Le 15 avril, la cathédrale Notre Dame de Paris (NDP) brûle. Le monde entier a les yeux rivés sur Paris. Dans les médias, les journalistes ont des mines des jours sombres. Ils sont graves, tristes, affligés à juste titre par l'incendie qui ravage un des patrimoines phares de la France. Il en est de même des invités sur tous les plateaux de télé. Tous les hommes politiques, quel que soit leur orientation idéologique, sont unis pour pleurer la destruction de ce joyau culturel. Le président de la république Emmanuel Macron annule le discours prévu ce jour pour répondre aux revendications des gilets jaunes. C'est dire si l'heure est grave. Instantanément, l'idée des dons pour reconstruire la cathédrale est lancée. Elle rencontre son public en France, mais aussi à l'Etranger. De l'argent est débloqué par l'Etat ; les patrons offrent des dons à la mesure de leurs richesses, les individus ne sont pas du reste. Certains sont choqués pour ce qu'on donne ici, et on ne donne pas ailleurs. J'ai vu un post sur Facebook qui trouve injuste qu'on donne pour NDP, et pas pour Notre Dame d'Alep en Syrie. J'ai trouvé la comparaison insensée. Qui voudrait donner à un assassin cynique qui tue son peuple sans état d'âme, détruit son pays pour garder un pouvoir qu'il considère comme lui étant dû ? La configuration politique a son poids. Dans un cas, les dirigeants sont au service de leur peuple car émanant du choix des urnes, élus selon un programme travaillé et peaufiné pendant des années. Ils n'auront pas de seconde chance s'ils échouent dans la réalisation de leurs programmes. Combien même les démocraties occidentales sont en peine de « participation citoyenne », à ce sujet, on n'a pas encore mieux inventé. Comme ces dirigeants respectent ceux qui les ont élus (et aussi ceux qui ne les ont pas choisis), ils sont respectés en dehors de leurs frontières ainsi que les peuples qu'ils représentent. Dans un autre cas, des peuples sont dirigés par des malades mentaux qui croient que le pouvoir leur est dû, que le peuple ainsi que le pays leur appartiennent. Ceux-là ne sont pas au service de leur peuple, mais considèrent que la population et la patrie sont là pour les servir. Comment attendre que les autres viennent faire des dons qui iront dans les poches de ces prédateurs ? Quand j'ai vu ces patrons français qui offrent des dons conséquents pour la reconstruction de NDP, j'ai pensé à ces patrons algériens qui au lieu d'enrichir leur pays se sont enrichis sur le dos de celui-ci et de leurs concitoyens. Lorsque ces mêmes patrons français ont été accusés de vouloir échapper aux impôts, ils ont réagi en précisant qu'ils n'allaient pas user des réductions d'impôts prévues lors de dons. Quand je pense à la vieille ville de Constantine dont il ne reste plus grand-chose, mon cœur se met à saigner. Où est la Souika de mon enfance ? Il ne reste plus grand-chose. Et qu'avons-nous fait de tous les vieux quartiers de toutes nos villes ? Pourtant, ces vieux quartiers auraient bien mérité de faire partie du patrimoine mondial. Mais que voilà ! Nous connaissons tous le pourquoi du comment de ce gâchis. Nous n'avons jamais eu les responsables et dirigeants que nous méritons. Toujours en-deçà de ce que la population mérite. Alors Monsieur Gaid Salah, oui, vous avez raison de dire dans votre discours du mardi 16 avril que nous sommes en train de perdre du temps. Oui le temps nous est compté. Mais qui est en train de perdre du temps ? Ce n'est sûrement pas la population qui a fait preuve d'une très grande patience dans le passé, mais qui aujourd'hui sort chaque vendredi pour demander pacifiquement un changement radical de système et de paradigme, et ce depuis le vendredi 22 février. Ce sont ceux qui font face à ce peuple qui lui font perdre du temps pour que le système dure et perdure. Et jusqu'à preuve du contraire, c'est bien l'état-major avec à sa tête Gaid Salah qui détient le pouvoir réel. A chaque sortie de la population du vendredi, Gaid Salah institue le discours du mardi où il s'adresse au peuple comme s'il était le président de la République. Un pas en avant, deux pas en arrière. Si le discours du mardi 16 avril était prononcé par une personne sincère et pragmatique pour qui l'intérêt du pays est au-dessus de toute autre considération, j'aurais applaudi des deux mains. Il manquait juste à ce discours un planning et des dates précises. Rappelons cette belle intention « De notre part, nous réitérons l'engagement de l'Armée Nationale Populaire d'accompagner les institutions de l'Etat durant cette transition, …., car la situation ne peut perdurer davantage, vu que le temps nous est compté ». Le Gaid parle bien de transition, mais laquelle ? Celle revendiquée par le peuple, ou celle qui semble a posteriori avoir la préférence de Gaid Salah et ceux qui décident avec lui ? Plus loin, il dit : « Ainsi, l'étape principale étant concrétisée, elle sera certainement suivie par d'autres jusqu'à la réalisation de tous les objectifs escomptés ». Si au moment de ce discours, on a pu penser que les objectifs escomptés sont ceux auxquels aspirent les Algériens clairement exprimés lors des manifestations, le Gaid a pris soin de ne pas les préciser. Et pour cause. Son discours du mardi 23 avril démolit le peu d'espoir suscité par celui du 16 avril. Rétropédalage total ; retour à la case départ. Et à quoi avons-nous eu droit depuis ? Un carnaval d'arrestations pour nous occuper, la justice du téléphone qui continue, le système honni en exhibition flagrante. Tout le contraire de ce à quoi nous aspirons. Vérité et justice ne peuvent être concrétisés avec le même système et les mêmes hommes aux commandes. Dommage que le Gaid et ceux qui au sein de l'Etat-major(1) décident avec lui font mine de ne pas comprendre les revendications du peuple, se mettent des œillères, veulent imposer à la population un 4 juillet 2019 qui n'a d'objectif que le maintien du système. C'est effectivement une très grande perte de temps. En allant vers une vraie transition démocratique, des trésors d'énergie, de créativité seront libérés. Le pays sera porté aux cimes par sa population, impliquée dans son développement et sa préservation. Amina Kadi Mathématicienne-Ecole d'ingénieurs Paris (1) Rappelons qu'à la fin de son discours du mardi 16 avril, Gaid Salah affirme que le discours émane du Haut Commandement de l'armée : « J'espère que cet appel trouve l'écho escompté auprès de toutes les composantes de notre cher peuple, car il émane du Haut Commandement de l'ANP ».