Encore une fois, l'association Machaâl Echahid a été à la hauteur en organisant ce samedi à Lakhdaria, un hommage au commandant Mokrani Rabah, du nom de guerre Si Lakhdar, le martyr qui donnera son nom à Lakhdaria juste après l'indépendance, appelée alors Palestro. D'ailleurs, le thème de la conférence de ce samedi était justement : «Comment Palestro fut débaptisée pour devenir Lakhdaria». Ce samedi, au niveau de la salle omnisports, en plus de la présence de certains moudjahidine encore en vie et des dizaines de citoyens de la ville de Lakhdaria mais également de toute la région, il y avait le président de l'association Machaâl Echahid, Mohamed Abbad ; le président des scouts musulmans algériens, M. Mohamed Bouallag, ainsi qu'un représentant de l'ONM, l'Organisation nationale des moudjahidine, un certain Salah Laâwir qui connaît bien la wilaya de Bouira, puisqu'il était wali de Bouira en 1982, mais également, le groupe du commandant Si Lakhdar puisque cet ancien wali est également un authentique moudjahid qui a combattu sous la bannière du colonel Hassan dans la Wilaya IV historique et plus exactement dans la région de Médéa. D'ailleurs, lors de son intervention, l'ex-wali de Bouira a rappelé avoir eu beaucoup d'actions communes avec les moudjahidine du commandant Si Lakhdar même si, personnellement, il reconnaît n'avoir pas eu de contact direct avec lui. M. Laâwir rappela, cependant, la mort de Si Lakhdar et l'abattement qui s'est emparé des moudjahidine à l'époque tant ce chef de guerre incarnait pour eux tous, la bravoure et l'engagement sans limites et avec ses multiples exploits contre les troupes françaises, les moudjahidine avaient de la peine à croire que leur héros, leur chef était mort. Cela étant, et même si d'autres témoignages ont été rapportés, le témoignage le plus écouté fut celui du professeur en histoire, M. Ali Naâmer. Une intervention pédagogique et très documentée retrace les origines de la baptisation par la France de la ville de Palestro comme telle. Ce fut en 1868 que ce petit douar , dira-t-il, s'illustrera avec les batailles féroces contre les troupes françaises, des batailles menées par les douars Béni Khafoune et les Béni Ammal. A l'époque, le petit faubourg dépendait de la commune mixte de Draâ-El-Mizan. En 1869, des dizaines de familles italiennes furent ramenées et installées sur place et la ville de Palestro, du nom d'une ville italienne que l'empire français récupérera au terme d'une farouche bataille contre l'empire autrichien en 1793. De ce fait, cette ville italienne récupérée par l'empire français fut baptisée dans ce petit faubourg de la nouvelle colonie française qu'est l'Algérie. Aussi, depuis cette date, la ville de Lakhdaria fut baptisée Palestro et le premier maire de cette commune fut également un Italien, du nom de Nico Bassetti. Moins de deux ans plus tard, lors de l'insurrection d'El Mokrani en Kabylie, les deux douars sus-cités se sont révoltés et le maire et sa femme ainsi qu'une quarantaine de soldats français ont été massacrés. A leur tour, les soldats français se vengèrent et brûlèrent les deux villages et entameront les fameux séquestres des terres en les cédant au dinar symbolique aux nouveaux colons. La ville de Lakhdaria portera ce nom à compter de 1963, après l'indépendance. En 1963, le chef de daïra de l'époque, Hachemi Cherif, qui deviendra plus tard SG du Pags puis du MDS, et en apprenant la vérité sur l'histoire de cette ville, et connaissant, en tant que moudjahid qu'il était la valeur du commandant Si Lakhdar, demandera immédiatement aux autorités de l'époque de débaptiser la ville du nom de Palestro et de la nommer, désormais, Lakhdaria en hommage au commandant Si Lakhdar... Le martyr Rabah Mokrani, ou Saïd comme a tenu à le rappeler sa sœur encore vivante et qui était présente ce samedi au niveau de la salle omnisports de Lakhdaria où s'est tenu cet événement, est plus connu sous le nom de guerre Si Lakhdar. Il est né dans le petit village de Guergour près de l'actuelle ville de Lakhdaria, le 6 novembre 1934, au sein d'une famille pauvre originaire de Kabylie, et ayant un lien filial avec El Mokrani qui déclenchera la résistance populaire en 1871, et qui se soldera par la déportation de plus de 2 000 familles dont certaines de Lakhdaria, vers la Nouvelle-Calédonie... Dès le début de la Révolution de novembre 1954, Rabah s'engagera et aura pour mission la mise en place des premières cellules combattantes dans la région de Lakhdaria et Aïn-Bessem, dans la wilaya de Bouira. En 1956, il est nommé chef des unités de combat de choc de l'armée de libération nationale (ALN), puis chargé, en compagnie du chahid Ali Khodja, de la formation des commandos d'élite de la Wilaya IV historique. Par son sens du combat et ses hauts faits d'armes, il sera surnommé «Faucon de djebel Zbarbar» par l'armée française. Entre 1956 et 1958, il mènera plusieurs opérations contre les troupes françaises notamment à Tablat, Sour-el-Ghozlane, Palestro, Bordj-el-Bahri, Béni-Slimane et Djebel Bouzegza en causant à chaque fois des pertes énormes à l'armée française. Dans la nuit du 4 au 5 mars 1958 à Djebel Boulagroune, le commandant Si Lakhdar sera blessé grièvement lors d'un accrochage avec les troupes françaises et quelques jours plus tard, il succombera à ses blessures et sera enterré, dans la discrétion la plus totale, au douar Zenine, situé en contrebas du Djebel Boulagroune, où une stèle fut érigée après l'indépendance en son honneur. Ce samedi, lors des débats, des citoyens anonymes ont émis le vœu de voir les hauts faits d'armes et surtout la vie de ce grand héros de la révolution, dans les écrans du cinéma. Une idée que le président de l'association Machaâl Echahid dit en cours et qui pourra voir le jour sous peu. Un autre intervenant a émis le vœu de voir les historiens se pencher sur ce héros et là, le représentant de l'ONM, Salah Laâwir, s'est engagé à financer en personne l'édition de ce livre. Y. Y.