PAR AW . AOÛT 28, 2023 Omar Benderra, Algeria-Watch, 28 août 2023 Les dimensions politiques n'auraient pas pesé d'un poids décisif quant à la sélection des pays admis au sein du Brics. C'est surtout au regard de critères économiques et stratégiques que six pays sur plus d'une vingtaine de candidats auraient été retenus par les fondateurs de ce groupe géopolitique « émergent ». Le choix des impétrants aurait été basé, selon les échos de presse, sur leurs capacités financières, leurs ressources naturelles et leurs situations géographiques propices à l'extension des flux commerciaux et des mouvements de capitaux, souhaitée par la Chine et l'Inde, deux des principaux moteurs de l'économie mondiale. On pourrait estimer ainsi que la candidature de l'Algérie, éloignée des zones stratégiques privilégiées par ces acteurs, est simplement reportée pour des raisons d'opportunité. Dans ce narratif, le conditionnel est de mise... L'injure et la blessure Car le propos de Serguei Lavrov, ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie lors de sa conférence de presse le 25 aout 2023 à Johannesburg nuance quelque peu cette démarche « objective ». « Les discussions sur l'expansion des BRICS ont été intenses. Cela n'a pas été sans problèmes, (...) mais les considérations les plus importantes pour accepter l'adhésion d'un pays candidat étaient son prestige et son poids (politique), et bien sûr, sa position sur la scène internationale (1).» Dans l'ambiance algérienne déjà plombée par la rebuffade, la déclaration du diplomate d'un des principaux alliés du pays est ressentie par beaucoup comme une gifle supplémentaire qui souligne le discrédit du régime. Comment l'Algérie, animateur historique du mouvement des Non-Alignés peut-elle être traitée de la sorte ? Alger ci-devant Mecque des Révolutions et capitale du Tiers-Monde ne serait plus qu'une étape comme une autre dans la longue liste des cités d'un Sud bloqué dans ses régressions. Le régime dont les figures de proue avaient fait de l'intégration au Brics l'un des axes majeurs de politique étrangère est renvoyé vers sa réalité. Car il peut être déduit, en toute rationalité, du propos, explicatif ou justificatif, du diplomate russe que la candidature de l'Algérie a été retoquée, même provisoirement, en raison du déficit de « prestige » du pays, de l'insuffisance de son « poids politique » et de sa faible « influence » sur la scène internationale. Certes, si la pilule est amère, il faut bien l'avaler mais alors quid du « prestige » des Emirats Arabes Unis ou de l'Arabie Saoudite ? Au plan historique, il ne s'agit que de féodalités pétrolières créées de toutes pièces au XIXème siècle par l'Intelligence Service transférées dans le giron américain au crépuscule de l'empire Britannique. Faudrait-il voir des éléments de « prestige » dans les actions criminelles de déstabilisation à travers toute la région arabo-africaine de ces deux pays par la propagation du wahhabisme et l'alimentation de conflits ? L'atroce guerre menée contre le peuple yéménite aurait-elle renforcé le « poids politique » de ces deux pays aux yeux du ministre russe ? Prestige, influence et poids politique Sans aller plus avant dans l'évaluation des « considérations » de Serguei Lavrov, il serait certainement intéressant d'évaluer le « poids politique » et « l'influence » sur la scène internationale de l'Argentine, en route vers le fascisme et dont l'opposition, majoritaire, refuse l'adhésion aux Brics. Il aurait été plus compréhensible de justifier les adhésions golfiques au nom d'une realpolitik fondée sur l'influence sur les marchés financiers et pétroliers, et, pour celle de l'Argentine, par la recherche d'un certain équilibre géopolitique. On peut déplorer la déclaration russe, mais pour être déplaisantes les conclusions susceptibles d'être tirées de la mise en attente de la candidature algérienne n'en sont pas moins édifiantes. Même si les performances économiques, en net retrait par rapport au potentiel et aux moyens humains du pays, ne sont, bien sûr, pas seules en cause. Certes des progrès partiels et limités sont enregistrés, en termes statistiques surtout, mais le bilan de trente ans de (non)gestion autoritaire et erratique de l'économie nationale est peu élogieux. Mais autant que la refondation du mode, fondamentalement rentier, de conduite de la politique économique, la restauration de l'image du pays est un vaste chantier qui questionne en effet l'exercice de l'autorité politique et la qualité de son administration. La non prise en compte de la candidature de l'Algérie par le groupe des Brics pour sa première extension corrobore l'impact très relatif de l'action extérieure du régime. Qu'on le veuille ou non, la décision de Johannesburg est, substantiellement, l'expression d'un jugement de valeur politique émis par une assemblée internationale plutôt favorable au pays. De cette péripétie sud-africaine et des mouvements qui l'ont précédé, il ressort en définitive que le régime d'Alger est perçu par les fondateurs du Brics comme un partenaire de deuxième rang. En dépit de ce contretemps lourdement symbolique et riche d'enseignements, il est évident que l'Algérie intégrera le Brics dans un avenir rapproché. Il est inconcevable, à tous égards, que le pays soit durablement confiné dans l'antichambre d'une dynamique de constitution d'une alternative aux structures de domination d'un Occident déterminé à maintenir sa suprématie. Il ne fait guère de doute cependant que les blocages du régime devront donc être surmontés pour que l'Algérie puisse jouer pleinement son rôle au sein du mouvement de modernisation démocratique des relations internationales, pour un ordre économique moins injuste et la paix mondiale porté par les Brics. 1. https://arabic.rt.com/world/1489236-لافروف-يكشف-معايير-قبول-الأعضاء-الجدد-في-مجموعة-بريكس/