agendas idéologiques et à la manipulation intéressée, comme l'explique le professeur Richard Jackson du Centre national pour les études concernant la paix et les conflits en Nouvelle-Zélande : « La majeure partie de ce qui est considéré comme ‘connaissance' irrévocable dans les études sur le terrorisme est, en fait, très discutable et instable » et « biaisée en faveur des priorités des Etats occidentaux ». Remi Brulin est un chercheur spécialisé dans le débat autour du « terrorisme » et a longtemps relevé que ce terme a été depuis le début, un terme de propagande très manipulable, plutôt qu'un terme au sens déterminé – en grande partie destiné à justifier la violence par l'Occident et Israël, tout en délégitimant la violence de ses ennemis.
Le plus étonnant dans tout cela est que le « terrorisme » – un terme qui est si facilement et fréquemment manipulé et dépourvue de sens fixe – est devenu maintenant un terme moteur dans notre culture politique et dans notre cadre juridique, un élément fondamental sur la façon dont on nous apprend à comprendre et concevoir le monde. Et bien qu'il soit en quelque sorte un terme de précision scientifique, cependant il est constamment invoqué pour justifier une panoplie infinie de politiques et de pouvoirs radicaux. Tout, depuis l'attaque de l'Irak à la torture, aux exécutions massives et interminables de drones, jusqu'à la surveillance en masse et même au-delà, tout est justifié en son nom.
En fait, il est, comme je l'ai souvent signalé, un terme qui justifie tout et pourtant ne signifie rien.
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