Le climat anxiogène dans lequel la pandémie du coronavirus a plongé le monde tend à accélérer la perversion des systèmes de représentation politique dans ce qui est appelé «les Démocraties occidentales», à faire de leurs Etats des sous-systèmes aux tentations totalitaires, à consolider la domination de l'oligarchie mondiale ultralibérale et à enliser des instances internationales – à leur tête, l'ONU – dans le rôle d'instruments de généralisation de la condition du néo-indigénat à l'échelle planétaire. En ce contexte, les régimes illégitimes des Etats postindépendance sont confinés dans le rôle de supplétifs des puissances néocolonialistes. C'est, notamment, le cas de la junte militaire algérienne. Le simulacre de référendum sur le brouillon de constitution que la junte militaire cherche, à tout prix, à imposer au peuple, le jour de la célébration du 66e anniversaire du déclenchement de la Révolution de Novembre est une insulte au combat du peuple algérien pour sa liberté, une injure à la mémoire des Chouhada. Cette basse manœuvre relève de la haute trahison à la patrie. La tenue d'une élection nécessite de réunir les conditions d'apaisement qui puissent garantir à chacun l'exercice du libre-choix. Or, la situation que vit l'Algérie actuellement est faite d'arrestations arbitraires, de condamnations injustes, d'emprisonnements pour délit d'opinion…La machine juridico-policière est mobilisée pour réprimer toute voix qui ose s'élever contre un régime dont le maintien représente un danger majeur pour toute communauté du vivant dans le pays. De plus, l'évolution de la Covid-19 en Algérie échappe à tout contrôle. Pour couronner le tout, l'absence du désigné d'El Mouradia, transféré en urgence vers un hôpital dans la région de Cologne en Allemagne, a achevé de discréditer la fable de « l'Algérie nouvelle». Le mensonge entretenu sur l'évolution de l'état de santé de M, Tebboune rappelle les tristes années de l'ère Bouteflika. Des années durant lesquelles son frère Saïd – aujourd'hui, emprisonné – a usurpé la fonction de Président, réduisant la Présidence à un espace de brigandage mafieux, versé dans l'informel politique, en concurrence avec le commandement militaire et le DRS. En ces temps de pandémie mondiale, l'état critique dans lequel se trouve le secteur de la Santé en Algérie suffit pour montrer que le régime militaire est un instrument de destruction massive de l'être algérien. Alors, une nouvelle constitution, pourquoi faire? LE COUP DE POIGNARD A LA REVOLUTION DE NOVEMBRE ! Le droit du peuple algérien à l'autodétermination a été au cœur des éléments déclencheurs de la Révolution de Novembre. Au nom de ce principe, les révolutionnaires algériens ont pu fonder les premières structures de l'exercice de leur souveraineté lors du Congrès de la Soummam. Aussi, ils ont pu faire entendre la voix du peuple à la faveur d'une solidarité internationale dont la Conférence de Bandung d'avril 1955 figure parmi les événements inaugurateurs. L'action diplomatique s'est, par la suite, déployée à la faveur de la création du Gouvernement Provisoire de la Révolution Algérienne dont l'annonce officielle a eu lieu le 19 septembre 1958.Ainsi représentée, la souveraineté populaire a pu rendre caduque la souveraineté coloniale sur le territoire algérien. Le processus de l'indépendance étant irréversible, le referendum sur l'autodétermination de l'Algérie a eu lieu le 8 janvier 1961. Lors de ce référendum, 74,99 % ( 22 543 975 votes exprimés) des 23 265 444 votants sur 32 520 233 inscrits ont voté pour le droit du peuple algérien à disposer de lui-même contre 25, 01% qui ont voté «non». Le 1er juillet 1962, le peuple algérien a pu exercer son droit à l'autodétermination. Sur 6 017 680 votants parmi les 6 549 736 électeurs, 5 992 115 bulletins ont été validés. Le «oui» a massivement triomphé, à raison de 5 975 581 voix, soit 99,72 %, en faveur de l'indépendance de l'Algérie, contre 16 534 voix, soit 0,25%, de ceux qui ont voté «non».Aujourd'hui, la junte militaire veut faire de l'armée un instrument de destruction du principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.La confusion entourant la disposition de l'article 30 du projet de la constitution, stipulant que «L'Armée Nationale Populaire défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays conformément aux dispositions constitutionnelles.» ouvre grande la voie à la junte militaire à mobiliser l'armée pour faire valoir son pouvoir absolu contre toute tentative de consacrer la primauté du politique sur le militaire via le transfert de la souveraineté