France-Algérie | vendredi, 26 septembre 2008 | par Catherine Graciet Ce vendredi, la Cour d'appel de Paris doit statuer sur le sort d'un diplomate algérien soupçonné d'être le commanditaire de l'assassinat de l'opposant algérien Ali Mecili en 1987. L'Elysée et la Chancellerie, bombardée de coups de fil des autorités algériennes, suivent de très près le dossier… Le 7 avril 1987, l'opposant politique algérien Ali Mecili est abattu de trois balles dans le hall de son immeuble parisien du boulevard Saint-Michel. Après dix ans de soubresauts divers et variés (cf. encadré), le dossier rebondit brutalement cet été. Et de quelle façon ! Vingt et un ans plus tard, le 14 août 2008, le responsable du protocole du ministère algérien des Affaires étrangères, Mohamed Ziane Hasseni est interpellé à l'aéroport de Marseille-Marignane, en provenance d'Alger (pour voir sa trombine, regardez ce reportage de France 3 diffusé le 8 septembre dernier). Soupçonné d'être le commanditaire de l'exécution d'Ali Mecili, il est mis en examen pour « complicité d'assassinat » et mis en liberté sous contrôle judiciaire. Un courrier de l'ambassadeur d'Algérie en France où ce dernier se porte garant de la représentation en justice du diplomate aurait pesé. A l'origine des mésaventures de Mohamed Ziane Hasseni avec la justice française : un mandat d'arrêt émis en décembre 2007 par le juge Baudouin Thouvenot, en charge de l'affaire, contre un certain capitaine Hassani (cf. encadré) pouvant également répondre à l'identité de Mohamed Ziane Hassani ou Hasseni. Le diplomate interpellé le 14 août affirme, lui, ne pas être la personne recherchée et se dit victime d'une homonymie. Mais, comme l'a révélé France Inter le 24 septembre, lors de son audition le 1er septembre 2008 par le juge Thouvenot, le diplomate a « refusé de détailler son curriculum vitae et, surtout, de se soumettre à un test ADN et à une expertise graphologique ». Le ministre algérien de l'Intérieur téléphone à Rachida Dati Si l'affaire est éminemment sensible — c'est tout de même le chef du protocole des Affaires étrangères algériennes qui vient d'être interpellé — il n'en reste pas moins que, le week-end du 15 août, toute la France est en vacances… Mais côté algérien, on s'agite sec. Bakchich est en mesure de révéler que le ministre de l'Intérieur, Yazid Zehrouni, a téléphoné à sa consoeur française de la Justice, Rachida Dati. « Il lui a simplement signalé que le chef du protocole du ministère des Affaires étrangères de son pays avait été interpellé en France » affirme Guillaume Didier, porte-parole de la Place Vendôme. « Et puis Rachida Dati et Yazid Zerhouni se connaissent depuis le voyage officiel de Nicolas Sarkozy en Algérie à la fin 2007. Ils ont des contacts réguliers sur l'affaire Scharbook, du nom d'une petite fille qui est gardée en Algérie par sa grand-mère maternelle alors que la justice algérienne a accordé la garde au père, français. La ministre a laissé pour consigne que, lorsque M. Zehrouni téléphone à son cabinet, on le mette en contact avec elle » poursuit le porte-parole. Peu après cette conversation interministérielle franco-algérienne, la Place Vendôme confirme également que Rachida Dati a eu un contact téléphonique avec l'un des avocats du diplomate, maître Khaled Lasbeur. « Nous ne le connaissions pas. Il a appelé le conseiller de permanence du ministère pour demander où se trouvait son client et a pu parler à Mme. Dati. Elle l'a informé que son client avait été incarcéré à Aix et était en cours de transfert sur Paris. Elle lui a indiqué que le plus simple était de se tourner vers les autorités consulaires algériennes » continue Guillaume Didier. Maître Lasbeur a, lui, fermement refusé de s'exprimer sur son contact avec Rachida Dati : « je vous interdit de publier quoi que ce soit sur le sujet » a-t-il éructé à Bakchich avant de préciser qu'il n'accordait pas d'interviews pour le moment. Une chose est sûre, Mohamed Ziane Hasseni ne s'est évidemment pas perdu dans les méandres de la Justice. Selon le Canard Enchaîné du 10 septembre, la prison d'Aix a reçu un étrange appel du ministère de la Justice dans la nuit du 14 août. « Sur ordre de l'Elysée, il faut immédiatement ouvrir au consul d'Algérie » qui veut rendre visite au diplomate embastillé. Or, les visites nocturnes sont interdites quel que soit le pedigree du détenu. Du coup, l'affaire est remontée « jusqu'au directeur de l'administration pénitentiaire, Claude d'Harcourt. Et ça coince. Intraitable, l'ancien préfet oppose à cette intrusion incongrue un farouche et courageux véto. Qu'importe. Sur réquisition du procureur général, pour « ne pas différer l'exercice de la protection consulaire », avant l'aube, on ouvre les portes de la taule ». Le Parquet sera-t-il tolérant avec nos amis algériens ? Très en forme, la diplomatie algérienne se remanifeste de nouveau auprès des autorités françaises aussitôt Mohamed Ziane Hasseni transféré dans la capitale. C'est le consul adjoint d'Algérie à Paris qui s'y colle et insiste lourdement pour assister à la petite réunion entre le diplomate, son avocat, le procureur et le juge des libertés et de la détention (JLD). Sauf que cette fois pas la peine de passer en force. La loi prévoit en effet que ce type de réunion qui se tient habituellement à huis clos peut être déclarée publique. Ce qui fût bien sûr fait mais demeure tout à fait exceptionnel. Reste maintenant à savoir quel sort la justice française réserve à Mohamed Ziane Hasseni. Le diplomate sera fixé ce vendredi 26 septembre en début d'après-midi puisque la chambre d'instruction de la Cour d'appel de Paris siège pour examiner la levée ou non de sa mise en examen. Les réquisitions du Parquet ne devraient pas être franchement défavorables à nos amis algériens…