‘' Le meilleur des princes et celui qui fréquente le savant ; le pire des savants est celui qui fréquente les princes. ‘' Dans Sagesses de l'Islam de Malek Chebel (Penseur Algérien : 1953 – 2016) L'idée de partir de zéro pour fonder et développer un discours religieux ne peut prendre naissance que dans des cultures de simple juxtaposition où un fait connu est immédiatement une richesse. Mais devant le mystère du réel, l'âme ne peut se faire, par décret, ingénue. Il est alors impossible de faire d'un seul coup table rase des connaissances acquises. Face au réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait savoir. Quand il se présente au discours religieux, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés. Accéder à un nouveau discours, c'est, spirituellement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. Quand même bien un géant incomparable de la pensée, en effet, notamment dans l'analyse des rapports de force sociaux, reconnus comme le moteur de l'Histoire. Histoire à laquelle il a travaillé afin de lui donner un sens et dans un sens précis ; l'approche de Karl Marx abhorre deux points faibles majeurs, l'un théorique, l'autre métaphysique. Il semble, comme Feuerbach du reste, que Karl Marx a ignoré Schopenhauer, après ne pas avoir compris la portée exacte du criticisme kantien; sinon il n'aurait pu être adepte d'un matérialisme autre que méthodologique – et non pas ontologique. La question de la chose en soi restant escamotée chez les matérialistes continuant après Kant à se raccrocher au réalisme métaphysique. Il est vrai que Hegel n'a rien fait pour éviter les confusions qui ont commencé en fait avec lui, malgré la valeur indéniable de la méthode d'explication des phénomènes dans le schéma de la dialectique bien exposé dans « la Phénoménologie de l'esprit ». Le second point faible des analyses marxistes et aussi libérales d'ailleurs, c'est l'optimisme quant à la possibilité de modifier la nature humaine par l'éducation; le poison de Rousseau continuait à cet égard d'agir sur des esprits par ailleurs incroyablement pénétrants. Devant ce blocage philosophique à portée réelle, émerge de l'Est un autre géant incomparable de la pensée qui aura la volonté et la force intellectuelle d'effacer ces faiblesses et contradictions, c'est Ali Shariati. Dans son paradigme ontologique Ali Shariati remet les pendules à l'heure du Message Divin, et avance un postulat exceptionnel selon lequel la révélation est essentiellement le vecteur du changement social dont le moteur est non pas les luttes des classes mais la foi. Foi, à travers laquelle l'Homme tire un dynamisme à même de conjurer son aliénation existentielle. Et que si l'Histoire est proscrite à avoir un moteur, c'est l'Homme et l'Homme seul en est l'agenceur. Dans ce sillage, le corollaire à ce postulat est que le rapport de l'être humain au discours religieux n'est pas réfléchi depuis le lien intérieur à la connaissance, mais construit à partir du rapport extérieur de l'Histoire. Mais cette fois-ci en affirmant avec force que ce rapport ne peut évoluer qu'en déclinant un sens, et dans un sens précis. Ce sens fait de l'Homme le gardien destiné à clore le travail de Création que Dieu lui a légué. Cette tâche titanesque que les montagnes ont refusée, demande aux hommes de devenir conscients d'eux-mêmes, d'assumer la responsabilité pour leur propre destin et de surpasser leur ego. Ego qui dans sa démesure la plus vile régente toutes les guerres, les misères et les injustices de ce monde. Khaled Boulaziz