Le président du parti Talaie El Houriat, l'ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, fait une lecture sans état d'âme de la situation générale du pays, en ce début 2018. «Le pays n'est pas gouverné. Le gouvernement improvise et se ravise. Les plus grands problèmes du pays sont laissés en jachère», lancera l'ancien chef de gouvernement. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Benflis s'exprimait ainsi, hier lundi, à l'occasion d'une conférence de presse qu'il animait au siège de son parti, à Dély Ibrahim à Alger. Une conférence qu'il a tenu sciemment à caler entre deux dates «marquantes pour notre pays», dira-t-il, à savoir la Journée du chahid, le 18 février, et le double anniversaire de la création de l'UGTA et la nationalisation des hydrocarbures, le 24 février. Pour Benflis, «jamais notre pays ne s'est trouvé dans une situation aussi délicate, porteuse d'un aussi grand risque de rupture de la paix civile, de la stabilité et de la sécurité nationale, comme aujourd'hui». Il explique : «L'impasse politique est totale. Le pouvoir autiste ignore les partis politiques et la société civile et fait la sourde oreille aux lanceurs d'alerte. Il s'est enfermé dans ses fausses certitudes et ses illusions.» L'ancien candidat aux présidentielles de 2004 et 2014 illustrera son propos par «la gestion autoritariste» des derniers mouvements sociaux qui secouent les secteurs de la santé et de l'éducation, ainsi que «la situation désastreuse «sur le plan économique. Sur ce plan, il précisera encore que, «près de quatre ans après le début de la crise, nous constatons que le gouvernement navigue à vue. Les gouvernements qui se sont succédé ont échoué parce qu'ils ont été incapables d'engager les réformes aussi urgentes que nécessaires pour faire face à la crise, par manque de courage politique et de légitimité». Face à la crise économique, les difficultés sociales inhérentes, Benflis estime que le pouvoir n'a qu'une seule réponse : tout laisser en jachère. Et pour cause, «le pouvoir gagne du temps sur la trajectoire qui mène à 2019». L'échéance de 2019 est une obsession chez tout le monde. Ancien ministre de la Justice dans le gouvernement Merbah, Hamrouche puis Ghozali, ancien directeur de cabinet à la présidence, ancien chef de gouvernement et ancien secrétaire général du FLN, l'homme sait de quoi il parle lorsqu'il fera observer que «les cercles du pouvoir s'entre-déchirent pour se positionner en vue de l'échéance présidentielle par médias interposés. Profitant du vide au sommet de l'Etat, les forces extraconstitutionnelles se font plus arrogantes. Les lobbies n'ont jamais été aussi actifs pour influencer la décision gouvernementale». Benflis, le seul qui a vraiment réussi à inquiéter le règne de Abdelaziz Bouteflika, à deux reprises, en 2004 et en 2014, fait une lecture pragmatique des événements. Les élections présidentielles ne sont pas la priorité pour le pays», dira-t-il. En l'état actuel des choses, nul ne peut battre le candidat du pouvoir qui contrôle tout le processus électoral. Pas même un «candidat unique « de l'ensemble de l'opposition. «N'est-il pas malheureux de constater, dénoncera encore Benflis, que ce n'est ni l'impasse politique, ni la crise économique, ni la montée des tensions sociales, qui sont au centre des inquiétudes des cercles du pouvoir. Le pouvoir fait diversion et tente désespérément de détourner les regards des véritables problèmes du pays vers les confrontations stériles concernant les élections présidentielles et l'hypothétique 5e mandat. Se défendant de toute intention de vouloir «noircir le tableau ou de verser dans l'alarmisme», Benflis martèlera que, tout de même, «la situation est alarmante et nous interpelle tous». S'il estime que «la responsabilité entière du pouvoir est engagée», l'opposition, non plus, n'est pas en reste. «Pour peser de tout son poids, l'opposition doit laisser de côté ses différences secondaires et se regrouper autour d'une démarche collective dont la finalité première est de sortir notre pays de la crise». Pour Benflis, «aussi grave soit-elle, la situation n'est pas désespérée». Pour peu, nuancera-t-il, «que le pouvoir abandonne ses prétentions illégitimes à la pérennité et engage le dialogue pour remettre notre pays sur les rails». Il s'agit d'un dialogue «rassembleur, susceptible, en même temps de renforcer le front intérieur pour soutenir les efforts louables de l'ANP dans sa mission permanente de sauvegarde de l'indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale, de la défense de l'unité et de l'intégrité territoriale de notre pays». Benflis expliquera, par ailleurs, que c'est à la classe politique et à la société civile et non pas à l'ANP de prendre en charge les problèmes politiques. «Je n'ai jamais entendu le chef d'état-major de l'ANP parler d'autre chose que de la sécurité du pays et de la défense de l'intégrité des frontières et du territoire national», répondra-t-il, du reste, à une question à propos des sorties publiques du vice-ministre de la Défense nationale. K. A.