vers le peuple. «Les intérêts vitaux et stratégiques» résident, pour les généraux décideurs, dans la destruction de toute possibilité de démantèlement de la junte militaire et de dissolution de la police politique pour se maintenir au pouvoir et continuer à jouir de tous ses privilèges. Comme un coup de poignard donné à la mémoire et à l'histoire de la Révolution algérienne, l'article 31 est conçu de façon à faire avaler le sinistre projet selon lequel «L'Algérie peut, dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations Unies, de l'Union Africaine et de la Ligue des Etats Arabes, participer au maintien de la paix.» L'article 91, alinéa 2, offre au Président le pouvoir de décider «de l'envoi des unités de l'Armée Nationale Populaire à l'étranger après approbation à la majorité des deux tiers (2/3) de chaque chambre du Parlement.» Un «Président» incapable d'aller voter le jour du simulacre de référendum sur le brouillon de la nouvelle constitution !Par ailleurs, perpétuer l'étatisation de l'islam accentue sa perversion politique comme fait religieux et empêche l'émergence de «Dawla madaniya », un Etat civil et sécularisé, garant de la liberté de conscience et de l'exercice politique de la citoyenneté. Quant à la volonté d'entretenir les antagonismes artificiels entre mémoires collectives que véhiculent Tamazight et la langue arabe, celle-ci participe d'une vision idéologique aliénante de tout ce qui constitue l'algérianité de l'Algérie. UNE CONSTITUTION DANGEREUSE ! Ce que ne disent pas les articles 31 et 91 du projet de la nouvelle constitution, c'est que la junte militaire met l'armée à la disposition du Conseil de Sécurité de l'ONU et de l'OTAN. En termes plus claires, les généraux-décideurs sont prêts de faire de l'institution militaire une milice aux ordres des commandements militaires des puissances néocolonialistes. Ainsi, des militaires algériens seront envoyés en dehors de nos frontières pour tuer ou se faire tuer dans des guerres par procuration. Incapables d'assumer tous seuls une telle ignominie, les généraux-décideurs veulent la faire endosser au peuple algérien par la voix de celles et ceux qui participeront au simulacre de référendum, prévu le 1e novembre. Qu'il soit clair que voter «oui» ou «non» au projet de la constitution, ou bien mettre un bulletin nul dans l'urne ne change rien.Pour le régime, seul le taux de participation compte.Toute personne qui ira voter le 1er Novembre aura sur la conscience la responsabilité de participer l'envoi des militaires algériens, parmi les enfants du peuple, dans la gueule du loup. Devant l'histoire, tout participant à ce simulacre, en son âme et conscience, sera redevable de l'acte de trahison commis contre la mémoire des Chouhada, de chaque militaire mort dans un conflit au-delà des frontières du pays, de chaque personne tuée en son pays d'une balle d'un militaire algérien, de chaque goûte de sang versée dans des conflits où l'armée algérienne ira défendre les intérêts des puissances néocolonialistes. Les deux articles susmentionnés ne disent pas, non plus, que leurs dispositions mettent, sérieusement, la cohésion de l'armée en danger. Otage de la junte des généraux-décideurs, l'institution militaire risque d'être disloquée, à force d'être sollicitée dans des conflits, sous l'influence du partage des intérêts des différents clans du régime avec les puissances étrangères. Ainsi, un conflit d'intérêts entre deux ou plusieurs puissances influentes en Algérie risque de mettre le pays à feu et à sang. Face à ces risques majeurs, le rejet du simulacre de référendum sur un projet de constitution antipatriotique, dans le fond et dans la forme, est un devoir national. Mieux ! C'est un acte salvateur pour le pays. Rejeter ce référendum et ce projet de constitution, c'est être fidèle aux valeurs de Novembre et à la mémoire des Chouhada. Rejeter ce référendum et ce projet de constitution, c'est préserver la cohésion de l'armée, l'unité du pays et son intégrité territoriale. Rejeter ce référendum et ce projet de constitution, c'est empêcher l'envoi de nos enfants pour tuer ou se faire tuer dans des conflits qui servent les intérêts néocolonialistes. Toute épreuve surmontée travaille pour le triomphe de la Silmiya du peuple algérien sur la junte militaire, ses parrains et ses relais. Restons patients, unis, pacifiques et déterminés à réaliser le rêve de nos Chouhada et de nos illustres aînés de la Révolution de Novembre de voir le peuple algérien se libérer de tous les jougs de domination et accéder à l'exercice de sa souveraineté. Hacène LOUCIF.