Le sous-directeur de la Protection du patrimoine forestier auprès de la Direction générale des forêts, Abdelghani Benmessaoud, dresse, pour Le Soir d'Algérie, le premier bilan des incendies de forêt enregistrés à travers 40 wilayas du nord du pays. Ce bilan partiel – le bilan définitif se fait en hiver – se rapporte à la période comprise entre le 1er juin et le 13 août 2017. Selon lui, les services des forêts ont enregistré 2009 incendies, soit une moyenne de 27 départs de feu par jour. Chaque feu dévorait en moyenne 15 hectares. Au total, les 2009 brasiers ont détruit à travers les 40 wilayas 30 174 hectares répartis comme suit ; 15 204 hectares de forêts, 7 581 hectares de maquis et 7 389 hectares de broussailles. D'après l'exposé du directeur de la Protection du patrimoine forestier, ce sont les wilayas de l'est du pays qui sont les plus touchées (El-Tarf, Annaba, Skikda, Guelma, Béjaïa et Tizi-Ouzou). Dans cette région, 928 feux ont ravagé 23 035 hectares. Pour les wilayas du centre du pays, il est question de 847 feux qui ont détruit 5 578 hectares. L'ouest du pays est, pour l'heure, le moins touché. Les forestiers ont enregistré 228 feux faisant des dégâts sur 1 561 hectares. Comparativement à la même période de 2016, les superficies parcourues par le feu ont augmenté de 369,87%. Avant d'affirmer que 90% des départs de feu sont causés par l'humain, soit par inadvertance, soit de manière préméditée, Benmessaoud nous a fourni quelques indications. Il expliquera que «l'incendie de forêt et en même temps un phénomène naturel et une catastrophe naturelle qui n'est pas spécifique à l'Algérie. Tous les pays ayant le climat de type méditerranéen de la rive du nord ou du sud sont touchés. Vous remarquerez, par ailleurs, que la Californie, la Chine, l'Afrique du Sud et l'Australie, qui ont des couverts forestiers de type xérophile, c'est-à-dire des espèces généralement sèches (comme autour de la Méditerranée, ndlr) subissent de nombreux feux de forêt. Les fortes chaleurs estivales augmentent le phénomène d'assèchement des espèces. Le combustible végétal devient donc très sec et s'enflamme facilement. Pour qu'il y ait un feu de forêt, trois conditions doivent être réunies, à savoir la disponibilité du combustible qui est le végétal, l'oxygène pour perpétuer la flamme et étendre l'incendie et l'étincelle pour le déclenchement. L'étincelle peut être déclenchée à partir d'un volcan, ce qui n'existe pas en Algérie, ou par la foudre qui est rare en période estivale. Donc l'élément déclencheur est à 90% d'origine humaine. Reste maintenant à faire le distinguo entre l'acte volontaire et l'acte involontaire.» C'est quand l'acte est volontaire qu'intervient le système répressif. Il y a eu mort d'hommes à la suite d'actes criminels On l'a vu, la Gendarmerie nationale a fait dernièrement état de l'arrestation de 26 personnes à travers 7 wilayas de l'est du pays. Ces personnes sont soupçonnées d'avoir allumé des feux. De même que les gendarmes ont saisi, au niveau de deux wilayas (Batna et Oum-el-Bouaghi) plus de 54 quintaux de charbon. Le bilan de la GN établi sur la période entre le 20 juillet et le 13 août fait malheureusement état de la mort de 9 personnes alors que 17 autres ont été blessées. Les pertes de biens – 162 habitations, 9 poulaillers, 46 têtes de bétail, 4 446 arbres fruitiers et 17 096 bottes de foin – se chiffrent en milliards. Dans cette affaire d'incendies de forêt, plusieurs sources citoyennes ont pointé du doigt les producteurs de charbon et la mafia du foncier particulièrement des entrepreneurs intéressés par la récupération des terrains vidés de leur végétation pour installer des exploitations d'agrégats, de tuf ou d'argile. Partant de la perspective d'implanter une carrière d'agrégats, des mains criminelles ont allumé le feu 15 fois dans une montagne de la wilaya de Boumerdès. D'ailleurs, des citoyens de cette wilaya s'étonnent qu'il n'y ait pas d'arrestations cet été. Les conservateurs fonciers des wilayas ne peuvent plus s'opposer à l'affectation des terrains devenus désormais inutiles surtout lorsque les demandeurs ont leurs entrées au sein des administrations locales. Préserver le sanctuaire de l'ALN qui a libéré le pays Pour le sous-directeur du patrimoine forestier, la forêt est un bien public qui appartient à tous les Algériens, donc tout le monde est responsable de sa préservation. «Les services des forêts ne sont que les gestionnaires du patrimoine collectif. Tout le monde utilise en effet la forêt. Certains en tirent leurs subsistances ou leur richesse.» Plus important, la forêt algérienne était le sanctuaire de la guerre de Libération. C'est grâce à sa protection que l'ALN est sortie victorieuse. Lorsqu'une main criminelle allume un brasier, elle brûle un endroit où certainement des moudjahidine se sont réunis, ont résisté contre les soldats du colonisateur ou sont tout simplement tombés au champ d'honneur. Le pyromane incendie leur mémoire.