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La comète Tebboune et Djamila Bouhired
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 09 - 2017

Dans un système où le pouvoir est concentré et centralisé au plus haut niveau de l'Etat, et où gouvernement et ministres ne sont comptables que devant le chef de l'Etat, personne n'est sûr de rester en place.
Abdelmadjid Tebboune, qui aura été Premier ministre durant deux mois et vingt-sept jours, vient d'en faire l'amère expérience. Du successeur de Tebboune, Ahmed Ouyahia, homme rompu aux ficelles du sérail, qui rempile pour la quatrième fois comme chef du gouvernement, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il fournisse une quelconque explication sur ce limogeage.
Dans ce système politique hérité de l'indépendance, où l'autorité n'est déléguée qu'au niveau de la gestion administrative – le Premier ministre est un exécutant sans plus – Tebboune, qui se revendiquait de Bouteflika, n'a pas compris qu'il ne disposait d'aucune parcelle d'autorité politique à même de lui permettre de s'imposer et d'imposer ses vues aux divers groupes – ministres, haute bureaucratie de l'Etat, patronat et hommes d'affaires, UGTA, FLN et RND – gravitant dans la sphère du sommet de l'Etat.
La seule chose dont on peut être certain (et encore !) est que Tebboune aurait, je dis bien aurait, tenté de bousculer les lignes et de s'attaquer au pouvoir démesuré des oligarques et des lobbys de l'import, d'avoir voulu séparer «l'argent» du «pouvoir», d'avoir voulu engager une opération de recouvrement de plusieurs milliards de dollars de crédit octroyés aux hommes d'affaires, provoquant la colère des oligarques et autres affairistes dont les liens avec le pouvoir politique sont un secret de Polichinelle.
D'où cette soudaine popularité de l'ex-Premier ministre limogé, qui a peut-être accéléré sa disgrâce programmée par ses adversaires.
En outre, d'aucuns ont pensé à tort ou à raison qu'à travers les mises en demeure adressées à l'ETRHB, l'entreprise du patron du FCE (Forum des chefs d'entreprises) Ali Haddad (ami du frère du chef de l'Etat Saïd Bouteflika) par divers départements ministériels dont la défense, concernant des retards de réalisation de projets confiés à cette entreprise, l'armée soutenait Abdelmadjid Tebboune.
Et que partant, les jours de Haddad étaient comptés. Il n'en a rien été. Aussi conviendra-t-on qu'au regard de l'évolution de la situation, il s'est avéré qu'il ne s'agissait que de plans tirés sur la comète Tebboune.
L'été 2017, c'est aussi cette campagne menée par les barbus islamistes contre Djamila Bouhired, sans le sacrifice de qui ces gens-là n'auraient pu s'exprimer dans l'Algérie indépendante. Ils lui reprochent, entre autres, de ne pas porter le hidjab. Ben voyons. Rappelons-leur qu'aucune combattante de l'ALN n'a porté le voile : elles étaient en tenue militaire, comme les hommes, et portaient des casquettes.
Et plusieurs d'entre elles, dont la liste serait longue à établir, sont tombées les armes à la main sans voile. Je défie n'importe quel islamiste de nous montrer une seule photo ou un document filmé d'une combattante de l'ALN en voile ou d'un combattant en barbe et kamis. C'est simple, il n'y en a pas. Autrement, connaissant les islamistes, ils les auraient exhibés et brandis comme arme de guerre dans leur marche vers le pouvoir !
Ces commentaires haineux ne sont pas étonnants en soi. L'histoire de la guerre de Libération a été réévaluée, écrit Mohamed Harbi (L'Algérie et son destin. Médias associés. Alger 1994). «Les héritiers spirituels des Oulémas, écrit-il, qui avaient pris le contrôle de l'enseignement primaire dans le sillage du ministre de l'Education Ahmed Taleb, forgent une nouvelle version des origines de la révolution nationale et en attribuent la paternité à Abdelhamid Ben Badis».
Les Oulémas, qui s'inscrivaient dans une démarche culturaliste, ont certes beaucoup fait en matière de défense des valeurs islamiques et de la langue arabe, mais les faits sont là – ils sont têtus (textes et discours existent, il suffit de les publier) – ils étaient contre l'indépendance nationale, ils étaient pour une Algérie intégrée à l'Union française.
En tant qu'organisation, l'Association des Oulémas n'a rallié le FLN qu'à la veille du Congrès de la Soummam d'août 1956, soit près de deux ans après le début de la guerre de Libération. Mais ça, les petits Algériens ne le sauront jamais.
Dans cette campagne haineuse à l'endroit de Djamila Bouhired, l'Etat, l'Organisation des moudjahidine et autres ONG ont brillé par leur silence. Et moi qui pensais naïvement – les textes de loi existent – qu'insulter les symboles de la guerre de Libération nationale exposerait leurs auteurs à des sanctions... Sur ce, à jeudi prochain.


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