: 14 juin 1928 – 9 octobre 1967 En ce mois d'octobre 1967 mourut l'une des figures révolutionnaires des plus emblématiques du vingtième siècle. La disparition tragique du Che a met fin à un processus d'abord intellectuel dont les contours esquissaient déjà l'élaboration d'un modèle sociétaire dont la base matérialiste devait lui insuffler une conscience et une morale même si elles étaient d'essence révolutionnaire. Le travail et combat acharnés du Che sont toujours d'actualité. Et sa vision du monde formulée dans un système de pensée peut se prétendre même aujourd'hui de mettre au devant de la scène une autre conception sociétaire. Même si sur de nombreuses questions, telles que la planification, la lutte contre la bureaucratie, et ainsi de suite, son esprit reste à compléter. Sa force motrice derrière cette quête d'une vision nouvelle – au-delà des questions économiques spécifiques – était la conviction que la justice sociale n'a de sens et par conséquent ne peut triompher à moins de mettre au devant une alternative à dimension humaine d'abord, avec une éthique nouvelle dans un modèle de société qui sera totalement antagoniste aux valeurs de l'individualisme, de l'égoïsme absolu, de la concurrence déloyale, et de la guerre de tous et contre tous qui sont tellement caractéristiques du modèle capitaliste et ses banksters, un modèle dans lequel une pseudo-élite prétend aux destinées de ce monde. La réalisation de cette justice sociale pour le Che était inséparable de certaines valeurs morales, contrairement aux conceptions purement «économistes» de Karl Marx et ses successeurs, qui considèrent uniquement le volet du «développement des forces productives », c'est-à-dire l'homme dans sa dimension matérialiste seulement. Le Che développa une critique implicite du manifeste socialiste, qu'il qualifie comme étant sans conscience. Il prône que la lutte contre la pauvreté doit se faire en même temps aussi contre l'aliénation spirituelle afin de se défaire de l'angoisse existentielle primaire : la finalité de l'effort humain. Si la justice sociale prônée est dissociée de la conscience, alors elle est réduite à une méthode de redistribution de richesses dénuée de morale révolutionnaire. Si le manifeste socialiste prétend lutter contre le capitalisme et le vaincre sur son propre terrain, celui du productivisme et de la consommation, en utilisant les armes du capitalisme – individualisme à outrance et l'accaparement d'une élite des leviers du pouvoir politique – alors cette lutte est vouée à l'échec. Le combat pour la justice sociale, pour le Che, représente un projet historique allant vers la construction d'une nouvelle société fondée sur les valeurs d'égalité, de solidarité, de collectivisme, d'altruisme révolutionnaire, de liberté de pensée et la participation de masse, en mettant à égalité le coté matérialiste et spirituel de cette quête. Déjà dans son célèbre « Discours d'Alger » en Février 1965, Ernesto Guevara a appelé les pays se réclamant du socialisme à «mettre un terme à leur complicité implicite avec les pays exploiteurs de l'Ouest». La justice sociale prônée, de l'avis du Che, « ne peut exister sans conscience et qu'avec l'émergence d'une nouvelle attitude fraternelle envers toute l'humanité, à l'échelle mondiale et vers tous les peuples qui souffrent de l'oppression impérialiste. » Oppression impérialiste qui prend la forme aujourd'hui d'une croisade et mainmise d'une pseudo-élite capitaliste à teinte raciale aspirant à la domination de toute l'humanité. A bien des égards, la démarche du Che est plus que pertinente et reste d'actualité pour tous ceux et celles qui œuvrent à construire un monde plus juste et faire face à l'hémogénie de cette pseudo-élite. Ernesto Che Guevara, Frantz Fanon et Ali Shariati, chacun dans sa sphère ont jeté les jalons d'un monde du domaine du possible et c'est à toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté de relever le défi moral pour le réaliser. Khaled Boulaziz