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Le régime algérien sacrifie quelques têtes.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 29 - 09 - 2019


MIS EN LIGNE LE 25/09/2019 À 18:14
PAR BAUDOUIN LOOS
Le Soir.be
D'anciens hauts responsables du régime algérien, dont des militaires qui eurent naguère tout le pouvoir en main, ont été condamnés. Mais le « système » tient bon.
La scène se passe en pleine nuit à Blida, à 50 km au sud d'Alger. Le tribunal militaire juge une poignée d'hommes et une femme. Accusation : « atteinte à l'autorité de l'armée » et « complot contre l'autorité de l'Etat ». Des médias avaient annoncé « le procès du siècle ». Mais seuls quelques proches et les avocats ont pu assister aux débats, qui n'ont duré que deux jours. Le président de la cour énonce la sentence : condamnés à 20 ans de prison, l'ex-général Khaled Nezzar (en exil) et son fils Lotfi ; condamnés à 15 ans, l'ex-général Mohamed Mediene dit « Toufik », le général Athmane Tartag, Saïd Bouteflika, frère et ex-conseiller du président déchu, et enfin Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs.
Les généraux en cause ont régné – officieusement – sur l'Algérie pendant des lustres. Deux d'entre eux, Nezzar et « Toufik », faisaient partie du quarteron de généraux « janviéristes » qui a perpétré le coup d'Etat militaire de janvier 1992 qui précipita l'Algérie dans une « sale guerre » qui allait faire entre 150.000 et 200.000 morts. « Toufik » est resté grand maître des tout-puissants services secrets algériens jusqu'en 2015 avant d'être écarté par le clan Bouteflika et remplacé par Tartag, lui aussi condamné mardi. Quant à Saïd Bouteflika, il était devenu l'homme de l'ombre le plus influent du pays depuis l'AVC qui, en 2013, avait frappé Abdelaziz, son frère président. Louisa Hanoune, elle, avait courageusement combattu les « janviéristes » dans les années 90 avant, hélas ! de rentrer dans le rang sous l'ère des Bouteflika.
Pourquoi ces condamnations ? Rien à voir avec les années 90, la répression, la corruption ou autres délits gravissimes. Un homme – un général une fois de plus, nous sommes bien en Algérie – poursuit les accusés de sa vindicte. Ahmed Gaïd-Salah vice-ministre de la Défense, chef d'état-major et, surtout homme fort du régime depuis l'éviction du clan Bouteflika suscitée par l'incroyable contestation du peuple depuis le 22 février. Certes, il doit tout à « Boutef », qui l'a nommé là où se trouve. Mais voilà, ces accusés avaient, selon lui, tenté de fomenter un complot pour le défenestrer.
Le procès de Blida n'est donc qu'« un vulgaire règlement de comptes entre gangs de l'oligarchie militaro-financière », comme nous dit d'Alger le docteur et opposant radical Salah-Eddine Sidhoum. Un avis validé à Paris par Kamel Cheklat, chercheur au Centre de recherches sociologiques et politiques : « C'est un procès à huis clos tenu par le système contre des éléments du système pour préserver l'essentiel, la cohésion du groupe, et consolider le régime. Une façon de dire : voilà ce qui arrive à ceux qui n'épousent pas la démarche de l'état-major ou celui qui complote contre l'armée et d'abord contre Gaïd-Salah ».
Tous les vendredis depuis sept mois, les Algériens marchent dans les rues contre ce système, mais le régime opaque qui les gouverne ne veut pas s'en aller. Tout juste sacrifie-t-il çà et là quelques têtes…


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